« JE SUIS SORTI de la réunion d’information avec Roselyne Bachelot beaucoup plus inquiet que je n’y étais entré », confie le Dr Pierre Lévy, secrétaire général de la CSMF. La ministre, explique-t-il, ne nous a fourni de réponse claire que sur la question de l’indemnisation des praticiens contaminés par le H1N1, en nous disant que l’État, en cas de réquisition, prendrait le relais des systèmes assurantiels de responsabilité civile. Et encore, elle n’a pas évoqué le cas des jeunes confrères contaminés qui n’ont pas souscrit de contrat prévoyance avec des indemnités journalières et qui seraient contraints de suspendre leur activité, privés de revenu. »
À MG France, le Dr Martial Olivier-Koehret, président du syndicat des généralistes, confirme que les interrogations sont nombreuses : « La stratégie vaccinale n’est toujours pas définie, compte tenu des aléas de calendrier de production, alors que nous demandons que les doses soient adressées aux médecins traitants ; la question de la prescription prophylactique du Tamiflu reste en suspens. De même, le choix de la fourniture des antiviraux directement aux praticiens n’a toujours pas été fait, alors qu’il est établi que la prise de la première gélule dans les 12 premières heures suivant l’apparition des symptômes est déterminante. La procédure des arrêts de travail n’a toujours pas été tranchée, le schéma déclaratif, à l’initiative des patients, semblant la meilleure option pour faire face à un très grand nombre de demandes. Quant au basculement vers la médecine ambulatoire, nous continuons de demander le déclassement du virus pour que les prélèvements puissent être effectués en ville et qu’ainsi soit réduit le risque épidémique majeur des sous-déclarations, mais on reste dans l’attente du feu vert ministériel. Bref, sur toute la ligne, c’est l’incertitude. »
« Les lacunes de notre préparation sont connues, avec une mobilisation sur le terrain et une information des citoyens insuffisantes », estime le Dr Jean-Marie Le Guen, député (PS) de Paris et président de l’AP-HP. « Sans apporter la moindre écoute aux médecins généralistes et aux urgentistes hospitaliers, nos autorités de santé renouvellent une erreur digne de celle de la canicule de 2003 », accuse même le Dr Patrick Pelloux (AMUF).
Les cosmonautes sur la sellette.
Sans aller jusque-là, le Dr Lévy reproche à Roselyne Bachelot « un discours trop lisse, qui consiste à mettre en avant les incertitudes pour justifier la remise à plus tard des décisions. Pendant ce temps, les collègues s’impatientent et s’inquiètent. Ils ne parviennent toujours pas à se faire préciser les emplacements des plateformes zonales ; ils redoutent particulièrement le jour où les patients seraient invités à les appeler directement, alors que l’habitude leur a été donnée d’appeler le 15. »
Ce « recours systématique au transport par le SAMU, avec ses cosmonautes casqués, constitue une communication de crise contre-productive », souligne le Dr Olivier-Koehret, rejoint sur ce point par le Dr Jean-Claude Régi, président de la FMF, qui dénonce « une erreur de paradigme, s’agissant d’une grippe pas plus virulente que la saisonnière. Beaucoup de confrères nous font part de leur impatience et ne ménagent pas leur critique sur une stratégie de prise en charge trop lente à évoluer. Il faut faire la part entre ces réactions légitimes et des polémiques hors de propos qui accusent le gouvernement d’enfumage, alors qu’il mène une politique pragmatique qui gère au plus près l’évolutif. »
C’est aussi le sentiment du Dr Michel Legmann, président du Conseil national de l’Ordre des médecins, qui a adressé hier une circulaire aux présidents départementaux pour les inviter à une « vigilance accrue » sur les patients qui présentent des symptômes grippaux. « Cet été, les libéraux auront à cur de garantir la permanence des soins, assure-t-il. La mobilisation et le sérieux de tous sont de rigueur, alors que le gouvernement, en liaison étroite avec l’Organisation mondiale de la santé, veille à prendre des mesures sanitaires appropriées, c’est-à-dire proportionnés à la gravité de la situation. »
Avenue de Ségur, on déclare avancer le plus précautionneusement possible, en révisant au quotidien les modes de prise en charge. C’est ainsi qu’aujourd’hui la prescription du Tamiflu ne semble plus devoir revêtir de caractère automatique. Cette inflexion de la stratégie thérapeutique ne milite pas en faveur basculement prochain vers l’ambulatoire, les autorités de santé veulent mettre les libéraux à l’abri des pressions de leurs patients.
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