Allergovigilance
L'anaphylaxie sévère avec risque léthal, en particulier en cas d'allergènes masqués dans l'alimentation industrielle, n'est pas rare. Les données récentes recueillies grâce aux informations du réseau d'allergo-vigilance portent actuellement sur 110 cas d'anaphylaxie sévère chez l'enfant et 214 chez l'adulte.
Trois accidents léthaux ont été indexés (arachide : 1, soja : 1, lait de brebis : 1).
• Le choc anaphylactique a été noté dans 35 % des cas chez l'enfant et 55 % des cas chez l'adulte, l'angio-oelig;dème laryngé dans 15,7 % chez l'enfant et 11,7 % chez l'adulte, l'asthme aigu grave dans 6,4 % chez l'enfant et 2,8 % chez l'adulte.
• Les réactions systémiques graves sans collapsus cardio-vasculaires sont retrouvées dans 41 % des cas chez l'enfant et 30 % chez l'adulte.
• Ces accidents ont motivé une hospitalisation dans 60 % des cas.
Les allergènes le plus souvent rencontrés
Les allergènes les plus fréquemment rencontrés sont :
- chez l'enfant : les fruits secs à coque (27 %) dominés par la noix de cajou (14/29 cas), l'arachide (25 %), les crustacés, mollusques, escargots (15 %) et légumineuses (5 %) ;
- chez l'adolescent et l'adulte : les végétaux croisant avec le latex (13 %) dominés par le sarrasin (13 cas sur 27), les crustacés (13 %), les fruits à coque (10 %), les légumineuses (8 %) et la farine de blé (8 %).
Allergènes masqués
Les accidents par allergènes masqués représentent 17 % des anaphylaxies sévères de l'enfant : arachide (12 cas), farine de lupin (9 cas) contre 9 % des cas chez l'adulte. Quatre cas (dont une mort) sont survenus par ingestion de macarons dits « aux amandes », mais constitués de pâte d'arachide avec un arôme artificiel d'amande, sans étiquetage informatif. La farine de lupin ne fait pas partie de la liste des allergènes à déclaration obligatoire fixée par la directive européenne. D'autres cas sont liés à une erreur d'étiquetage ou à un changement de recette du produit industriel.
Sans étiologie précise
Les anaphylaxies sévères, très probablement alimentaires, mais restant sans étiologie précise représentent 1 % des enfants et 3 % de l'adulte.
Chez l'adulte, les facteurs associés sont l'effort, l'alcool et les bêta bloquants, l'aspirine et les Ains. Aucun de ces facteurs n'est noté dans les anaphylaxies sévères de l'enfant. La moindre fréquence des anaphylaxies sévères chez l'enfant, deux fois moins fréquentes chez l'enfant que chez l'adulte, est confirmée comme la plus grande fréquence des allergies alimentaires chez l'enfant (3,6 enfants pour un adulte selon les données du CICBAA sur 1 137 allergies alimentaires).
Le risque des allergènes masqués est plus important chez l'enfant malgré les précautions parentales (17 % versus 9 % chez les adultes). Cela pourrait indiquer la susceptibilité particulière des enfants à des doses plus faibles.
En ce qui concerne la sensibilisation aux pollens de maïs et de colza, une étude épidémiologique a montré en 2005 des taux de sensibilisation légèrement supérieurs chez les adultes (supérieurs à 15 %) par rapport aux enfants. Bien que l'allergie respiratoire aux pollens de maïs et de colza ne soit pas individualisée, il est intéressant de constater l'existence de formes latentes afin d'étudier ultérieurement les sensibilisations aux pollens de colza et de maïs transgéniques.
Nouveaux ingrédients à connaître
Si les huit groupes alimentaires allergéniques responsables, dans plus de 90 % des cas, de réactions IgE dépendantes (lait, oeufs, poissons, crustacés, arachides, groupe des noix, soja et blé) auxquels il faut ajouter le céleri, le sésame et la moutarde, sont bien identifiés, un certain nombre d'ingrédients, dérivés d'aliments courants allergiques contenant des taux importants de protéines, comme la caséine et le petit lait dérivés du lait ou la semoule de la farine, doivent être connus. D'autres ingrédients avec des taux faibles de protéines peuvent aussi être responsables de réactions allergiques, comme certaines huiles pressées à froid (huile de sésame) dont le taux d'allergénicité est nettement plus élevé que celui des huiles raffinées d'arachide et de soja. D'autres exemples méritent d'être également signalés : phytostérols des graines de soja et d'arachide, isoflavones du soja, amidon de blé, hydrolysats d'amidon de blé, hydrolysats de protéines de soja, de lait, d'arachide et de blé, lactose et lactoferrine du lait, oléorésine du céleri, glucosamine des crustacés entre autres. Actuellement, un petit nombre d'ingrédients sont connus comme allergènes : caséine, lysosyme, ingrédient alimentaire dérivé du blanc d'oeuf lui même identifié comme un allergène. D'autres ingrédients peuvent être des protéines provenant d'une source allergénique, mais dont la fraction protéique ne contient pas des taux des allergènes majeurs provenant de la source : gélatine de poisson et ichtyocolle, deux ingrédients dérivés du poisson qui contiennent seulement le collagène de la peau du poisson et non la parvalbumine, l'allergène majeur du muscle du poisson.
Ces notions sur le risque allergique des ingrédients utilisés par les industries alimentaires méritent d'être diffusées afin d'éviter des réactions cliniques plus ou moins sévères dont le diagnostic ne peut être affirmé quelquefois que par des tests de provocation. C'est pourquoi il est indispensable d'étiqueter tous les ingrédients présents afin d'éviter toute confusion qui pourrait conduire soit à des accidents soit à des régimes alimentaires inutiles.
L'allergie alimentaire dans le temps
Environ 8 % des enfants ont une allergie alimentaire (AA) au cours des premières années de la vie. Quelques aliments, malgré l'énorme diversité des régimes chez l'homme, sont responsables de la grande majorité des réactions allergiques comme : le lait de vache, l'oeuf de poule, l'arachide, le groupe des noix, le blé, le soja, le poisson et les coquillages. Dans l'ensemble, une AA évolue favorablement. En effet, la grande majorité des enfants devient tolérante avec l'âge. Cependant, l'histoire naturelle de l'AA est différente pour chaque allergène. L'allergie aux protéines du lait de vache (Aplv) apparaît dans les premiers mois et 85 % des enfants deviennent tolérants aux Aplv au terme de la troisième année. L'allergie à l'œuf apparaît le plus souvent au cours de la deuxième année, mais cette sensibilisation persiste plus longtemps que dans le cas de l'Aplv : la moitié des enfants allergiques à l'oeuf ne tolère cet aliment que vers 3 ans, et pour les deux tiers après 5 ans. L'allergie à l'arachide, contrairement au lait de vache et à l'oeuf, persiste à l'âge adulte. Cependant, selon quelques études récentes, 20 % des enfants allergiques à l'arachide perdraient leur allergie.
Les IgE
La plupart des réactions allergiques aux aliments sont IgE dépendantes, mais la présence d'IgE spécifiques ne correspond pas toujours à une réaction clinique. C'est bien la raison pour laquelle on utilise souvent en pratique clinique des tests de provocation en double aveugle contre placebo chez des enfants sensibilisés pour montrer l'intérêt clinique du dosage des anticorps spécifiques. Des études menées aux Etats-Unis, ces dernières années, ont montré une corrélation entre IgE spécifiques du sérum et manifestations cliniques, à tel point qu'un arbre décisionnel pour le diagnostic a été formulé en se basant sur la concentration d'IgE spécifiques vis-à-vis de quelques aliments comme l'arachide, l'œuf, le lait et le poisson. Ces points de repère pour le diagnostic ont permis ainsi d'éviter un certain nombre de tests de provocation chez de nombreux patients.
L'usage d'allergènes alimentaires purifiés ou recombinants pour mesurer les IgE spécifiques dans le sérum, à la place des extraits alimentaires classiques, devrait nous fournir de meilleures informations pour le diagnostic de l'AA.
Dans le temps
L'AA évolue dans le temps. C'est pourquoi il est nécessaire de réévaluer régulièrement les patients sur l'état de leur réactivité clinique. Certains patients vont devenir tolérants, d'autres, au contraire, vont présenter de nouvelles allergies alimentaires. Les mécanismes qui correspondent au développement d'une tolérance restent encore obscurs. K. Beyer et coll. viennent de mettre au point un modèle pour prédire les probabilités d'une tolérance avec le lait de vache et l'œuf de poule en se basant sur la diminution des IgE spécifiques alimentaires dans le temps. Cette méthode d'estimation devrait permettre aux cliniciens de décider ou non de l'utilité des tests de provocation et ainsi de diminuer le nombre de challenges prématurés et inutiles.
D'après les communications des Prs Anne Moneret-Vautrin (Nancy),
S.-L. Taylor (Etats-Unis), K. Beyer (Allemagne) au 3e symposium CICBAA. Actualités en allergologie alimentaire, Nancy.
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