Après le temps des crispations, celui de la satisfaction mesurée. C’est dans une ambiance chaleureuse – presque conviviale – que Thomas Fatôme, le DG de la Cnam, a accueilli mardi en fin d’après-midi, au siège de l’Assurance-maladie, les cinq syndicats représentatifs des médecins libéraux (CSMF, MG France, SML, FMF et Avenir Spé-Le Bloc) signataires de la nouvelle convention médicale – l’UFML-S l’ayant rejetée.
Arborant un large sourire, le patron de la Cnam a savouré ce large accord en forme de succès personnel (et pour ses équipes), après avoir longtemps redouté un deuxième échec qui risquait de porter un coup fatal au système conventionnel. Après des mois de discussions « intenses » et « parfois difficiles », de son propre aveu, la négociation a pu aboutir, grâce notamment à une nouvelle méthode « plus transparente » mais aussi « davantage d’écoute ». « Le dialogue social a fonctionné car il a abouti à un compromis… qui est loin d’être parfait », a-t-il concédé.
Mais selon le DG, le nouveau contrat signé avec la profession est « équilibré » autour des axes fixés par la lettre de cadrage du ministre de la Santé : attractivité, accès aux soins, pertinence/qualité des soins et transformation des modes de rémunération.
Alors que l’Assurance-maladie connaît une situation financière dégradée, une enveloppe de 1,6 milliard d’euros (sans compter l’engagement des complémentaires) a été mise sur la table pour financer des revalorisations tarifaires dont les deux mesures emblématiques : le G à 30 euros et l’APC à 60 euros dès décembre 2024.
345 pages…
Après avoir négocié ligne par ligne cette convention, les présidents des cinq organisations ont donc été invités à parapher les 345 pages (177 de la convention socle, 168 pages d’annexes). Tous ont salué, sur la forme, la bonne tenue des discussions avec cette fois un « dialogue constructif », « sans trop d’invectives », a résumé le Dr Patrick Gasser, président d’Avenir Spé. « J’ai retrouvé la toute première convention de 1971 qui faisait 20 pages et là on en a 345, ce qui laisse présager à l’avenir des différentes interprétations entre la Cnam et les médecins, a plaisanté la Dr Patricia Lefébure, présidente de la FMF, souhaitant au passage « un vrai partenariat ».
À ses côtés, la Dr Agnès Giannotti, présidente de MG France, a poussé un grand « ouf » de soulagement, au nom des médecins traitants qui bénéficient de plusieurs mesures (G à 30 euros, premières consultations longues à 60 euros, nouveau forfait médecin traitant, aides réévaluées en zone fragile, etc.). « La séquence a été longue et tendue, a-t-elle confié au Quotidien. Nous arrivons à un compromis qui nous donne de l’espoir pour surmonter les années très difficiles à venir ». La généraliste parisienne s’est empressée d’ajouter : « Il n'y a pas le choc d'attractivité dont la médecine libérale a besoin. »
Certains spécialistes sont les grands oubliés alors que l’inflation les a touchés de façon importante
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé)
Car sur le fond, plusieurs leaders pourtant signataires ont aussi exprimé leur déception, à la hauteur des attentes initiales. « Ce qui a été accordé peut permettre de garder les médecins en place mais, pour les jeunes, rien n’a changé fondamentalement pour favoriser l’installation », a regretté par exemple la Dr Patricia Lefébure (FMF).
Peu d’enthousiasme, surtout, du côté des spécialistes libéraux. Le Dr Patrick Gasser, coprésident d’Avenir Spé-Le Bloc, intersyndicale qui a annoncé son approbation au dernier moment après avoir consulté l’ensemble des verticalités, regrette que cet accord laisse au bord du chemin de gros bataillons de praticiens. « Certains spécialistes sont les grands oubliés alors que l’inflation les a touchés de façon importante, comme les radiologues et les radiothérapeutes », a-t-il illustré. De fait, à ce stade, les hausses principales de tarifs profitent surtout aux disciplines cliniques les moins rémunérées comme la psychiatrie, la pédiatrie, la gynécologie médicale ou l’endocrinologie.
Pour les « techniciens », l’accord est plus difficile à lire : la Cnam met en avant la valorisation des actes techniques avec des premières hausses de tarifs intervenant « dès la fin 2024 » (via la hausse du point travail), une augmentation spécifique des actes de chirurgie, d’anesthésie et d’obstétrique en secteur 1 et tarifs maîtrisés (via les modificateurs associés de l’Optam-ACO) et surtout le provisionnement d’un avenant à 240 millions d’euros pour la refonte de la nomenclature des actes techniques (CCAM) qui s’appliquera en… 2026. Au total, quelque 500 millions d’euros seraient sur la table (sans compter la possibilité de cumul sans décote de certains actes techniques avec des consultations).
Groupes de travail sur l’APC
Tous les leaders signataires s’accordaient sur un point. L’objectif est de faire évoluer ce cadre conventionnel et tarifaire, perçu comme « un début », « une étape ». L’enjeu est la mise en place de groupes de travail pour préparer de futurs avenants. « Nous resterons vigilants pour la gynécologie médicale et la psychiatrie », a prévenu la Dr Sophie Bauer, présidente du SML.
Même attention au sujet du futur groupe de travail sur la cotation de l’avis ponctuel de consultant (APC à 60 euros). Ce sujet avait fait l’objet d’une vive passe d’armes, lors des négociations, entre les deux syndicats monocatégoriels majoritaires – MG France et Avenir Spé-Le Bloc (ce dernier réclamant un élargissement de la cotation APC, sans passer forcément par le médecin traitant, un casus belli pour MG France). Devant la présidente de MG France, le Dr Gasser a plaidé sa cause à nouveau mardi soir. « Il faut que nous puissions échanger davantage pour construire les bonnes réponses à apporter aux usagers », a plaidé le gastroentérologue nantais.
La CSMF, fidèle à son histoire « conventionniste », aspire de son côté à « un nouveau départ avec un système conventionnel qu’il faudra réinventer ». Pour « dynamiser ce dialogue social », le Dr Franck Devulder, président de la centrale confédérale, souhaite déjà porter des « NAO de la médecine libérale » où, chaque année, les partenaires conventionnels se retrouveraient pour renégocier les tarifs. « Cela demande du travail mais rendons ce beau métier plus attractif aux jeunes », a-t-il résumé.
Le DG Thomas Fatôme se montre plus prudent. Sa priorité est déjà « d’expliquer la nouvelle convention aux médecins » sur le terrain et de « regarder comment on peut les accompagner pour leur redonner du temps médical ». Il faut savoir savourer le moment présent.
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