Le 20 novembre dernier, journée mondiale des droits de l’enfant, l’Unicef France a publié un rapport intitulé : « Grandir dans les Outre-mer : état des lieux des droits de l’enfant ». Les chiffres concernant l’île de Mayotte interpellent. En effet, huit enfants sur 10 sont là-bas dans une situation de grande pauvreté, « une tendance préoccupante qui tend à s’amplifier depuis 2011 », selon ce rapport.
Alors que la moitié de la population a moins de 18 ans, la santé, aussi bien physique que mentale, de ces jeunes est particulièrement dégradée, une situation liée en particulier à des conditions de vie très précaires, « tant en matière d’habitat que de statut administratif », ce qui représente « des entraves majeures dans l’accès à la santé », lit-on. Le Dr Maxime Ransay-Colle, médecin de santé publique et conseiller médical de l’ARS de Mayotte, commente la situation de ce petit département français situé dans l’océan Indien.
Un taux d’affiliation sociale très faible
Le rapport de l’Unicef indique un taux de mortalité infantile atteignant 8,9‰ à Mayotte, soit le chiffre le plus élevé des départements français. Un constat alarmant. Néanmoins, il y a cinq ans, ce taux était de 13,5 ‰. « La prévention et la prise en charge s’adaptent de mieux en mieux aux spécificités de l’île avec des principes "d’aller vers", par exemple, qui permettent de prendre en charge plus précocement les personnes éloignées du système de santé », décrit le médecin. De manière plus générale, il souligne le développement du département, qui permet une amélioration de la qualité de vie et de l'offre de soins (via de nouveaux équipements et infrastructures), ainsi qu'une baisse de la précarité.
En parallèle, le premier plan régional de santé de l'île devrait voir prochainement le jour et « l’axe périnatalité sera, bien entendu, un axe prioritaire ». Cependant, de nombreuses difficultés perdurent. Le Dr Maxime Ransay-Colle déplore des failles dans le suivi des femmes, ce qui engendre des complications chez les nourrissons et augmente la morbinatalité néonatale et infantile.
Avant d'ajouter : « Nous avons un profil social particulier sur l’île avec une population migrante surreprésentée par rapport aux autres départements français. Nous avons un taux d’affiliation sociale qui est très faible, même pour la population mahoraise native qui est pourtant éligible ; ce qui diminue la capacité d’accès aux soins ». De plus, l’aide médicale d’État (AME) n'est pas applicable à Mayotte, ni la complémentaire CMU-C – devenue complémentaire santé solidaire dans le droit commun.
Sans oublier que Mayotte est l'un des plus grands déserts médicaux de France. « Pour améliorer la prise en charge et avoir une offre de santé qui corresponde aux besoins de territoire, autant en termes de quantité que de compétences, il faut d’abord mener un travail de fond sur l’attractivité. J’en profite pour passer un appel aux confrères qui souhaitent venir s’installer à Mayotte et participer à l’essor et à la structuration de ce territoire qui en a vraiment besoin ! », lance le Dr Maxime Ransay-Colle.
La santé mentale des jeunes mise à mal par une succession de crises
Un autre chiffre ressort de ce rapport, un tiers des jeunes de Mayotte et de Guyane souffrent de troubles psychiques. Une particularité partagée par tous les territoires ultramarins. Le Dr Maxime Ransay-Colle explique : « Il y a des particularités socioculturelles qui expliquent ces chiffres. Les chocs culturel et générationnel ont un vrai impact sur le bien-être des jeunes ».
Mayotte connaît également une succession de crises, pas uniquement liée au Covid. « La crise de l’eau, à la fois sanitaire et sécuritaire, traîne déjà depuis cinq ans, rappelle-t-il. Elle crée un climat défavorable pour le bien-être des jeunes avec des conditions de vie qui sont très différentes de celles qu’on peut connaître en France métropolitaine, notamment l’accès à l’éducation est devenu très complexe : des adaptations d’emplois du temps sont nécessaires à la vue du manque de ressources. »
Sans oublier, les situations de mal-être intrafamilial ou les violences, très présentes sur l'île. Le rapport de l'Unicef précise également une absence d'offre de pédopsychiatrie sur l'île. « Seulement 10 lits sont disponibles en psychiatrie, sans spécialisation en pédopsychiatrie, conduisant dans le meilleur des cas (lorsqu’une prise en charge est possible) à mélanger les enfants avec des adultes », rapporte le Dr Ransay-Colle.
Anticiper le vieillissement de la population
À Mayotte, 50 % de la population a moins de 18 ans et le taux de natalité est particulièrement élevé (4,7 enfants par femme en 2022 selon l’Insee). Les structures de soins doivent donc s'adapter aux problématiques de santé spécifiques à cette classe d’âge, « même si nous avons également, chez les jeunes, beaucoup de maladies métaboliques telles que le diabète », nuance le conseiller médical de l'ARS Mayotte.
Et d'ajouter : « C’est un défi. Malgré tout, il y a une nécessité à planifier la suite. Le niveau de vie augmente et l’offre de santé s’améliore, donc l'espérance de vie va augmenter, les importantes vagues de natalité vont se répercuter avec un afflux massif de personnes plus âgées d’ici quelques années. Des problématiques de santé telles que cancers, maladies chroniques et dégénératives vont apparaître alors qu’aujourd’hui nous n’y sommes pas confrontés de manière trop importante », décrit le Dr Maxime Ransay-Colle en insistant sur l'importance de préparer le système de santé sur le territoire à cette évolution.
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