Il n'y a pas qu'en France que les services d'urgences sont au bord de l'implosion. Les mêmes causes produisent les mêmes effets en Italie. Ainsi, à Naples, 25 médecins urgentistes ont déposé un préavis de démission pour protester contre la dégradation de leurs conditions de travail et celles des « Pronto soccorso » comme on appelle les Urgences dans la langue de Dante. À Rome, une longue file d’ambulances s’est retrouvée bloquée dans le parking des Urgences de l’hôpital Sandro Pertini au motif qu’il n’y avait pas suffisamment de médecins et de lits pour accueillir les patients. À Sassari en Sardaigne, le service des urgences, où travaillent seulement deux médecins, est sur le point d’exploser.
À l’autre bout du pays, en Vénétie, les hôpitaux sont au bord du gouffre et l’association de défense des droits des consommateurs, Codacons, veut porter plainte contre le système hospitalier pour non-assistance à personne en danger. Pour arrêter l’hémorragie, l’association propose au système de santé national de signer une convention avec les cabinets médicaux privés et les médecins militaires afin de désengorger les services des urgences hospitalières en pleine déprime. Depuis le début de l’année affirme le Dr Fabio De Iaco, président de la Société italienne de médecine d’urgence (Simeu), 600 praticiens ont jeté leur stéthoscope aux orties, soit une moyenne de cent médecins par mois.
Utilisation inappropriée des Urgences
Selon les estimations des professionnels de la santé publique, au moins un médecin sur dix aurait l’intention de rendre sa blouse blanche d’ici l’an prochain. Un autre sondage présenté à la mi-mai par Simeu affirme que 30 % des médecins urgentistes veulent jeter l’éponge d’ici la fin de l’année. Toujours selon les calculs de cette société scientifique, environ 4 200 urgentistes manquent désormais à l’appel à l’échelle nationale et aucun territoire n’est épargné car 45 % des services d’urgences italiens sont actuellement en crise.
Autre donnée inquiétante : durant les dix dernières années, le nombre de médecins à bord des ambulances a chuté de 50 %. « Ils ont jeté l’éponge à cause de la détérioration de leurs conditions de travail et des salaires insuffisants » accuse le Dr Mario Balzenelli, président de SIS, la société du transport d’urgence médicale. La crise des urgentistes s’explique d’abord, par « l’utilisation inappropriée des services d’urgences » dénonce Simeu. Cette utilisation inappropriée, c’est l’hébergement prolongé des patients dans le service d’urgence avant d’être admis dans un lit d’hospitalisation car la place manque cruellement dans les hôpitaux italiens.
Durant les vingt dernières années, plus de 300 établissements publics ont mis la clef sous la porte. Cela veut dire quelque 80 000 lits en moins à l’échelle nationale alors que la moyenne est actuellement de 14 lits pour 100 000 habitants. Selon une enquête réalisée par le tribunal des droits des malades (TDM), crée en 1980, le temps d’attente au service d’urgence avant son transfert frôle parfois la barre des sept jours. Cette surcharge de travail oblige les médecins à renoncer aux temps de repos et à travailler en moyenne 7 nuits par mois.
Indemnité exceptionnelle
Autre facteur à l’origine de la crise de la vocation : les rétributions insuffisantes, soit un salaire de base équivalent à 2 800 euros pour un médecin et 1 500 euros pour les infirmiers. « Nous gagnons moins que nos confrères hospitaliers car nous travaillons la nuit pour 50 euros, une véritable misère » accuse le Dr De Iaco, ajoutant que « les services d’urgence sont en train de mourir à petit feu ».
Pour relancer les services d’urgence, le ministre de la Santé, Roberto Speranza, a débloqué une première enveloppe de 90 millions d’euros pour payer une indemnité exceptionnelle aux médecins urgentistes. Un geste insuffisant pour la Fédération italienne des sociétés sanitaires et hospitalières (Fiaso), qui réclame une remise à plat du système avec à la clef, un décret qui permettrait de rehausser le plafond des dépenses des régions et par conséquent de recruter. Mais ceci suffira-t-il à susciter les vocations ? Pas sur sans une autre remise à plat des conditions de travail et des rémunérations.
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