Coup dur pour l’Assistance publique – hôpitaux de Paris (AP-HP), qui a essuyé ce lundi un revers majeur sur un de ses projets les plus emblématiques. Le tribunal administratif de Montreuil (Seine-Saint-Denis) a annulé la déclaration d'utilité publique du projet de futur hôpital Grand Paris-Nord, considérant que « les inconvénients de l'opération l'emportaient sur ses avantages ».
Cette décision met un sérieux coup de frein à ce projet d'envergure – porté par le CHU francilien et l'Université Paris Cité – qui doit remplacer les actuels hôpitaux Bichat à Paris et Beaujon à Clichy (Hauts-de-Seine) à l’horizon 2028.
Les jugent ont suivi l'avis du rapporteur public (de juin dernier). « L'opération, dont la configuration ne permet pas des évolutions futures, conduisait à une diminution non compensée de l'offre de soins dans un territoire souffrant déjà d'importantes inégalités de santé », écrit le tribunal. L'opération conduisait en effet à diminuer, à périmètre constant, « le nombre de lits d'hospitalisation de 1 131 à 941, le nombre de places en ambulatoire de 207 à 173 et le nombre de naissances pouvant être accueillies de 3 238 à 2 000 », précisent les juges.
« Des calculs complètement délirants »
Porte-parole du collectif inter-hôpitaux (CIH), l’une des organisations à l’origine d’un recours contre le projet (avec Sud Santé Solidaires, les collectifs inter-urgences et « Pas ça, pas là, pas comme ça ! ») , le Dr Olivier Milleron se déclare « satisfait que la justice reconnaisse nos arguments ». Les organisations avaient en effet déposé un recours, estimant depuis le début que l'hôpital Grand Paris-Nord était sous-dimensionné par rapport aux besoins de santé de la zone couverte, appelée à connaître une croissance démographique.
Pour le cardiologue de Bichat, la baisse du capacitaire dans le nouveau projet était même basée sur « des calculs complètement délirants ». « Il reposait sur des durées moyennes de séjour 30 % plus courtes dans l'hôpital Grand Paris-Nord que dans le reste de la France, sans que ces informations soient justifiées », précise le Dr Milleron. D’autre part, le projet prévoyait « des taux d’occupation de l’ordre de 95 %, des taux que l’on retrouve dans les cliniques privées, et non pas dans les hôpitaux publics », illustre encore le cardiologue parisien.
Le porte-parole du CIH regrette également que l’administration n’ait pas pris la mesure des alertes transmises. Depuis 2015, collectifs de soignants et riverains tentaient, en vain, d’interpeller les pouvoirs publics. Au final, le projet hospitalier n’a été modifié qu’à la marge et « prévoit toujours la fermeture de plus de 190 lits d’hospitalisation complète et de la moitié des lits de maternité », précise le CIH.
Hasardeux
Dans ce nouveau contexte, le Dr Milleron espère que l’AP-HP « se remettra très vite à l’ouvrage en annonçant qu’elle continue le projet en augmentant le capacitaire ». Il compte sur le CHU pour demander au gouvernement une rallonge budgétaire à cet effet.
Pour être validé, un nouveau projet remanié devra être présenté, ce qui donnerait lieu à une nouvelle déclaration d'utilité publique. Sauf que l’AP-HP a décidé de faire appel de la décision... Le CHU considère qu’il est « très hasardeux » de fonder une décision de justice sur « l’appréciation de la juste adéquation entre le capacitaire projeté du futur hôpital et l’évaluation des besoins et de l’offre de santé en Seine-Saint-Denis, au cours des prochaines décennies, par définition évolutive et multiparamétrique ».
Davantage de places d'hospitalisation de jour
Si l’AP-HP admet que le futur hôpital comprendra un peu moins (environ -15 %) de lits d’hospitalisation classique que le capacitaire théorique actuel de Bichat et Beaujon, celui-ci proposera dans le même temps « beaucoup plus de places d’hospitalisation de jour et permettra ainsi de prendre en charge au global 25 % de patients de plus que ce n’est le cas aujourd’hui dans les deux hôpitaux en activité », plaide l’Assistance publique.
Enfin, le regroupement des deux établissements, la densification du plateau technique et le renforcement massif des lits de soins critiques permettraient « plus de fluidité dans les prises en charge, compensant largement la réduction modeste du nombre de lits », affirme l’Ap-HP qui se dit prête à engager « toutes les procédures utiles pour retrouver les conditions nécessaires à la poursuite du projet ».
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