Alcool, beaucoup d’hospitalisations et autant d’occasions manquées de prévention

Publié le 08/07/2015

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Avec près de 49.000 décès chaque année en France, l’alcool est la deuxième cause évitable de mortalité prématurée après le tabac (78.000 morts). C’est aussi « l'une des toutes premières cause d'hospitalisation en France » rapporte une étude publiée mardi dans le BEH, qui souligne par ailleurs les lacunes dans le parcours de soin des patients en prise avec l’alcool. Menée à la demande du ministère de la santé, l’étude du BEH a analysé l’ensemble des séjours hospitaliers en lien avec la consommation d’alcool, (intoxication aigue, dépendance ou complications liées à l’alcool) recensés en 2012.

Un coût global de 2,64 milliards d’euros

Résultats : sur cette période, l'alcool a induit plus de 580.000 hospitalisations de courts séjours en MCO (médecine-chirurgie-obstétrique), soit 2,2% de l’ensemble des séjours et séances. En psychiatrie, plus de 2,7 millions de journées lui étaient attribuables, soit 10,4% du total des journées. Enfin, en soins de suite et de réadaptation (SSR), plus de 2 millions de journées liées à l’alcoolisation excessive ont été recensées, soit 5,6% de l’activité totale. Avec à la clef un coût global de 2,64 milliards d’euros, équivalent à 3,6% de l’ondam. Dans les 3 secteurs, ces hospitalisations étaient plutôt à la hausse par rapport aux années antérieures, mais cette augmentation pourrait « témoigner avant tout d’une amélioration du codage PMSI des pathologies liées à l’alcool dans ces trois champs, plutôt que d’une évolution de l’activité » nuancent les auteurs.

Autre constat, les hospitalisations sont le plus souvent liées aux conséquences de l’alcoolisation plutôt que centrées sur le problème de fond de la consommation alcoolique et sur la prise en charge de la dépendance. Ainsi, si en psychiatrie la majorité (68%) des journées d’hospitalisation concernaient des séjours pour traitement de la dépendance à l’alcool ; en MCO, en revanche, les séjours étaient très essentiellement dus à des intoxications aiguës ou à des complications de l’alcool (83,9%). Et globalement, « : il y a 5 fois plus de patients hospitalisés pour des complications que pour la seule dépendance à l'alcool » regrette le Pr Michel Reynaud (Hôpital Paul Brousse, Villejuif) qui cosigne cette étude avec le Pr François Paille (CHU de Nancy).

Des occasions de sevrage manquées

Pour ce spécialiste, ces chiffres reflètent "l’insuffisante prise en charge des comportements d'alcoolisation excessive et du sevrage, d'abord aux urgences puis ensuite au cours d'hospitalisations pour ivresse". Avec pour les patients, autant d’occasions manquées de pouvoir aborder le problème de fond de leur consommation d’alcool avant qu’il ne soit trop tard. Sur le papier, l’histoire naturelle de la maladie alcoolique laisse pourtant le temps de réagir puisque les hospitalisations pour complications surviennent en moyenne à 56,7 ans, soit 13 ans après les hospitalisations pour intoxication aiguë (âge moyen 43,5 ans) et plus de 8 ans après les hospitalisations pour dépendance (âge moyen 47,9 ans) "Quand on arrive aux complications à 57 ans en moyenne (cirrhose, troubles neurologiques, cardiovasculaires, accidents, cancers...), c'est donc qu’on a loupé toutes les phases préliminaires, de l'ivresse aiguë en passant par l'alcoolisation excessive chronique puis la dépendance", analyse le Pr Reynaud.

Dans ce contexte, les auteurs rappellent « l’intérêt d’aborder la question de l’alcool le plus précocement possible et lors de chaque séjour, de façon à espérer limiter à terme ces complications et les ré-hospitalisations qu’elles entraînent ». Et invitent à « améliorer la formation des équipes des services d’urgence et des services non spécialisés en addictologie" sur ces questions.


Source : lequotidiendumedecin.fr