Effet de l’automesure tensionnelle et de l’auto-ajustement médicamenteux sur la pression artérielle systolique des patients hypertendus à haut risque cardiovasculaire.
McManus RJ, Mant J, Haque S et al. Effect of Self-monitoring and Medication Self-titration on Systolic Blood Pressure in Hypertensive Patients at High Risk of Cardiovascular Disease, JAMA 2014;312:799-808.
CONTEXTE
L’automesure tensionnelle et l’auto ajustement du traitement antihypertenseur ont démontré qu’ils étaient efficaces et sûrs (1), mais cela ne concernait pas les patients hypertendus à haut risque cardiovasculaire.
OBJECTIF
Evaluer l’effet de l’automesure à domicile associée à l’auto ajustement du traitement, sur la pression artérielle systolique (PAS) des patients hypertendus à haut risque non contrôlés.
MÉTHODE
Essai randomisé comparatif en ouvert. Pour être inclus, les patients devaient avoir une hypertension artérielle (HTA) non contrôlée (≥ 130/80 mmHg) et un antécédent d’événement CV, ou de diabète de type 2 ou d’insuffisance rénale de stade 3 (clairance estimée = 30-59 ml/mn).
Dans le groupe intervention, les patients étaient formés à l’automesure avec un appareil électronique à mémoire, et à ajuster leur traitement antihypertenseur selon un algorithme individuel défini d’un commun accord avec leur médecin.
Dans le groupe témoin, les patients étaient suivis comme à l’accoutumée. Le critère de jugement principal était la PAS à 1 an. Les critères de jugement secondaires étaient la pression artérielle diastolique (PAD), les effets indésirables et la qualité de vie.
L’analyse statistique a été faite sur les patients dont toutes les données étaient disponibles à un an et a utilisé un modèle mixte ajusté. Une analyse de sensibilité a été faite sur tous les patients randomisés par imputation multiple des données manquantes selon la dernière mesure connue ou la moyenne des séries de mesures. Pour une puissance de 90 % et un risque alpha = 0,05, 270 patients devaient être inclus dans chaque groupe pour démontrer une différence de 5 mmHg sur la PAS en faveur du groupe intervention.
RÉSULTATS
Sur les 10 764 patients potentiellement éligibles extraits des dossiers informatisés de 59 cabinets de médecine générale, 552 (276 dans chaque groupe) répondant aux critères d’inclusion ont été randomisés. 220 avec des données complètes ont été analysés à 1 an. Les caractéristiques des patients à l’inclusion étaient comparables : âge moyen 69 ans, 60 % d’hommes, comorbidités cardiovasculaires et profils socio-professionnels similaires, PA = 144,2/79,9 mmHg dans le groupe témoin et 143,5/80,2 mmHg dans le groupe intervention.
À 1 an, la PAS était de 137,8 dans le groupe témoin et de 128,2 mmHg dans le groupe intervention, différence = 9,2 mmHg. La PAD était de 76,3 mmHg dans le groupe témoin et de 73,8 mmHg dans le groupe intervention, différence = 3,4 mmHg. Les analyses de sensibilité ont abouti à des résultats similaires et il n’y a pas eu de différence sur les effets indésirables, ni sur la qualité de vie.
COMMENTAIRES
Cet essai mené par une équipe de généralistes chercheurs britanniques a été finement conçu et très rigoureusement analysé. Il montre que l’automesure à domicile associée à l’auto-ajustement du traitement par un patient éduqué permet de réduire la PAS de 9 mmHg par rapport à un suivi conventionnel. 9 mmHg de PAS en moins, c’est 30 % de réduction du risque d’accident vasculaire cérébral (2) pour peu que cet état persiste.
› Compte tenu de la définition habituelle de l’HTA non contrôlée (≥ 140/90 mmHg), celle utilisée par les auteurs (≥ 130/80 mmHg) est éventuellement critiquable. Cependant, ils se sont appuyés sur les recos de l’époque, qui étaient spécifiques (quoique controversées) de ce type de patients hypertendus à haut risque (3).
› Le lecteur attentif aura remarqué l’événement classique et rigolo survenu dans le groupe témoin dans lequel il n’y a eu aucune intervention : la PAS a « naturellement » diminué de 5,8 mmHg et la PAD de 3,2 mmHg en un an. C’est l’effet Hawthorne, décrit pour la première fois en 1939 à Chicago dans une usine de fabrication de matériel électrique (4). Cet effet correspond à la tendance naturelle des humains à modifier inconsciemment leurs comportements quand ils se savent observés.
› En pratique, pour initier un traitement antihypertenseur ou le modifier, l’automesure à domicile avec un tensiomètre électronique devrait supplanter la mesure conventionnelle avec un appareil conventionnel au cabinet. L’automesure réduit l’effet blouse blanche, la mesure électronique diminue fortement la tendance à la préférence numérique des médecins (5), et le tout abouti à des mesures plus précises.
Quant à l’auto-ajustement du traitement, les patients et généralistes anglais sont culturellement plus enclins à l’accepter que dans les pays latins où le transfert des tâches fait débat.
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