La menace d'un retour de l'obligation de participation à la permanence des soins en ville (PDS-A) – rendue volontaire depuis 2002 – n'a jamais été aussi proche. Mais ce mercredi, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a neutralisé, du moins provisoirement, les velléités des députés les plus offensifs sur le sujet, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi (PPL) visant à « améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels de santé ».
Pour mémoire, son auteur, le député Horizons Frédéric Valletoux n'avait cessé de réclamer l'obligation de gardes pour les généralistes lorsqu'il était encore président de la Fédération hospitalière de France (FHF). Devenu parlementaire en 2022, il a depuis mis de l'eau dans son vin. De fait, l'article 4 de sa PPL visait à faire participer davantage les cliniques à la permanence de soins hospitalière sous la responsabilité des ARS, dans la lignée de recommandations de l'Igas de l'automne dernier. La PDS en établissement (PDS-E) serait aujourd'hui assurée à 87 % par l'hôpital public, a-t-il rappelé à la commission. Mais cet article ne visait pas les médecins généralistes, assure-t-il.
Il demeure que la formulation ambiguë de l'exposé de motifs (« L’article 4 vise à rendre effective la participation obligatoire à la permanence des soins pour tous ») a joué comme un appeau à amendements. Le groupe transpartisan sur les déserts médicaux mené par le député socialiste de la Mayenne Guillaume Garot en a ainsi déposé un visant purement et simplement à rétablir l'obligation de permanence de soins ambulatoire, amendement discuté pendant près d'une heure en commission des affaires sociales ce mercredi matin et finalement rejeté.
Contre-productif
Le député LR de l'Isère et cardiologue de profession, Yannick Neuder, avait pour sa part proposé un amendement de suppression de l'ensemble de l'article 4 consacré à la permanence de soins, tentant de convaincre ses collègues que rendre celle-ci obligatoire ne pouvait avoir qu'un effet « contre-productif » en « dissuadant les jeunes professionnels de s'installer ». À ses côtés, le Pr Philippe Juvin, député LR des Hauts-de-Seine et chef des urgences de l'HEGP, a estimé « choquant qu'on ne prenne pas en compte que les médecins libéraux travaillent déjà plus de 55 heures par semaine ».
À l’inverse, Hadrien Clouet, député de la France insoumise de Haute-Garonne, a souligné que « dans plus 20 % des territoires, il n'y a plus que cinq professionnels de santé disponibles pour faire de la permanence de soins ». Pour appuyer l'amendement du groupe transpartisan, il a fait valoir qu'un tiers des généralistes assure la PDS-A « donc la rendre obligatoire et la massifier c'est décharger le tiers qui s'en occupe déjà et avoir une répartition plus juste et donc moins épuisante pour l'ensemble du corps professionnel ». Son second argument mobilisé a été que le retour de l'obligation de gardes permettrait de « décharger les urgences ». Pour Guillaume Garot (PS), « la régulation de la PDS est un enjeu pour essayer de garantir une amélioration de notre système de santé ». « Il faut partager l'effort pour que l'effort soit supportable », a appuyé le député de la Mayenne.
Pression sur les spécialistes
Il reste que le sujet de la permanence des soins en établissement (PDS-E) préoccupe au plus haut point les médecins spécialistes et les chirurgiens des cliniques. « La participation de praticiens libéraux à des lignes de PDS-ES à l’hôpital ne peut se faire que sur la base du volontariat et avec une attractivité suffisante », ont rappelé mardi, dans un communiqué, les spécialistes de la CSMF.
En commission des affaires sociales mercredi matin, un seul amendement a été adopté sur l'article 4, proposé par Frédéric Valletoux lui-même, pour préciser la portée du texte et, de fait, justement resserrer la pression sur les médecins des cliniques. En effet, il vient ajouter « qu’outre les établissements de santé et autres titulaires d’une autorisation sanitaire (comme les cabinets d’imagerie), les professionnels qui y exercent peuvent être appelés à assurer ou contribuer à la permanence des soins au sein des établissements de santé et autres structures disposant d’une autorisation sanitaire ». De quoi renforcer les inquiétudes. « L’accès aux soins urgents ou semi-urgents doit se faire de façon régulée et il y a une complémentarité entre la prise en charge des soins non programmés déjà effectuée par les médecins libéraux en ville et la permanence des soins en établissement de santé », a tenté de mettre en garde la CSMF.
Pour les praticiens libéraux en cabinet, la messe n'est pas dite non plus. Des amendements sur l'obligation de PDS-A pourraient revenir sur la table en séance publique dès la semaine prochaine. La position de la commission ce matin a cependant donné le ton des débats et semble plutôt rassurante, d'autant plus que le ministre de la Santé s'est clairement prononcé contre le retour des gardes obligatoires.
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