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Dossier

Élection présidentielle 2022

Que proposent Emmanuel Macron et Marine Le Pen en santé ?

Par Léo Juanole - Publié le 19/04/2022

Comme en 2017, les Français ont placé Emmanuel Macron et Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle 2022.

Le président sortant a été crédité de 27,84 % des voix au premier tour, tandis que la candidate du Rassemblement national en a obtenu 23,15 %.

Si, pour l’un, la santé constitue un « chantier majeur », pour l’autre, il s’agit avant tout d'un appui pour parler pouvoir d'achat, notamment en revalorisant les salaires des soignants. Quels sont les principaux points de leur programme santé ?

Déserts médicaux

➔ Emmanuel Macron : Aujourd’hui, 10 % de la population n’a pas de médecin traitant et 5 % des plus de 65 ans n'en trouvent plus. Si le chef de l'État se targue d'avoir appliqué le « 100 % santé », soit le remboursement des prothèses auditives, des lunettes et des soins dentaires, et d'avoir doublé le nombre de maisons de santé, les problématiques d'accès aux soins restent importantes dans l'Hexagone. Dans les zones sous-dotées, le président-candidat appelle à libérer du temps médical aux médecins, notamment en salariant des infirmiers subventionnés, en généralisant les assistants médicaux, en désignant un infirmier ou pharmacien référent pour des actes simples – comme le renouvellement d'une ordonnance –, en renforçant la télémédecine et en développant le service d’accès aux soins (SAS), avec un numéro unique pour avoir un rendez-vous en 48 heures. Emmanuel Macron s’est prononcé contre l’obligation d’installation. Mais, souhaitant fixer des objectifs nationaux pour répondre aux besoins des déserts médicaux, l'ancien ministre de François Hollande veut réunir tous les acteurs dans une concertation nationale menée localement pendant trois à six mois.

➔ Marine Le Pen : De son côté, la candidate du Rassemblement national souhaite instaurer une rémunération de la consultation modulée selon le lieu d’installation, sans que les praticiens n’aient de démarches spécifiques à faire. Cette mesure sera complétée par une action résolue de l’État en matière d’infrastructures et de services publics pour augmenter l’attractivité de ces zones vis-à-vis des médecins et de leur famille. Elle veut aussi instaurer un stage d’internat dans les zones concernées, tout en permettant aux médecins retraités d’y exercer avec des déductions de charges. Elle promet également de développer les maisons de santé, la télémédecine et de mettre les infirmiers en pratique avancée en première ligne pour les soins non programmés des personnes âgées.

Études

➔ Emmanuel Macron : Après avoir supprimé le numerus clausus, le natif d'Amiens souhaite ajouter une quatrième année d’internat aux jeunes généralistes pour les inciter à aller dans les déserts médicaux, en promettant une meilleure rémunération et un accompagnement sur le logement. Le fondateur d’En Marche veut aussi assurer la formation tout au long de la vie et lancer un plan de recrutement d’infirmiers et d’aides-soignants, dont 50 000 pour les Ehpad d’ici 2027.

➔ Marine Le Pen : La candidate du RN indique vouloir relever le numerus clausus pour éviter le recours massif aux médecins étrangers et permettre le remplacement des nombreux départs à la retraite prévus dans les années à venir. Elle promet également la création de 10 000 places supplémentaires dans les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) et dans les centres de formation des aides-soignants.

Hôpital

➔ Emmanuel Macron : Son objectif est de rendre l’hôpital « plus humain ». Et cela passe selon lui par le fait de « remédicaliser » la gouvernance de l’hôpital et accorder plus de responsabilités aux paramédicaux, tout en allégeant leurs charges. Dans la continuité du Ségur de la santé – où 11,2 milliards d’euros ont été investis pour les salaires des métiers du soin et 19 milliards en travaux, équipements et numérique –, le président-candidat affirme vouloir mieux reconnaître encore les métiers du soin, la rémunération étant identifiée comme le cœur des problématiques de pénurie de personnel médical. Il en va de même pour les temps de travail de certains soignants. L’accès aux urgences serait, lui, amélioré en élargissant la participation aux gardes et aux astreintes.

➔ Marine Le Pen : Mobilisée sur ce sujet, la finaliste de l'élection 2017 affirme vouloir maintenir au maximum les hôpitaux de proximité et augmenter les effectifs de la fonction publique hospitalière, tout en créant des urgences gériatriques. Une augmentation de 10 % du salaire des infirmiers, pour atteindre la moyenne européenne, est également promise – ce qui représenterait deux milliards d’euros sur cinq ans. La dotation globale de fonctionnement, supprimée en 2007, serait, elle, remise en place. Elle souhaite aussi instaurer un moratoire sur la suppression des lits à l'hôpital public. Afin de réaffirmer l’autorité de l’État, Marine Le Pen entend supprimer les agences régionales de santé (ARS) et confier la tutelle des hôpitaux aux préfets de région. Les hôpitaux auront une gouvernance partagée entre le directeur d’hôpital pour les aspects administratifs et un médecin pour les questions médicales. Un plafond de 10 % des effectifs serait désormais fixé au personnel administratif.

Santé publique et prévention

➔ Emmanuel Macron : Le président sortant l’a annoncé à plusieurs reprises : il veut opérer la révolution de la prévention. Renforcer les détections précoces de certaines pathologies, comme l’obésité, et des écarts de développement (hyperactivité, dyslexie…) ; créer un bilan de santé complet et gratuit aux âges clés de la vie (25, 45 et 60 ans) ; pour les patients ayant une maladie chronique, un accompagnement personnalisé et connecté (comme la télésurveillance de la glycémie) ; des plans de détection et de prévention relatifs à la santé mentale, à l’infertilité, à la drépanocytose ; et une politique ambitieuse pour la santé des femmes, à l'image de la contraception rendue gratuite pour les femmes de moins de 26 ans pendant le quinquennat. À l’école, et ceci dès la rentrée 2022, le président-candidat veut que tous les enfants de 6 à 12 ans fassent 30 minutes de sport par jour.

➔ Marine Le Pen : La présidente du Rassemblement national s’est peu exprimée sur la prévention mais a fait savoir qu’elle voulait lui donner plus de place, notamment grâce aux visites médicales scolaires qui redeviendraient, avec elle, systématiques.

Autonomie

➔ Emmanuel Macron : Sur la dépendance, l’actuel locataire de l’Élysée veut favoriser le maintien à domicile des personnes âgées, notamment en octroyant un seul interlocuteur à chaque aidant ou personne âgée, chargé d'organiser tous les services. Sur les Ehpad, le Président veut renforcer les contrôles et les rôles des soignants, familles et résidents dans la gestion des établissements. Pour trancher le débat sur l’euthanasie, il souhaite organiser une convention citoyenne.

➔ Marine Le Pen : Elle veut, elle, créer un cinquième risque de Sécurité sociale consacré à la dépendance, afin de permettre à chaque Français de se soigner et de vivre dans la dignité. Marine Le Pen s’engage à inscrire dans la Constitution la lutte contre le handicap et la discrimination. Dans les Ehpad, la candidate veut accroître la présence de personnel médical : selon elle, chaque établissement doit être doté d’un médecin coordonnateur et un infirmier doit être présent 24 heures sur 24. Elle veut également soutenir les proches aidants en portant à douze mois pour l’ensemble de la carrière la durée de leur congé et indexer leur indemnisation sur les revenus de la personne aidante, avec une couverture à 100 % des pertes salariales au niveau du Smic, à 80 % jusqu’au salaire médian puis à 50 % au-delà (plafond à 3 000 € net). Cette aide serait déconjugalisée, comme l’allocation adulte handicapé (AAH). Enfin, une indemnité spécifique de 300 € mensuels sera créée pour toute personne faisant le choix de vivre au domicile d’un proche dépendant ou de l’accueillir chez elle pour se consacrer pleinement à son accompagnement.

Gouvernance

➔ Emmanuel Macron : À ce jour, le candidat fondateur d'En Marche n’a pas formulé de proposition sur la gouvernance et le financement du système de soins.

➔ Marine Le Pen : Sur la Sécurité sociale, la fille de Jean-Marie Le Pen souhaite pérenniser son financement en simplifiant l’administration du système, en luttant contre la gabegie financière et en investissant dans les nouveaux outils numériques pour permettre des économies durables. La candidate du Rassemblement national propose également de créer un ministère spécifiquement dédié à la lutte contre la fraude, ayant autorité sur toutes les administrations compétentes, et de sécuriser la délivrance et l’utilisation des cartes Vitale en remplaçant le modèle actuel par des cartes infalsifiables contenant des données biométriques. Marine Le Pen souhaite aussi transformer l’Aide médicale à l’État (AME) en un dispositif qui prenne en charge, pour les adultes, uniquement les soins urgents.