Toujours plus sollicités ! En 2022, 20,7 millions de dossiers de régulation (DR) ont été enregistrés par les Samu. « Soit 48 % de plus qu’en 2014 (14 millions) », observe la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) dans un nouveau rapport dévoilé ce mardi, qui illustre la croissance continue du taux de recours au Samu (nombre de dossiers ouverts pour 100 habitants).
Parmi ces dossiers, 16,4 millions ont fait l’objet d’une régulation médicale en 2022, preuve de l’extension de cette pratique en forte hausse (+ 57 % par rapport à 2014). La faute au Covid-19 ? Pas seulement, analyse la Drees. « Un dossier de régulation est ouvert à chaque appel décroché en rapport avec un problème médical, médico-social ou sanitaire », rappelle l’organisme statistique des ministères sociaux. Ce n’est que lorsqu’un médecin régulateur est sollicité par l’assistant de régulation médicale (ARM) qui répond à l’appel que le DR devient un dossier de régulation médicale (DRM).
Le Covid explique en partie la hausse constatée des appels auprès de ces plateformes. « En 2020 et en 2021, au plus fort de la crise sanitaire, le taux de recours au Samu a bondi, atteignant 27 % soit + 2 points par rapport à 2019 », appuie la Drees. Ainsi, 18 millions de dossiers de régulation étaient enregistrés la première année de la pandémie puis 18,2 millions l’année suivante (contre 16,5 millions en 2019). Les confinements successifs « ont entraîné des changements dans les modes de prise en charge, se traduisant notamment par une adaptation de la régulation des appels sanitaires urgents, par un recours accru à la télémédecine ou encore par le report de consultations jugées non urgentes », détaille la direction statistique ministérielle. Qui plus est, « les comportements individuels et les attentes des patients en matière de soins urgents ont pu évoluer en raison de la peur d’être contaminé dans les services des urgences ou encore des difficultés d’accès aux soins de ville », ajoute la Drees. Le Samu est parfois devenu le seul recours…
L’effet des « mesures Braun »
Au-delà du Covid, les mesures instaurées à partir de 2022 par la mission flash de François Braun, ancien ministre de la Santé, expliquent aussi le recours croissant au Samu. Afin de prévenir la saturation des services d’urgence, l’urgentiste avait en effet recommandé une régulation préalable par le Samu/Centre 15 en amont, une pratique devenue courante.
Résultat, l’écart de recours entre le Centre 15 et les urgences physiques s’est accentué. En 2022, « la progression des DR est plus de deux fois plus forte que celle des passages aux urgences (+ 13,7 % contre + 6,2 %) », note la Drees. L’impact des dispositifs instaurés par François Braun est tel que le taux de recours au Samu atteint 31 % en 2022. Un niveau « bien au-delà de ce qu’il aurait été si la tendance d’avant la crise sanitaire (de 2014 à 2019) s’était maintenue », analyse la Drees.
Si le taux global de recours au Samu ne cesse de croître, la part de dossiers de régulation soumis à un avis médical se stabilise à partir de 2021 et redescend même en 2022, à un niveau proche de l’avant-crise sanitaire. « Cela pourrait témoigner d’un recours un peu plus systématique et donc moins spécifique à la mission du Samu – prise en charge urgente d’un problème médical, médico-social ou sanitaire – avec davantage d’appels traités directement par les assistants de régulation médicale », détaille la Drees.
La direction statistique du ministère de la Santé considère même que les campagnes de sensibilisation recommandant d’appeler systématiquement le 15 avant de se déplacer aux urgences ont pu contribuer « à une dépendance accrue au Samu, même pour des situations ne nécessitant pas forcément une intervention médicale immédiate ».
Problème, la rapidité de réponse semble s’être dégradée en 2022, à la suite de cette forte augmentation des taux de recours au Samu. « La part d’appels décrochés en moins d’une minute [diminue] de 5 points entre 2021 et 2022 », pointe la Drees, qui suppose que le manque de personnel, les difficultés de recrutement et l’augmentation de la charge de travail pourraient en être la cause.
Un recours au Samu inégal selon les départements
Pour autant, les taux de recours au Samu présentent d’importantes disparités géographiques. « Ils s’échelonnent ainsi de 10 % (Manche) à 71 % (Lozère) en 2014, et de 19 % (Seine-et-Marne) à 78 % (Lozère) en 2022 », relève la Drees. Cette variabilité des recours au Samu peut venir des différences d’état de santé des populations : « Ces taux sont plus élevés dans les départements avec une surreprésentation de personnes âgées (de plus de 75 ans) et une forte défavorisation sociale », précise l’étude.
Mais ces disparités s’expliquent aussi par les inégalités d’accès aux soins, en particulier aux médecins généralistes libéraux. Dans les déserts médicaux, faute d’avoir un médecin traitant ou de trouver une alternative de prise en charge comme SOS Médecins dans des délais raisonnables, les patients n’ont souvent d’autre choix que de composer le 15.
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