Le congrès américain de cancérologie (Asco), qui s'est tenu à Chicago du 2 au 6 juin, a de nouveau livré un riche panel d’avancées thérapeutiques, notamment aux stades précoces de la maladie.
Deux études présentées en plénière, Adaura et Indigo, ont mis en lumière les progrès apportés par l’identification de certaines mutations, ouvrant la voie à des thérapies ciblées susceptibles de bouleverser le pronostic au stade adjuvant du cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) et du gliome. Et dans les tumeurs du rectum, le Folfox et le Folfirinox pourraient s’imposer en néoadjuvant, d'après les résultats des essais Prospect et Prodige 23.
Réduction de 51 % du risque de décès dans le CPNPC
Selon l'étude de phase 3 Adaura, l'osimertinib (Tagrisso), un inhibiteur de tyrosine kinase (ITK) de troisième génération dirigé contre le récepteur de l'EGF (EGFR), réduit de moitié le risque de décès à cinq ans chez les patients atteints de CPNPC mutés EGFR à un stade précoce. Les résultats ont été publiés simultanément dans « The New England Journal of Medicine ».
Une première analyse avait montré que l’osimertinib en adjuvant améliorait significativement la survie sans maladie par rapport au placebo dans les CPNPC avec mutation EGFR complètement réséqués. Le bénéfice sur la survie sans maladie et la survie sans maladie au niveau cérébral se maintenait avec un suivi supplémentaire de deux ans, que ce soit sur la population totale (stades IB-IIIA) ou les stades II-IIIA avec un profil de sécurité tolérable.
Les nouveaux résultats sur la survie globale à cinq ans sont impressionnants, avec une réduction de 51 % du risque de décès, aussi bien dans la cohorte globale (88 % avec l'osimertinib versus 78 % sous placebo) que parmi les stades II-IIIA (85 versus 73 %). La survie globale médiane n'a été atteinte dans aucune des populations ni aucun des groupes de traitement.
« Le bénéfice hautement significatif de l’osimertinib en adjuvant devrait l’imposer comme la référence dans les CPNPC de stade IB-IIIA, avec mutation de l’EGFR », se félicite le Dr Roy Herbst de l'université Yale (États-Unis), qui a présenté les résultats.
Réduction de 61 % du risque de progression dans le gliome
Dans le gliome de grade 2 avec mutation IDH1/IDH2 résiduel ou récidivant, l'étude de phase 3 Indigo a montré une réduction de 61 % du risque de progression avec le vorasidenib, un double inhibiteur de l'IDH1/2. « Les gliomes de grade 2 gardaient un mauvais pronostic à long terme, les traitements actuels (chirurgie suivie ou non de chimiothérapie et de radiothérapie) n’étant pas curatifs », déplore le Dr Ingo Mellinghoff (États-Unis), premier auteur. Les mutations de l’IDH1/2 sont fréquentes dans ces tumeurs cérébrales (respectivement 80 % et 4 %).
La survie sans progression médiane était très significativement améliorée par le vorasidenib, de 27,7 mois versus 11,1 mois sous placebo (HR = 0,39, p = 0,000000067). Le délai médian avant de recourir à un nouveau traitement était aussi statistiquement significatif : non atteint sous vorasidenib versus 17,8 mois dans le bras placebo (HR = 0,26 ; p = 0,000000019). Le profil de sécurité était gérable.
Cette première étude de phase 3 avec une thérapie ciblée montre qu’il est possible de retarder la chimiothérapie et la radiothérapie des gliomes IDH mutés de grade 2, en diminuant de 61 % le risque de progression. Les résultats ont aussi été publiés dans « The New England Journal of Medicine ».
Dans le cancer du rectum, le Folfox limite le recours à la radiothérapie
Dans les cancers du rectum localement avancés, l’essai de phase 3 Prospect montre que le protocole de chimiothérapie Folfox modifié (mFolfox), utilisé en néoadjuvant (et non plus en adjuvant) avec une utilisation sélective de la chimioradiothérapie pelvienne, permet le même taux de guérison que le traitement préopératoire standard par chimioradiothérapie systématique.
Dans le groupe mFolfox (n = 585), lorsque la régression tumorale atteignait au moins 20 %, il n’y avait pas de radiothérapie avant chirurgie rectale. Lorsqu’elle était inférieure à 20 %, une chimioradiothérapie était instaurée avant l’opération. Le groupe standard (n = 543) recevait systématiquement la chimioradiothérapie néoadjuvante, avec de la capécitabine ou du 5-FU.
Dans le bras mFolfox, la chimioradiothérapie a dû être administrée à 53 participants (9,1 %) en raison d'une réponse tumorale en dessous de 20 % ou d'une intolérance au Folfox. Les résultats à cinq ans sont pratiquement identiques en termes de taux de survie sans maladie (80,8 % versus 78,6 %, HR = 0,92, p de non-infériorité = 0,0051) et de survie globale (89,5 % versus 90,2 %). Mais il a été observé moins de séquelles à long terme, en particulier sexuelles ou neurotoxiques, et moins de complications postopératoires sévères en l’absence de chimioradiothérapie. « À noter toutefois que les tumeurs à haut risque touchant la paroi pelvienne qui nécessitent une radiothérapie n’ont pas été incluses dans cet essai », remarque la Dr Deb Schrag (États-Unis).
Toujours dans le cancer du rectum, mais à un stade plus avancé (T3 ou T4, M0), les résultats de l’étude Prodige 23 (essai Unicancer GI) ont été présentés par le Pr Thierry Conroy de Nancy. Un groupe de patients recevait une chimioradiothérapie préopératoire, suivie de la chirurgie puis d’une chimiothérapie adjuvante pendant six mois, un traitement efficace mais avec toutefois un risque de 25 % de métastases. Dans l’autre bras, les patients étaient traités par six cycles de mFolfirinox, suivi de la chimioradiothérapie, avant la chirurgie, puis par trois mois de chimiothérapie adjuvante.
Avec une médiane de suivi de près de sept ans, tous les résultats sont significativement supérieurs dans le groupe mFolfirinox avec une survie sans maladie de 67,6 versus 62,5 % (p = 0,048) et une survie globale de 81,9 versus 76,1 % (p = 0,033). « Une chimiothérapie plus intensive intervenant précocement sur les micrométastases est la stratégie à privilégier », estime le Pr Conroy.
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