« Mieux coordonner et hiérarchiser les interventions des collectivités territoriales dans l’accès aux soins de premier recours ». Tout est dans le titre du chapitre que consacre la Cour des comptes aux investissements en santé des municipalités, départements et régions dans son rapport public annuel 2023, publié le 10 mars.
Rapportées aux dépenses de l’État et de l’Assurance maladie, les aides des collectivités territoriales sont, estime la Cour des comptes, « peu significatives » : leur montant net est estimé par la Cour des comptes à 150 millions d’euros, soit « six fois inférieur à celui des dépenses que les agences régionales de santé (ARS) consacrent à l’amélioration des soins de premier recours par le canal du Fonds d’intervention régional (1 milliard d’euros) et représente 0,5 % du montant des soins de premier recours pris en charge par l’Assurance maladie (30 milliards d’euros) ». Elles peuvent cependant « compléter utilement les interventions de l’État ou de l’Assurance maladie, en ciblant plus précisément des besoins locaux mal satisfaits », soutiennent les magistrats.
Mobiliser l’ensemble des leviers à disposition
La Cour cite notamment l’initiative départementale « Santé Innovation Loiret » comme bon exemple, permettant de financer « des outils d’e-santé, des solutions de mobilité sous forme de bus d’e-santé ou de consultations itinérantes, ou encore des initiatives locales d’éducation thérapeutique du patient ». Toutefois, « la pérennité des projets financés n’est pas, dans la majorité des cas, assurée. » Ces exemples, comme dans le Loiret « sont rares » : « peu nombreuses sont les collectivités à avoir mobilisé l’ensemble des leviers à leur disposition, se privant ainsi de potentiels effets de synergie », détaille-t-elle.
La Cour égratigne dans son rapport « le volontarisme parfois affiché » par les régions, qui « contraste » avec les montants réellement consacrés aux politiques de santé. Seulement 5 millions d’euros ont ainsi été accordés aux soins de premier recours par la région Bourgogne-Franche Comté sur les 128 millions d’euros de l’accord « de relance, État-région 2021-2022 ». Dans les faits, rapporte la Cour, « 70 % des crédits proviennent de l’État et 25 % de l’Union européenne ».
Des aides trop peu lisibles
« Souvent, d’ailleurs, les montants mobilisés sont très en-deçà de ceux prévus, du fait d’aides trop peu lisibles pour être sollicitées », poursuit la Cour. C’est le cas, par exemple, pour le dispositif « installeunmedecin.com », mis en place en mars 2013 par le conseil départemental de la Saône-et-Loire. Ainsi, montre la Cour, « la bourse d’études pour les étudiants en médecine générale s’engageant à s’installer dans les territoires les plus prioritaires n’a bénéficié qu’à deux internes de 2017 à 2021 (pour un montant total de 28 000 €). »
De même, « l’aide financière pour l’hébergement des étudiants et internes en médecine générale, accordée aux collectivités porteuses d’un contrat local de santé (CLS), a représenté au total 20 000 € entre 2017 et 2021, soit 4 000 € par an en moyenne. Aussi, « 58 professionnels ont bénéficié entre 2017 et 2021 de l’aide à l’installation, pour un montant annuel global de 212 000 €, soit 42 400 € par an en moyenne. »
Des projets de soins établis par les professionnels de santé
Le rapport évoque également les aides à la création de maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) qui fonctionnent lorsqu'il existe une « bonne articulation des différentes formes d’aides, ainsi que des projets de territoires, entre eux et avec les projets de soins établis par les professionnels de santé ». Sur les 210 centres de santé gérés par des collectivités (sur 700 centres médicaux et polyvalents), la Cour écrit que « la bonne application de règles de gestion se révèle déterminante notamment lorsqu’un département est contraint de s’engager dans une gestion directe ».
En somme, la Cour estime qu’une « structuration plus forte au niveau national est indispensable, les interventions étant aujourd’hui trop dispersées, éloignées des difficultés concrètes des patients et trop peu articulées avec les logiques de projets établis par les professionnels de santé. Il convient, dès lors, de mieux reconnaître que les collectivités territoriales contribuent à une politique globale de santé publique et non seulement à de l’aménagement du territoire, et de mieux organiser les coordinations utiles. »
D’autres progrès seront également « indispensables », au niveau national, ajoute la Cour, « pour définir des indicateurs plus opérationnels, capables de mieux décrire les obstacles rencontrés dans les différents territoires par les patients, par exemple en termes de délais de rendez-vous, d’accès aux médecins traitants (pour des publics prioritaires en particulier) ou d’accès non pertinent aux urgences hospitalières, faute d’un filtre préalable ». Un autre rapport sur l'organisation des soins de premier recours est d'ailleurs dans les tuyaux.
Les cinq recommandations de la Cour des comptes sont les suivantes :
1. « Recentrer l’action de soutien des collectivités locales à l’installation et au maintien des professionnels de santé sur les seuls investissements mobiliers et immobiliers »
2. « Programmer et coordonner à l’échelon départemental, par exemple au sein de la commission d’exercice coordonné, en liaison avec les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), la création et l’adaptation des locaux destinés à l’exercice coordonné et partagé des soins »
3. « Constituer au sein des conseils territoriaux de santé une commission chargée d’identifier les difficultés concrètes d’accès aux soins (s’agissant des médecins traitants, de la PDSA, des soins non programmés, des visites à domicile, des établissements médico-sociaux, etc.) »
4. « Conditionner la possibilité d’intervention financière des communes et EPCI par la signature d’un contrat local de santé, établi à un niveau supra-communal (EPCI notamment) et identifiant entre autres les difficultés d’accès aux soins (à partir d’indicateurs définis au niveau national et départemental) »
5. « Clarifier, pour les collectivités gérant un centre de santé ou déléguant cette gestion à un opérateur sans but lucratif, la possibilité juridique de proposer aux médecins une rémunération partiellement assise sur l’activité »
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