Et si l’un de vos patients vous demandait de devenir sa personne de confiance ? Cette possibilité est prévue depuis 2002 par la loi Kouchner relative aux droits des malades dans son article L. 1111-6 : « toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant, et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin ». Pourtant très rares sont les médecins généralistes qui ont eu à jouer ce rôle si l’on en croit ceux qui exercent en Île-de-France et interrogés par la Dr Philippine d’Hébrail (1) à l’occasion de sa thèse en médecin générale. C’est aussi le résultat qui ressortait d’une thèse de 2017 menée en Ille-et-Vilaine par la Dr Déborah Chazé (2).
Seulement 1 à 10 % des patients choisissent leur médecin
Selon différentes études menées dans les années 2010, un membre de la famille est choisi par plus des trois quarts des patients comme personne de confiance, seulement 1 à 10 % choisissent leur médecin. Qu’en est-il aujourd’hui ? Il serait intéressant de voir si cette tendance a évolué. Le médecin traitant, parce qu’il suit ses patients régulièrement, pourrait représenter une personne de confiance de choix : la relation de confiance qu’il établit et la confidentialité des échanges assurent un dialogue profond, vrai, au cours duquel le patient peut se montrer tel qu’il est, avec ses craintes, ses fragilités, ses désirs. Par ailleurs, les médecins généralistes tiennent une place importante dans la fin de vie des patients qu’ils soignent. Ce sont ainsi des interlocuteurs privilégiés avec qui parler de ce moment et l’anticiper, bien qu’il s’agisse d’un sujet délicat à aborder car relevant de l’intime.
La nécessité d’un temps de dialogue et de réflexion
Si les médecins traitants sont exceptionnellement personnes de confiance c’est avant tout parce que le côté législatif est rarement abordé en consultation par méconnaissance du dispositif et des missions relatives à cette fonction, selon les résultats de la thèse de la Dr d’Hébrail. Les participants dénoncent aussi un manque de temps et une certaine difficulté à aborder d’eux-mêmes un sujet violent – susceptible de provoquer de l’angoisse chez le patient – qui renvoie à la perte d’autonomie et à la déchéance du corps. C’est un sujet qui nécessite un temps de dialogue et de réflexion important. Plusieurs personnes interrogées ont abordé la question de la rémunération des consultations particulièrement longues l s’agit des questions de la personne de confiance et des directives anticipées.
C’est aussi cette question de temps passé sans cotation particulière qui ferait hésiter certains médecins à accepter de devenir personne de confiance. Parmi le verbatim rapporté par la Dr d’Hébrail on note : « Quand un médecin accepte d’être la personne de confiance d’un patient qu’il suit, comment valoriser son statut ? Le médecin peut-il facturer une consultation lorsqu’il rend visite au patient hospitalisé qu’il accompagne ou échange avec l’équipe médicale en charge du malade ? ».
Une autre question se pose également : le médecin traitant désigné personne de confiance doit-il se détacher de son rôle de soignant ? En théorie la personne de confiance a un rôle consultatif et est dépourvue de pouvoir décisionnel. Si l’avis de la personne de confiance qui est également le médecin traitant s’oppose aux soins jugés nécessaires par une équipe médicale qui intervient également dans la prise en charge du patient, qui aura le dernier mot ? Les médecins risquent alors de se retrouver dans une situation délicate et inconfortable. Dans l’ensemble, les praticiens interrogés pourraient accepter – de façon exceptionnelle – de devenir la personne de confiance de patients vulnérables, sans proches et avec lesquels ils ont une relation à long terme.
Le travail de la Dr d’Hébrail se termine par une question très actuelle. À l’heure des réseaux sociaux, de l’IA et de ChatGPT, la notion de personne de confiance est-elle encore d’actualité ? Ne devrait-on pas revoir la Lloi de 2002 ? Une récente étude américaine (3) révèle que ChatGPT serait plus performant que les médecins pour poser des diagnostics complexes. Et ce n’est pas tout, un autre travail a montré que sur 195 questions de patients posées à des médecins et à ChatGPT, 45 % des réponses d’IA ont été jugées « empathiques » ou « très empathiques » contre 4,6 % de celles des médecins (4). Quelle place restera-t-il dans les années à venir pour les médecins traitants qui acceptent la double casquette de personne de confiance ?
(1) D’Hébrail P. Le médecin traitant comme personne de confiance de ses patients : enquête qualitative auprès de généralistes exerçant en IdF. Thèse 2025
(2) Chazé D. Place du médecin généraliste en tant que personne de confiance : enquête qualitative auprès des médecins généralistes d’Ille et Vilaine. Thèse 2017
(3) Templin T, Perez MW, Sylvia S, et al. Addressing 6 challenges in generative AI for digital health: A scoping review. Silva JNA, éditeur. PLOS Digit Health. 2024;3:e0000503
(4) Ayers JW, Poliak A, Dredze M, et al. Comparing Physician and Artificial Intelligence Chatbot Responses to Patient Questions Posted to a Public Social Media Forum. JAMA InternÒ Med. 2023;183:589‑96.
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