Est-ce un pas supplémentaire vers la création d’une taxe « lapins », visant à sanctionner les patients indélicats et récidivistes ? La députée de la majorité Astrid Panosyan-Bouvet (Renaissance) a déposé en février une proposition de loi (PPL) visant à lutter contre les rendez-vous médicaux non honorés. Une initiative qui fait écho au discours de politique générale de Gabriel Attal, qui avait défendu le 30 janvier, à la tribune de l’Assemblée, l’instauration d’une taxe lapins, recyclant une idée ancienne mais jamais mise en œuvre. Avec comme principe : « Quand on a rendez-vous chez le médecin et qu’on ne vient pas sans prévenir, on paye ! »
Selon moi la question du civisme est primordiale
Astrid Panosyan-Bouvet, députée Renaissance
Interrogée, la députée de Paris ne revendique toutefois pas cette filiation auprès du Quotidien. « Le texte provient à l’origine d’un amendement que j’avais déposé dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2024, pour lequel j’avais notamment consulté le Conseil de l’Ordre des médecins. L’amendement n’avait pas été jugé recevable. J’ai donc décidé d’en faire une PPL aujourd’hui, car selon moi la question du civisme est primordiale », confie la parlementaire.
Pour l’instant, une quarantaine de députés de la majorité se sont associés à cette PPL, mais Astrid Panosyan-Bouvet indique qu’elle ouvrira les signatures aux oppositions dans une logique transpartisane dans les prochaines semaines.
Une déclaration volontaire… du médecin
L’exposé des motifs de l’article unique souligne que « l’objectif de cette PPL est ainsi de sensibiliser et de responsabiliser notre société à cette pratique préjudiciable pour les patients comme les praticiens et ainsi à rappeler l’importance du respect de la règle commune ».
Le texte est rédigé de façon à impliquer les professionnels de santé qui le souhaitent lorsqu’ils sont confrontés à des patients indélicats, de façon répétée. « Sur déclaration volontaire du professionnel de santé, peut faire l’objet d’un avertissement ou d’une pénalité prononcés par le directeur de l’organisme local d’Assurance-maladie, l’absence répétée d’un patient à des rendez-vous médicaux sans en avoir préalablement informé le professionnel de santé concerné au moins 24 heures précédant le rendez‑vous médical ».
La PPL ajoute que le montant de la pénalité varie « selon la récurrence des absences constatées » et que les modalités d’application – forcément complexes – seront fixées par décret. Si cette initiative repose forcément la question de sa traduction concrète sur le terrain, la députée évoque une piste. Si le rendez-vous figure bien dans l’agenda du médecin et qu’aucun patient ne vient (sans prévenir préalablement), sur déclaration sur l’honneur du médecin, ce dernier pourrait être reconnu comme victime d’un lapin.
Question de principe et règle commune
Mais pourquoi choisir de faire peser cette responsabilité de pénalité éventuelle sur les médecins, plutôt que, par exemple sur les applications de prise de rendez-vous en ligne ? « Les plateformes font déjà un travail de relance permettant de réduire significativement le nombre de lapins, se justifie Astrid Panosyan-Bouvet. Je me suis rendu compte, en regardant les chiffres, que ce sont les personnes récidivistes qui génèrent un pourcentage important de rendez-vous non honorés ». La députée ajoute que « les médecins veulent, à juste titre, garder la main et ne pas avoir une relation contractuelle avec leurs patients. Cette proposition de loi leur propose de déclarer un patient qui n’honore pas ses rendez-vous de manière répétée, sans leur imposer. »
Quid, alors, du renvoi de ce sujet aux négociations conventionnelles par le gouvernement, comme ce fut le cas lors du débat sur le PLFSS 2024 au Sénat ? « L’intérêt de cette PPL est justement de ne pas renvoyer aux calendes grecques ! Les syndicats et l’Assurance-maladie ont d’autres chats à fouetter, notamment travailler sur la revalorisation de la consultation… Ce texte est d’abord une question de principe : il faut restaurer le respect de la règle commune ! », assume la députée.
En janvier 2023, l’Académie nationale de médecine et l’Ordre des médecins avaient établi que 6 à 10 % des patients n’honorent pas leur rendez-vous. Un fléau qui correspondrait à une perte de temps de consultation de près de « deux heures hebdomadaires » pour le médecin quelle qu’en soit la discipline et, par extrapolation, près de 27 millions de rendez‑vous non honorés par an (chiffre toutefois difficile à évaluer). Deux tiers de ces défections concerneraient un premier rendez-vous.
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