Un petit groupe de jeunes adultes franchit le seuil de l’Orchestre national de Lille et rejoint la salle de répétition où l’attend Carole Stora, musicothérapeute.
Ce matin du mois de mars, l’ONL organise son premier « Matin d’orchestre », un atelier de sensibilisation à la musique symphonique conçu spécialement pour des handicapés mentaux. Sébastien, Aurélien, Martine et les autres viennent tous de la Ruche, un centre d’accueil de jour basé à Wambrechies, près de Lille. Trisomiques, atteints d’un handicap mental léger ou encore d’autisme, ils sont tous volontaires pour cette expérience musicale. Au programme : atelier de percussion, expression corporelle et travail du rythme, avant d’aller assister à une répétition de la comédie musicale de Broadway donnée le soir même à l’auditorium.
Depuis plusieurs années, l’orchestre lillois est engagé dans une démarche d’ouverture à tous les publics. L’auditorium a été équipé d’un système de boucles magnétiques permettant aux sourds et non voyants de capter une partie des concerts. Mais jusqu’ici, rien n’avait été fait en direction des personnes porteuses de handicaps mentaux. Avec les Matins d’orchestre, c’est chose faite. Avant d’être nommé à la direction de l’ONL, François Bou a expérimenté avec succès de tels ateliers à l’Orchestre symphonique de Barcelone. En partenariat avec les responsables de foyers spécialisés, le service pédagogique propose des ateliers de sensibilisation à la musique. Au programme : des activités de découverte musicale - percussions et rythmes - avec une musicothérapeute, une rencontre avec un musicien. À l’issue de l’atelier, les participants sont invités à venir assister à un concert avec leurs éducateurs et leur famille.
Susciter des émotions
Devant les retours très positifs de cette expérience, François Bou a décidé de la dupliquer à Lille. Après une petite présentation, les dix adultes se sont installés aux commandes : chacun a choisi l’instrument qui l’attirait. Aurélien au gong, Martine au xylophone… La répétition peut commencer. Les musiciens jouent une scène d’orage, avec le bruit des gouttes sur les cymbales et le grondement du tonnerre à la caisse claire. Séquence suivante : on change d’instrument et Carole Stora lance au piano une musique chinoise. « Leur capacité de concentration est assez faible, de ce fait il faut varier les activités, explique-t-elle. J’observe les réactions de chacun et j’adapte en conséquence. Dès qu’une activité accroche bien, je m’engouffre ! La difficulté est de placer le cadre tout de suite, pour que l’atelier se déroule bien ». Le groupe affiche des mines réjouies. Chacun s’essaie aux différents instruments… mais le gong a manifestement la faveur de tous. Malgré l’excitation ambiante, ils respectent les consignes de la chef d’orchestre improvisée et prennent un plaisir manifeste à jouer ensemble. « Plusieurs d’entre eux ont déjà participé à une chorale, mais c’est la première fois qu’ils jouent sur des instruments de musique professionnels, note Anne-Blandine Torcq, responsable de l’accueil de jour La Ruche. Ils aiment beaucoup la musique. Elle leur apporte du bien être et suscitée des émotions chez eux. »
Martine, une adulte autiste qui refuse habituellement toutes les sorties, par peur de se frotter aux autres, a souhaité participer à l’atelier. Même si elle ne communique pas, son sourire montre bien le plaisir qu’elle prend à jouer avec les autres. Après l’atelier percussions, le petit groupe a rendez-vous avec un flûtiste de l’orchestre qui parle des différentes sortes de flûtes, de son apprentissage à l’âge de 11 ans, et son plaisir d’être musicien professionnel. Puis place à la répétition dans le grand auditorium où l’orchestre au complet travaille des morceaux de Sondheim, le grand compositeur de comédies musicales. Au mois de mai, un autre Matin d’orchestre accueillera un groupe d’enfants handicapés mentaux. Et si tout va bien, la formule sera pérennisée dès la rentrée de septembre, à raison d’un atelier par trimestre.
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