Est-ce le début d’un bras de fer entre la Cnam et MG France sur les arrêts de travail ? Quelques jours après une réunion « tendue » entre les partenaires conventionnels sur les modalités de la nouvelle campagne de contrôle des arrêts de travail, le premier syndicat de généralistes monte au front en lançant l’opération « transparence IJ ».
Annoncée lors de son congrès au Havre, cette communication s’adresse à la fois aux patients et aux médecins généralistes. « Il s’agit d’affiches à mettre dans les salles d’attente ou de fiches d'information à remettre aux patients pour leur expliquer que la campagne de la Cnam remet en cause nos prescriptions qui sont nécessaires pour leur état de santé », a détaillé ce jeudi le Dr Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint de MG France.
Parmi les causes des dépenses d’IJ citées par MG France : la revalorisation des salaires, le décalage de l'âge de la retraite qui augmente l'âge des salariés, la difficulté pour les généralistes de trouver les rendez-vous de second recours, la souffrance morale au travail ou encore, parfois, l'incapacité de l’Assurance-maladie à organiser rapidement la mise en invalidité d'un salarié.
Vis-à-vis des confrères cette fois, l’organisation présidée par la Dr Agnès Giannotti a aussi prévu des fiches pratiques sur la façon de réagir à un entretien confraternel, à une mise sous objectif (MSO) ou à une mise sous accord préalable (MSAP), ainsi qu’une adresse mail en cas de difficultés. Les généralistes traitants sont incités à faire la liste de leurs patients en arrêt de plus de 45 jours et à les adresser aux médecins-conseils pour anticiper tout litige ou poursuite.
Grâce à cette opération, MG France entend « défendre les confrères face à cette épreuve humiliante et prendre les malades à témoin ». « La prescription d'arrêt de travail sert aussi à mettre certains patients à l'abri d'un risque comme un management toxique, explique la Dr Agnès Giannotti. Si on nous met la pression pour réduire des prescriptions justifiées, par exemple les arrêts longs qui concernent des malades sévères, on est vraiment en train de déraper ».
Injonction financière ?
Invité au congrès syndical, au Havre, le DG de la Cnam Thomas Fatôme avait alerté sur une augmentation moyenne de 6 % par an des dépenses d’IJ. Une dynamique confirmée mercredi par le comité d’alerte sur les dépenses maladie : il indique que les IJ du régime général ont bondi de 6,7 % entre janvier et avril 2025 (par rapport à la même période en 2024), contre une prévision de 4 % dans la construction de l’Ondam.
La dépense est notamment portée par un taux plus élevé d’arrêts de longue durée, représentant au moins 500 millions d’euros de dépassement sur ce poste. « Je comprends que l’Assurance-maladie doive répondre à une injonction financière mais dans la précipitation, elle utilise les mêmes méthodes de ciblage que la campagne précédente », tacle la présidente de MG France.
Si 60 % des dépenses d’IJ sont liées à des causes structurelles (vieillissement de la population, conditions de travail, etc.), 40 % n’ont pas de causes identifiées, avait pointé Thomas Fatôme pour justifier la nouvelle campagne de contrôle. Des arguments qui ne convainquent pas MG France : « La santé mentale, c'est 20 % de notre activité ! Or les arrêts qui font l’objet d’un contrôle sont justement dans le domaine de la santé mentale », avance la Dr Giannotti. Quelque 13 millions de Français sont concernés dont trois millions avec un trouble sévère. « On nous demande de les repérer et de les soigner, c’est ce que nous faisons. L'arrêt de travail est un des traitements au même titre que les médicaments ou la psychothérapie. Est-ce qu’on nous demande de ne pas les arrêter ? », poursuit la généraliste, lassée des signaux contradictoires.
Le syndicat souligne une autre « opacité » de la méthode de ciblage. Un tiers des contrôles lancés concerneraient cinq départements (Nord, Isère, Réunion, Bouches-du-Rhône et Seine-Saint-Denis), soit 5 % du territoire, où « il y a de véritables bassins de pauvreté ». « Dans le 93, une trentaine de médecins sont ciblés, et dans le 92 un ou deux… Pourquoi ? Le but est de mettre la pression psychologique sur les médecins pour faire baisser leurs prescriptions », se désole le Dr Nogrette. Comme les autres syndicats (encadré), MG France appelle les généralistes ciblés à refuser toute mise sous objectif (MSO) et à se faire accompagner. « C’est un piège mortel, juge le même responsable syndical. Baisser de 20 % ses prescriptions d'arrêt maladie, quand on a une pratique normale, ça veut dire priver 20 % des gens d'un arrêt justifié. C'est faire de la mauvaise médecine ».
Appel unanime au boycott de la MSO
Dans le cadre de la campagne de contrôle de la Cnam, 500 médecins ciblés ont reçu ou vont recevoir un courrier les invitant à justifier leur taux élevé d’arrêts de travail. Comme MG France, la CSMF, la FMF et l’UFML appellent les médecins à refuser par écrit la proposition de mise sous objectif (MSO) et à faire leurs observations également écrites. Car ne pas répondre équivaudrait à accepter la MSO, c’est-à-dire, selon les syndicats, à reconnaître des prescriptions abusives et/ou erronées. Comme il y a deux ans, les organisations syndicales recommandent aux praticiens ciblés de se faire accompagner. En 2023, in fine, seuls 400 médecins avaient été mis sous objectifs et 300 sous accord préalable pour leurs IJ.
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