Tout commence par un changement de formule du Lévothyrox, en mars : à la suite d'une demande de l’ANSM, pour assurer une meilleure stabilité au médicament, le laboratoire Merck remplace l’un des excipients, le lactose, par du mannitol et de l’acide citrique, tous deux largement utilisés par ailleurs et depuis longtemps, à des doses sans effet notoire. Il réalise auparavant une étude qui montre l’équivalence des biodisponibilités entre l’ancienne et la nouvelle formule.
L’ANSM prévient les professionnels de santé (400 000 courriers sont envoyés, en plusieurs fois) mais sans que la marge thérapeutique étroite du médicament – et les problèmes auxquels on peut s’attendre de ce fait – ne soit mise en avant, ni que les patients soient prévenus (par un changement de notice, ou par l’intermédiaire d’associations par exemple). Un problème de communication reconnu par l’ANSM et la Ministre de la Santé, laquelle a par la suite lancé une mission « information et médicament », pour analyser ce cas et éviter de reproduire les mêmes erreurs.
Explosion des signalements
Les signalements d’effets indésirables (EI) explosent au cœur de l’été, quand commence la médiatisation. L’ANSM ouvre un numéro vert pour les patients concernés. D’après les résultats préliminaires de l’enquête de pharmacovigilance qui suivra, il y a eu 14 633 signalements concernant les EI de la nouvelle formule du Lévothyrox, entre fin mars et mi-septembre, pour 2 528 847 personnes ayant eu au moins un remboursement de Lévothyrox nouvelle formule entre janvier et juin 2017. Ce dernier chiffre pose d’ailleurs la question d’une possible surprescription.
« Les EI les plus fréquemment rapportés sont : fatigue/asthénie, céphalées, insomnie, vertiges, myalgies/arthralgies, alopécie. Ces effets étaient déjà rapportés avec l’ancienne formule mais leur fréquence de notification est augmentée », souligne l’ANSM. Des effets peu spécifiques, qui pourraient être en lien avec un problème de dosage du médicament, mais pas toujours. L’ANSM et les sociétés savantes conseillent aux patients subissant ce type d’EI de consulter leur médecin pour vérifier l’équilibre du traitement. Effet nocebo dû à la médiatisation, stress (qui influe largement sur les pathologies thyroïdiennes), événements intercurrents sont avancés comme des explications alternatives au phénomène.
Du quasi-monopole aux alternatives
Le Lévothyrox était en situation de quasi-monopole (si l’on excepte la lévothyroxine en gouttes, de Serb) en France, ce qui n’a pas toujours été le cas. Des génériques ont été présents pendant un temps, mais ne trouvant pas leur place, ils ont quitté le marché français au plus tard début 2017. Au fil des mois, depuis que la polémique a pris de l’ampleur, de nouvelles spécialités ont été mises (ou remises) sur le marché : l’ancienne formule du Lévothyrox, sous le nom d’Euthyrox (mais de façon prévue comme temporaire) ; la L-thyroxin Henning de Sanofi ; et Thyrofix d’Unipharma. Une nouvelle spécialité (des laboratoires Genévrier) est en cours de demande d'AMM.
Plaintes et perquisitions
Des patients ont intenté des actions en justice, contre l’ANSM et Merck principalement, dont les sièges ont tous deux été perquisitionnés. Une action collective a aussi été lancée à Toulouse où une plainte en référé a obligé Merck à délivrer nommément l’ancienne formule à 25 patients. D’autres actions sont encore en cours.
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