Après une année 2020 atypique où de nombreux indicateurs avaient été « percutés » par la crise, la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) médecin traitant de l'adulte 2021 revient à son niveau d'avant épidémie. Selon le bilan de la Cnam que révèle « Le Quotidien », ce cru se traduit par la « reprise positive » d'une majorité d’indicateurs cliniques (14 sur 25 sont bien orientés) et donc des résultats contrastés (voir tableau détaillé de la Rosp clinique en fin d'article). Côté rémunération, c'est une année de stagnation, voire de léger repli. Tour d'horizon.
Le plafond des 5 000 euros/an pour les généralistes
Pour 2021, l'Assurance-maladie verse à compter du 28 avril une prime moyenne de 4 891 euros pour les généralistes et MEP, en légère baisse (- 0,4 %) par rapport à 2020 (4 909 euros), l'année du choc de la crise Covid, mais rattrapant le niveau d'avant épidémie (4 820 euros). Pour les généralistes seuls (hors MEP), le bonus moyen grimpe à 5 057 €, mais là encore, un peu en deçà (- 0,7 %) que le montant perçu un an plus tôt sur cette cible (5 091 euros). Il faut rappeler que 2020 avait été une année particulière puisque les médecins avaient bénéficié d’un mécanisme exceptionnel de majoration afin de sauvegarder leur niveau global de rémunération.
Plusieurs autres spécialités bénéficient également de la Rosp et vont percevoir ces jours-ci leur rémunération forfaitaire. Ainsi, les 4 414 cardiologues libéraux éligibles percevront une prime moyenne de 2016 euros (soit 8,9 millions d'euros au total) versus 2 093 euros pour 2020, soit une baisse de 3,6 %.
Les 1 995 gastro-entérologues héritent d'un bonus moyen de 1 391 euros (soit 2,8 millions d'euros), très proche du bilan 2020.
Les 786 endocrinologues rémunérés connaissent une hausse de leur Rosp à hauteur de 1 438 euros (contre 1 264 euros, soit près de 200 euros supplémentaires).
Enfin, la Rosp 2021 du médecin traitant de l’enfant représente un montant moyen de 267 euros (versus 221 euros un an plus tôt). Pour les seuls pédiatres, la rémunération moyenne s'élève à 1 020 euros, précise la Cnam.
Pathologies chroniques : correct sur le diabète mais...
Dans ce volet du suivi des patients chroniques, une majorité d'items sont bien orientés. Pour le diabète, l’indicateur des dosages d’HbA1c chez les patients diabétiques progresse significativement (+ 2 points), celui sur le fond d'œil est stable (+ 0,1). En revanche, le dépistage de la maladie rénale chronique connaît une baisse de 0,3 point, avec 42,2 % de patients diabétiques dépistés.
Chez les patients hypertendus, le dépistage de la maladie rénale chronique s’améliore de 0,8 point avec 36 % des praticiens qui ont même dépassé l’objectif cible, souligne la Cnam. Une progression de 0,8 point s'observe aussi pour la prévention secondaire du risque cardiovasculaire, permettant d'atteindre 44,9 % des patients. En revanche, la surveillance d'un traitement anti vitamine K s'essouffle (- 0,6 point), avec 79,8 % des patients suivis alors que l'objectif cible est de 96 %.
Prévention (toujours) en demi-teinte
En matière de prévention, après la forte hausse des indicateurs sur la grippe l’an passé avec la pandémie, le bilan révèle la rechute des deux items (vaccination antigrippale des 65 ans et plus et celle du sujet à risque, respectivement en baisse de 3 et 3,9 points). Néanmoins, par rapport aux années avant la crise, le niveau reste supérieur, se félicite la Cnam : 61,2 % des plus de 65 ans vaccinés (vs 56,4 % en 2019) et 37 % des patients à risque (34,9 % en 2019).
Tendance plus positive dans ce volet : le dépistage du cancer colorectal est très favorable (+ 3,8 points) après le ralentissement observé l’an passé, soit 453 000 patients mieux traités. En revanche, les progrès sur les dépistages du cancer du sein (+ 0,2 point) et du col (+ 0,3) restent très timides, au regard des enjeux nationaux.
La prévention des patients âgés sous psychotropes s’établit à un niveau élevé (44 % des médecins au-dessus de l’objectif cible, précise la Cnam), tout comme celle de l’antibiothérapie. En effet, le nombre de traitements par antibiotiques pour 100 patients de 16-65 ans sans ALD baisse de 0,9 point soit 226 000 traitements évités. De même, l’indicateur d’antibiorésistance (décroissant) baisse de 0,3 point, confirmant une bonne tendance.
En revanche, les traitements par benzodiazépines (anxiolytiques d'une part et hypnotiques d'autre part) sont en hausse, alors qu'ils devraient diminuer.
Prescriptions, des bémols et des réussites
Les médecins prescrivent-ils davantage dans le répertoire des génériques ? La réponse est oui pour les antihypertenseurs (+ 1,3 point), soit 2 108 000 boîtes prescrites en plus dans le répertoire par rapport au hors répertoire. La réponse est moins positive pour les statines (- 1,8 point) et les autres traitements dans le répertoire (- 1,1 point), même si la caisse fait valoir que 62 % des médecins se situent au-dessus de l’objectif cible.
Une vraie dynamique s'observe pour la prescription de biosimilaires de l'insuline glargine, avec une progression de 5,8 points, s'établissant à 32,6 % de boîtes prescrites.
Côté efficience des prescriptions enfin, le bilan, mitigé, révèle un léger progrès sur l'indicateur des traitements par antiagrégants plaquettaires (+ 0,5 point) et une stabilité pour les traitements par metformine et aux dosages de la TSH. Ombres au tableau : les indicateurs visant à limiter les traitements inappropriés par inhibiteurs de la pompe à protons et par ézétimibe sont en croissance respective de 1,8 et 1,9 point.
Des évolutions en vue
Le sujet de la Rosp intéresse au plus haut niveau de l'État. En effet, lors de sa rencontre avec des soignants à l'hôpital de Mulhouse pendant sa campagne, Emmanuel Macron avait évoqué l'idée d'une rémunération à la performance collective. L'Assurance-maladie a déjà lancé un groupe de travail avec les syndicats de médecins libéraux sur les évolutions possibles de la Rosp. « Des premiers éléments de bilan ont été partagés, afin d'avoir un recul sur les cinq dernières années, explique au « Quotidien » Thomas Fatôme, le directeur général de la Cnam. Ce travail n’a pas encore abouti. De notre côté, nous allons enrichir ce diagnostic avec une enquête qualitative menée auprès de médecins et que nous partagerons d'ici cet été avec nos partenaires syndicaux. Cela permettra de nourrir ce bilan sur l’appréciation des médecins de la Rosp, sa structuration et son impact sur les pratiques ».
Un certain nombre de pistes commencent déjà à se dessiner. « Est-ce qu’on doit réduire le nombre d’indicateurs pour une meilleure lisibilité ? , s'interroge le patron de l'Assurance-maladie. Aujourd’hui il y en a 29, c’est beaucoup. Nous voulons poursuivre la rémunération sur objectif de santé publique, mais maintenant tout est ouvert sur la structure, le nombre d’indicateurs, les volets etc. Ce travail doit techniquement se mener d’ici à l’été. Politiquement, il se traduira dans la négociation de la convention.»
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