Macron joue aussi son avenir sur les deux fronts de l'Europe

Publié le 11/02/2022
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Quelle que soit la dureté de sa tâche, le président de la République a tenu à assurer son tour pour la présidence de l'Europe en dépit des critiques liées à l'idée qu'il n'était pas obligé de le faire. Sa décision l'expose aux conséquences géopolitiques du conflit en Ukraine et de la décision de la junte malienne d'évincer la France et de la remplacer par une milice russe.
Soldats de Barkhane en action

Soldats de Barkhane en action
Crédit photo : AFP

Les deux crises ne sont pas désespérées, même si on doit tenir compte de la volonté d'en finir exprimée par Vladimir Poutine. Il demeure qu'il n'a pas, à ce jour, envahi l'Ukraine, et en acceptant de dialoguer avec les Occidentaux, notamment avec Joe Biden et avec Emmanuel Macron, il ne semble pas s'acheminer vers un coup de force. Comme l'opposition française a nié à Macron le droit d'accepter la présidence européenne, elle considère comme une circonstance aggravante le fait qu'il s'expose à de vives déconvenues avc Poutine, si celui-ci, qui est tout de même versatile, envoie ses troupes en Ukraine.

C'est de moins en moins probable. Poutine a reçu Macron au Kremlin lundi dernier et mardi, le président français s'est rendu à Kiev pour y rencontrer le président ukrainien, Volodymyr Zelenski. Diplomate increvable, le chef de l'État laisse courir les commentaires catastrophiques lancés pendant la campagne électorale. On ne peut pas nier qu'il prend des risques et que, dans la crise ukrainienne, qui est européenne et mondiale, il tente sincèrement d'éviter une guerre qui laisserait exsangue le continent. Il a beaucoup contribué, en outre, à la fermeté des Occidentaux à l'égard de Moscou qui, non sans perversité, se présente comme une victime, alors qu'elle est l'acteur le plus puissant, militairement, de la crise.

Macron réussira-t-il ? Le plus probable est qu'il trouvera un compromis mi-chèvre mi-chou qui ne satisfera aucun des protagonistes, mais plaira au camp de la soumission à la Russie, j'ai désigné l'extrême droite. Ce compromis peut coïncider avec l'élection présidentielle où M. Macron, déjà fort bien placé, bénéficierait d'un atout supplémentaire, étant entendu que les Français craignent la guerre, à juste titre. Elle n'apporte que malheur et misère à ceux qui la livrent, directement ou indirectement.

Le prix de la présence française

Pour Macron, la tâche n'est pas plus facile au Sahel, où la France, depuis 2014, a assuré sans relâche la sécurité des peuples de la région. Ce n'est pas un fait négligeable. Cette guerre nous a coûté 53 militaires à ce jour et au moins un milliard d'euros par an. Les militaires au pouvoir, consécutivement à deux coups d'État, n'ont aucune légitimité pour gouverner le Mali et encore moins pour renverser les alliances : ils ont expulsé l'ambassadeur de France, invité les milices russes, dont la plus connue, Wagner, est déjà implantée sur place, à venir sur leur sol et tiennent la dragée haute à notre gouvernement.

Celui-ci avait déjà réduit de moitié les effectifs de Barkhane, sachant qu'il n'était plus le bienvenu. Mais notre corps expéditionnaire ne quitte pas la région. Nous y sommes allés aussi pour empêcher les djihadistes de se servir du Sahel comme d'une base à partir de laquelle ils peuvent commettre des attentats en France et en Europe. Nous bénéficions du soutien des pays européens pour stationner nos troupes dans des États du Sahel plus accueillants, par exemple le Niger,  et nous pouvons combattre les terroristes avec des moyens militaires puissants.

Ce qui nous évitera d'entrer en conflit avec la junte malienne, réunion d'officiers mal dégrossis dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils n'ont pas la reconaissance du ventre et qu'ils sont nuls quand il s'agit de protéger leurs frontières mais efficaces pour juguler les libertés dans leur pays. Le grand retour du putsch en Afrique francophone est un désastre. Non seulement, il ne règle pas la crise endémique de la région, mais il la complique. Chaque jour de junte au pouvoir est plus d'appauvrissement au Mali. 

Tout cela explique que le chef de l'État n'ait pas voulu se mettre en retrait. L'aurait-il fait qu'il aurait été critiqué de toute façon car on l'aurait blâmé d'avoir oublié que nous sommes allés non seulement pour préserver la souveraineté du Mali, mais pour notre intérêt national.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin