Il n'y avait pas une minute à perdre, clamait l'exécutif avant un été plus tendu que jamais à l'hôpital. Annoncée pour juillet puis pour la rentrée de septembre, la concertation sur la santé a pris du retard et le calendrier des réformes demeure flou, au risque d'impatienter la profession. L'articulation incertaine des différents chantiers santé complique la lisibilité de la stratégie de l'exécutif.
La semaine dernière, le président de la République était attendu au congrès de la Mutualité, comme en 2018 où il avait fixé les axes de sa réforme Ma santé 2022. Mais il n'a pas fait le déplacement à Marseille et s'est contenté d'un message vidéo général, avant de lancer le lendemain les travaux du Conseil national de la refondation (CNR), dont la fameuse conférence des parties prenantes sera le volet santé. Une grand-messe qui n'a pas levé les craintes du secteur sur le risque de diversion. « La démarche sera lancée très rapidement, a assuré François Braun, clôturant le congrès de la Mutualité. Elle reposera sur quatre ambitions structurantes car de nouvelles solutions doivent être apportées aux Français et chacun a le devoir de dépasser ses postures ». L'un des « objectifs clairs » de la conférence santé sera « l'intensification de la lutte contre les déserts médicaux ». Le second axe, fourre-tout, vise à simplifier l'exercice des soignants – la prévention et la démocratie en santé étant les deux dernières têtes de chapitres. Mais difficile d'y voir clair au-delà des têtes de chapitre…
Régulation et pénibilité : pistes à creuser
Si les travaux de refondation seront lancés « avant la fin du mois », c'est au même moment que sont attendues les conclusions des deux rapports de l'Igas visant à évaluer les dispositions prises cet été (jusqu'à fin septembre). Le premier analyse la portée des mesures flash, le second cible l'impact de la régulation en amont des urgences. Là encore, les attentes sont considérables, aussi bien à l'hôpital qu'en médecine de ville, mais le cap difficile à cerner.
La semaine dernière, lors des Universités d’été de la Fédération hospitalière de France (FHF) à Paris, François Braun a salué les premiers résultats « positifs » de la régulation. De fait, si les appels ont augmenté dans les Centres 15 cet été, de l'ordre de 20 %, « il y a eu une diminution du nombre de passages aux urgences », une logique « qu’il serait de bon ton de pérenniser ». Son successeur à la tête de Samu-Urgences de France (SUdF) se montre plus prudent au sujet de ce tri. « Cela devra se faire de manière concertée, en fonction des territoires, recadre-t-il. Dans tous les cas, nous ne serons plus capables de fonctionner comme avant, tant que l’on n’aura pas retrouvé des effectifs en nombre suffisant ».
Devant la FHF, le ministre a aussi affiché son attachement à « la reconnaissance de la pénibilité, en particulier du travail de nuit ». Un point central pour l’intersyndicale Action praticiens hôpital (APH) qui milite pour la prise en compte de la pénibilité des astreintes des PH et le maintien, a minima, de la majoration de 50 % de l’indemnité de sujétion.
En ville, on réclame des milliards
Côté libéraux, si les remontées sont parcellaires au sujet de la majoration de 15 euros sur les consultations non programmées (régulées par le 15 ou le SAS), le ministre juge que cette mesure a eu « un effet indéniable ». Il constate que les généralistes « se sont organisés en journée », en raison de « la simplicité et la clarté » de ce supplément de 15 euros par rapport à la « complexité de l’avenant 9 ». Une façon d'ouvrir la porte à la pérennisation de ce supplément.
Les syndicats de médecins libéraux sont d'autant plus impatients de l'évaluation des mesures estivales que l'ouverture des négociations conventionnelles est, à ce stade, programmée pour le début du mois d'octobre. Le SML a déjà chiffré l'effort nécessaire « à dix milliards d'euros ». Le syndicat a défini trois niveaux de consultation avec un acte de base à 50 euros, des consultations complexes à 90 euros et très complexes à 150 euros. Il met en avant la suppression des cotisations sociales pour les médecins retraités actifs, un contrat unique d'aide à l'installation en zones sous-dotées ou la généralisation des équipes de soins coordonnées autour du patient (Escap).
Pas en reste, la CSMF défendra quatre niveaux d'actes cliniques « lisibles et réévalués ». La centrale polycatégorielle soutient « plus que jamais » la valorisation de l'expertise médicale et la simplification de la nomenclature. Le patron de la CSMF, Franck Devulder, rappelle que pour prendre davantage de patients « les médecins devront embaucher et se coordonner… À 25 euros, ce n'est pas possible ».
Chez MG France, on réclame des mesures fortes pour « organiser et non pas désorganiser » le parcours de soins. Le syndicat de généralistes attend un soutien massif aux généralistes, y compris ceux proches de la retraite (62-67 ans). Au-delà, c'est une vraie structuration des soins primaires autour du médecin traitant qui est demandée. « On résoudrait le problème de l’accès de soins si chaque généraliste arrivait à passer de 1 000 à 1 200 patients grâce au travail avec l'assistant médical, au binôme avec les infirmiers, en travaillant avec les élus », estime la Dr Agnès Giannotti, présidente de MG France. Là encore, il faudra attendre la lettre de cadrage du ministre de la Santé et surtout les marges de manœuvre fixées par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Autant d'incertitudes pour les blouses blanches…
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