Appeler le 15 avant d'aller aux urgences ? Face à la hausse des appels, les Samu sous pression

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Publié le 30/08/2022
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Crédit photo : Phanie

Les appels aux Samu ont augmenté « de l'ordre de 20 % » durant la période estivale, a indiqué le ministre de la Santé,  dans un entretien exclusif au « Quotidien » cette semaine. Preuve, selon lui, que la consigne nationale d'appeler le 15 avant de se rendre aux urgences a été suivie d'effet. Mais sur le terrain, cette hausse des appels a eu des conséquences directes et contrastées sur l'activité des Samu.

C’est notamment le cas du Samu Gironde (33), où selon le syndicat Sud Santé sociaux du CHU de Bordeaux, la hausse d'activité engendrée n’a pas été suivie d’augmentation de moyens humains. Conséquence : l’explosion du nombre d'appels a entraîné des délais de décrochés supérieurs à plusieurs minutes et des réponses médicales qui « peuvent atteindre l'heure d'attente », selon le syndicat.

Contacté par « Le Quotidien », Gilbert Mouden, délégué Sud dans l'établissement juge que les conditions de travail sont tellement « déplorables » au Samu 33 que de « nombreux agents sont en arrêt ou envisagent de démissionner ». Selon l’infirmier anesthésiste, le centre 15 n’est pas « un numéro magique qui fonctionne sans moyens humains supplémentaires ». Le nombre d’appels aurait connu une hausse d’environ 10 % depuis le début de l’été, selon Jérôme *, un assistant de régulation médicale (ARM) du Samu 33, dans un contexte où il manquerait déjà 20 % des effectifs d’ARM en raison de difficultés de recrutement et de conflits internes. En outre, malgré le renfort d'étudiants en médecine, certains ARM feraient parfois des semaines de « près de 80 heures ». 

Bond spectaculaire

La situation semble moins alarmante en Dordogne, même si, là aussi, l’activité du Samu a connu « un bond spectaculaire » cet été, selon le Dr Jean-Paul Lorendeau, médecin responsable du Samu 24. Le nombre de dossiers ouverts aurait, par exemple, augmenté de plus de 50 % le week-end du 14 juillet (700 durant le week-end, contre à 400 à 500 dossiers les années précédentes), raconte le praticien.

Alors qu'il attendait un « été de tous les dangers », dans ce département touristique qui souffre de désertification médicale, au final, « nous n’avons pas d’événements indésirables graves et cela s’est bien passé au niveau des urgences vitales ». Quant au délai de décroché, il a tourné en moyenne entre 80 et 85 secondes durant l‘été, ce qui est jugé plutôt « pas mal » par le médecin. Mais le revers de la médaille est que le personnel du Samu 24, pourtant renforcé au début de l’été grâce au recrutement de cinq ARM supplémentaires, est aujourd’hui épuisé. « Certains ont dû revenir de congés pour pouvoir faire face à cette vague d’appels énorme », déplore le médecin. Il reste néanmoins persuadé que la boîte à outils du ministre de la Santé, est une « lueur d’espoir » car elle « ouvre la porte à beaucoup de changements pour améliorer le fonctionnement du système de santé ».

Énorme pic d'activité

Plus haut sur la côte atlantique, le responsable médical du Samu Loire-Atlantique (44), le Dr Joël Jenvrin est plus nuancé. Lui aussi a connu « un énorme pic d’activité » la semaine 14 juillet (16 000 appels hebdomadaires, contre 10 000 à 12 000 habituellement). S'il a pu renforcer l'équipe des ARM grâce aux renforts d'étudiants en médecine, il manque toujours cinq agents pour faire tourner correctement le service. En effet, l'activité a bondi de 30 % par rapport aux trois années précédentes. Néanmoins, le Samu 44 « n’a jamais été en difficulté sur la prise en charge des urgences vitales », souligne le médecin qui note que « 9 appels sur 10 décrochés dans la minute » en moyenne. À noter que dans ce département, il n'y a pas eu de consignes spécifiques envers la population de passer par le 15 avant de se rendre aux urgences. Si ce système venait à être mis en place, il faudrait « renforcer drastiquement les effectifs, tant au niveau des ARM qu’au niveau de la réponse médicale », estime le Dr Jenvrin.

* Le prénom a été modifié pour des raisons de confidentialité


Source : lequotidiendumedecin.fr