* « Les Engagés », d'Émilie Frèche
Autrice, scénariste et maintenant réalisatrice, Émilie Frèche est une femme engagée. Issue d'une famille de « déracinés » (juifs d'Europe centrale et d'Algérie), dont une grand-mère sauvée par une voisine pendant la guerre, elle a été scandalisée par la criminalisation de ceux qui aident les migrants à la frontière franco-italienne. Et son enquête sur les lieux, à Montgenèvre et Briançon, pour écrire un scénario à partir de l'histoire des « 7 de Briançon », lui a donné envie de passer derrière la caméra, pour montrer ce territoire qui est un personnage du film. Nommé tout simplement « les Engagés », et qui s'interroge donc sur l'engagement, « sur notre capacité à vouloir et à pouvoir changer les choses ».
Au départ, engagé, David (Benjamin Lavernhe) ne l'est pas. Mais quand il percute en voiture un jeune migrant, venu de Guinée après bien des difficultés et que la police veut renvoyer en Italie, il va, un petit geste après l'autre, s'engager de plus en plus activement, au risque de sa propre liberté et de la famille qu'il forme avec sa compagne (Julia Piaton), en conflit avec son ex-mari, et les enfants de celle-ci. Si ses dialogues sont parfois un peu trop démonstratifs (à l'intention de ceux qui ne savent rien de ces questions), le film n'est pas manichéen. Il y a toutes les réactions au problème de ces migrants et tous les niveaux de solidarité, toujours portés par des personnages nuancés (mention spéciale pour l'excellente Catherine Hiegel). Et des rebondissements qui maintiennent un suspense.
« Les Engagés », c'est aussi une campagne, menée avec plusieurs associations (la Cimade, France Terre d'asile, Amnesty…) pour travailler « à une amélioration digne et concrète des conditions d’accueil des mineurs isolés étrangers en France » (lesengages-lefilm.com).
Après des documentaires, Alice Diop signe avec « Saint-Omer » son premier long métrage de fiction. La réalisatrice dit avoir été obsédée par l'histoire de Fabienne Kabou, jeune femme noire – du même âge qu'elle – qui, un jour de 2015, a tué sa petite fille métisse en le déposant sur une plage à marée haute. Il y a de quoi être saisi puisqu'il est question à la fois d'une doctorante au QI élevé travaillant sur Wittgenstein et de maraboutage… Alice Diop assiste au procès à Saint-Omer en 2016 et en fait donc un film, entre fiction et documentaire. Un drôle de film, aux multiples ambitions, féministes et politiques, sur les femmes, sur la maternité, sur les corps noirs, sur l'immigration et les filles de mères immigrées, l'héritage des douleurs, etc. Nous suivons le procès en compagnie d'une jeune romancière (Kayije Kagame) qui semble elle-même en crise. L'accusée (Guslagie Malanda, étonnante) est longtemps froide, inexpressive. Puis l'on va peu à peu entrevoir ce qui la meut et l'émotion va affleurer. C'est déconcertant et passionnant. Lion d'argent (Grand Prix du jury) et Lion du futur (meilleur premier film) à la Mostra de Venise, « Saint-Omer » est le candidat de la France pour l'Oscar du meilleur film international. Un choix audacieux mais justifié.
* « She Said », de Maria Schrader (23 novembre)
Producteur hollywoodien maintes fois oscarisé et longtemps tout-puissant, Harvey Weinstein purge depuis 2020 une peine de 23 ans de prison pour agressions sexuelles et viol et fait face actuellement à un nouveau procès, qui pourrait lui valoir jusqu'à 140 années d'incarcération. Pour en arriver là, il a fallu en particulier le travail acharné de deux journalistes du « New York Times », Megan Twohey et Jodi Kantor, qui, en 2017, a brisé le mur du silence autour des agressions sexuelles dans le milieu du cinéma et a popularisé le mouvement #MeToo. Inspiré du livre qui raconte leur combat, « She Said », réalisé par Maria Schrader avec Carey Mulligan et Zoe Kazan, et produit notamment par Brad Pitt, suit leur enquête et leur patient travail pour retrouver les victimes, jusqu'en Europe, et les convaincre de témoigner, si possible non anonymement. C'est un vrai suspense, et d'autant plus passionnant que le film donne aussi à voir, un peu, le retentissement de l'affaire sur la vie personnelle des deux femmes, leurs interrogations, leurs doutes. Un hommage mérité au journalisme d'investigation, loin des rumeurs qui courent d'une petite phrase médiatique à des témoignages de seconde main. Journalisme qui est ici, comme dans « les Hommes du président » ou, plus récemment, « Spotlight », plutôt cinégénique.
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