Lors des rencontres de la médecine spécialisée 2023, ce vendredi à Lyon, le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a insisté, face à un public de spécialistes libéraux, sur l’importance de « laisser sa chance à la négociation conventionnelle », sans faire lui-même d’annonces particulières, alors qu'un nouveau round vient juste d'être relancé.
Plus d’une centaine de praticiens étaient réunis dans les locaux de l’URPS ML Auvergne Rhône-Alpes, au cœur de Lyon. Aurélien Rousseau avait fait le déplacement « malgré une petite nuit suite à l’examen du PLFSS 2023 », a-t-il plaisanté en préambule.
Les spés, « pas la dernière roue du carrosse »
Le Dr Patrick Gasser, président d’Avenir Spé, syndicat majoritaire chez les spécialistes, a remercié le ministre pour sa venue, témoignant selon lui d'« un début de reconnaissance de la médecine spécialisée, qui en manque cruellement ». « Nous ne souhaitons pas être la dernière roue du carrosse après les hôpitaux, la médecine générale et le premier recours », a-t-il martelé, en soulignant que « la priorité doit être de redescendre au plus proche du terrain ». Il a appelé à un plan de santé publique, assorti d'objectifs clairs, d'un financement pluriannuel et d'une visibilité pour les acteurs.
Pour Aurélien Rousseau, « la négociation conventionnelle va être dure, mais elle s’est ouverte dans de bonnes conditions, avec de la transparence ». Rebondissant ensuite sur les propos du Dr Gasser qui appelait à « un accès plus rapide aux innovations », le ministre s’est dit « convaincu », lui aussi, qu’il faut inventer un système d’accès aux traitements innovants « plus pertinent ». « La machine à faire bouger la tarification doit être plus agile, tout en respectant la sécurité et la qualité », a-t-il estimé.
Le locataire de Ségur a également évoqué la refonte du mode de financement de la santé. « C’est un sujet extrêmement complexe, mais qu’on ne peut pas repousser plus longtemps. Si nous voulons vraiment faire de la prévention, au-delà de la fiscalité comportementale et du manger-bouger, il faut un changement du financement, actuellement tourné vers le curatif. Notre système n’est pas soutenable dans la durée avec la progression des dépenses. À un moment, soit il craquera, soit des opérateurs privés essaieront de ramasser l’os qui est tombé du camion », illustre-t-il.
Des chantiers « glaçants de difficultés »
Pour le ministre de la Santé, il faudra même inventer les prises en charge de demain, à la lumière des progrès techniques, du big data et de l'IA. « Ces chantiers sont glaçants de difficultés et reposent sur quelques personnes qui savent faire des analyses. Il faut que nous soyons lucides et transparents sur ces chantiers. Nous ne pourrons pas tous les prendre de front, nous n’en avons pas les moyens intellectuels et humains », a-t-il commenté.
En attendant, il s'est adressé aux médecins spécialistes, soulignant l’importance d’être « partenaires dans ces négociations, ce qui ne veut pas dire être compromis ». « Je tiens cette ligne consistant à laisser cet espace conventionnel protégé des incursions qui ne sont pas légitimes, en essayant de convaincre les parlementaires qu’il faut laisser sa chance aux négociations. Mais parfois c’est difficile, face à la colère, de dire que la coercition est une mauvaise idée dans le débat sur la permanence des soins ou l’installation », a-t-il pointé.
Gagnant-gagnant
Concernant enfin l’attractivité des carrières médicales, il remarque que « derrière ce mot élégant, il y a le mot argent, une question totalement légitime dans le contexte actuel d’inflation » a-t-il reconnu. Mais il relève aussi que les relations au travail ont changé et que les jeunes médecins veulent mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle.
Enfin, a soulevé le ministre, « il y a un vrai sujet sur la classification des actes médicaux (CCAM) qui sont intenables». Et de conclure, hésitant entre fatalisme et volontarisme : « Je pensais qu’on pouvait les réévaluer sans refaire toute la classification, mais on m’a dit que c’était une mauvaise idée. Je suis persuadé qu’on peut construire quelque chose dans lequel on est gagnant-gagnant par rapport à l’attractivité et à la pertinence des actes ».
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