Le sotatercept avait déjà fait ses preuves dans l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) en classe fonctionnelle II-III, avec l’étude pivot Stellar, publiée dans le NEJM en 2023 (1). Détenteur d’une AMM européenne dans ces classes fonctionnelles II-III en ajout à une bi ou tri-thérapie, il est actuellement disponible en France en accès précoce. Il y a quelques semaines, l’étude de phase 3 Zenith, parue à nouveau dans le NEJM, est venue montrer que son activité ne se limite pas à ces classes fonctionnelles II-III (2).
L’association s’est en effet avérée très efficace chez des patients en classes fonctionnelles III-IV, avec des résultats tellement démonstratifs et significatifs lors de l’analyse intermédiaire préplanifiée que, malgré la taille très limitée (172 patients) de l’étude, cet essai a dû être interrompu par un comité de surveillance indépendant. Et ce, sur des critères durs, à savoir : mortalité, transplantation pulmonaire et hospitalisation plus de 24 heures.
Quelques milliers de patients en France
Pour mémoire, l’HTAP est une forme rare d’hypertension pulmonaire pré-capillaire, causée par un remodelage des vaisseaux pulmonaires. Elle peut être associée, ou non, à des mutations du gène BMPR2, qui code pour un récepteur de type II de la superfamille du TGF bêta.
La prévalence de l’HTAP est de 15 à 50 cas par million d’habitants en France, ce qui correspond à quelques milliers de patients en France, suivis et traités dans les centres de référence et de compétence PulmoTension.
Trente ans de progrès
Des progrès phénoménaux ont été réalisés depuis 1995. « En 1996, le premier traitement médical développé dans l’HTAP est la prostacycline intraveineuse, qui impose un cathéter central à demeure raccordé à une pompe pour la perfuser en continu », rappelle le Pr Marc Humbert, centre de référence de l’hypertension pulmonaire (PulmoTension) CHU Bicêtre (AP-HP), et coordonnateur de la filière des maladies respiratoires rares (RespiFIL).
Dans les années 2000 à 2015, des médicaments oraux (antagonistes des récepteurs de l’endothéline, inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5, stimulateur de la guanylate cyclase et agoniste du récepteur de la prostacycline) ont montré une activité intéressante dans l’HTAP. « Ces avancées ont permis de développer des bithérapies et trithérapies efficaces, ciblant les voies de la prostacycline, de l’endothéline et du monoxyde d’azote », indique le Pr Humbert.
En 2021 le sotatercept (voie sous cutanée), une protéine de fusion associant une chaîne lourde d’IgG1 à un récepteur de type IIA de l’activine fait l’objet de premiers travaux (3). Il agit comme « piège à activine », une molécule de la super famille du TGF bêta induisant un remodelage, et sécrétée en excès dans la maladie.
Peu après, en 2023, puis 2025, les résultats des études de phase 3 testant le sotatercept en ajout à une bi ou tri-thérapie, amènent la molécule à obtenir une AMM européenne assortie d’une mise à disposition en France sous accès précoce dans les formes modérées à sévères. « Enfin, pour cette dernière publication, le sotatercept, toujours en ajout au traitement maximal toléré, montre une efficacité d’ampleur remarquable dans les formes graves, à haut risque de mortalité », résume le Pr Humbert.
Des résultats au Zenith
« La cohorte dans laquelle a été menée l’étude sotatercept versus placebo est constituée de patients de 50 ans d’âge médian, dont 70 % sont déjà sous trithérapie à l’inclusion. Leur HTAP a été diagnostiquée en moyenne 7 à 8 ans auparavant. Leur test de marche moyen de 6 minutes était de 270 mètres et le NT-proBNP de l’ordre de 3 000 pg/ml », décrit le Pr Humbert, premier auteur de l’étude.
À l’analyse intermédiaire, l’ajout de sotatercept améliore le critère principal de 76 % (p < 0,0001), avec en particulier une mortalité de 8 % dans le bras sotatercept, versus 15 % dans le groupe placebo. La survie est donc améliorée de 58 %. Et encore a-t-on perdu de la puissance statistique, en raison de l’interruption précoce de l’étude.
De même, le taux de transplantation pulmonaire est de 1 vs 7 %. Enfin le taux d’hospitalisations, très corrélé à la mortalité totale chez ces patients ayant une maladie très avancée, est de 9 vs. 50 %.
Le critère combiné, mortalité ou transplantation, a reculé de 66 % (RR = 0,34). Le taux de NT-proBNP a diminué de 2 339 UI/ml en valeur médiane. La pression artérielle pulmonaire moyenne a diminué de 21 mmHg. Le test de marche des 6 minutes a augmenté de 63 mètres.
Les effets secondaires sont connus et doivent être surveillés : 63 vs 35 % de saignements au total et à 6 vs 5 % de saignements majeurs. Sachant que les saignements les plus fréquents sont mineurs (épistaxis). Les télangiectasies sont à 25 % vs 3,5 %. Enfin, on a observé une augmentation de l’hémoglobine chez 13 vs 1 % des patients. « Ce qui est sans surprise, vu l’implication du TGF bêta dans l’érythropoïèse, et alors que le sotatercept était initialement en développement dans les anémies », souligne le Pr Humbert. Cette indication a d’ailleurs été obtenue par une molécule cousine, le luspatercept, dans les syndromes myélodysplasiques (4).
* D’après un entretien avec le Pr Marc Humbert, Enseignant chercheur, chef du service de pneumologie et soins intensifs respiratoires, Centre de référence de l’hypertension pulmonaire (PulmoTension), CHU Bicêtre (AP-HP), Coordonnateur de la filière des maladies respiratoires rares (RespiFIL), Directeur de l’Unité Inserm/ Université Paris-Saclay 999, et Doyen de la Faculté de Médecine, Université Paris-Saclay
(1) Hoeper MM et al. N Engl J Med. 2023 Apr 20;388(16):1478-1490
(2) Humbert M et al. N Engl J Med. 2025 May 29;392(20):1987-2000
(3) Humbert M et al. N Engl J Med. 2021 Apr 1;384(13):1204-1215
(4) Fenaux P et al. N Engl J Med. 2020 Jan 9;382(2):140-151
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