Dans le cadre du plan national canicule, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) vient de republier différentes infomations relatives aux médicaments, liées à leur stockage comme à leur bon usage. Avec un focus sur les traitements susceptibles d'altérer l'adaptation de l'organisme à la chaleur.
L'ANSM met particulièrement en garde sur l'usage de trois médicaments ou familles de médicaments : éviter de prescrire des AINS (particulièrement néphrotoxiques en cas de déshydratation), du paracétamol (inefficace contre le coup de chaleur et risque d'aggravation de l'atteinte hépatique), et en cas de prescription de diurétiques, de vérifier les apports hydriques du patient.
L'agence recommande d'établir la liste des médicaments pris par le patient et susceptibles de perturber l'adaptation de l'organisme à la chaleur. Ils sont très nombreux, et peuvent agir à des niveaux différents. Voici les médicaments listés par l'Ansm :
Les traitements susceptibles d’aggraver le syndrome d’épuisement-déshydratation et le coup de chaleur
A - Les médicaments provoquant des troubles de l’hydratation et/ou électrolytiques :
- Les diurétiques, en particulier les diurétiques de l’anse (furosémide, bumétanide) et les diurétiques thiazidiques et distaux au long cours.
B - Les médicaments susceptibles d’altérer la fonction rénale :
- Tous les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS classiques ou « conventionnels », les salicylés à des doses supérieures à 500 mg/j et les coxibs)
- Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC)
- Les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II)
- l’aliskirène
- Certains antibiotiques (notamment les sulfamides)
- Certains antiviraux (notamment l’indinavir)
- Certains antidiabétiques (gliptines et agonistes du récepteur GLP-1)
- En règle générale tous les médicaments connus pour leur néphrotoxicité (par exemple, avec des conséquences différentes, les aminosides, la ciclosporine, le tacrolimus, les produits de contraste iodé…)
C - Les médicaments dont la cinétique peut être affectée par la déshydratation :
- Sels de lithium
- Antiarythmiques
- Digoxine
- Anti-épileptiques
- Certains hypoglycémiants oraux (biguanides et sulfamides hypoglycémiants)
- Hypocholestérolémiants (statines et fibrates)
D - Les médicaments susceptibles d’empêcher la perte calorique de l’organisme :
> en raison de la perturbation de la thermorégulation centrale : neuroleptiques et médicaments sérotoninergiques.
> en raison de la perturbation la thermorégulation périphérique par effet atropinique (limitation de la sudation) :
- Antidépresseurs imipraminiques
- Antihistaminiques H1 de première génération
- Antiparkinsoniens atropiniques (trihexyphénidyle, tropatépine, bipéridène…)
- Certains antispasmodiques, en particulier ceux à visée urinaire (oxybutynine, toltérodine, trospium…), ou à visée digestive (tiémonium, dihexyvérine, scopolamine…)
- Neuroleptiques, y compris les antipsychotiques dits atypiques
- Scopolamine
- Disopyramide (antiarythmique)
- Atropine et collyres atropiniques
- Certains bronchodilatateurs (ipratropium, tiotropium)
- Néfopam (antalgique)
- Mémantine (anti-Alzheimer)
- Pizotifène (antimigraineux faiblement atropinique)
> en raison de la perturbation la thermorégulation périphérique avec des vasconstricteurs périphériques :
- Agonistes « α-adrénergiques » et amines sympathomimétiques utilisés dans le traitement de la congestion nasale par voie systémique (pseudo-éphédrine, néosynéphrine, phénylpropanolamine…) ou dans le traitement de l’hypotension orthostatique (étiléfrine, heptaminol, midodrine…)
- Antimigraineux sérotoninergiques (dérivés de l’ergot de seigle, triptans)
> en raison de la perturbation la thermorégulation périphérique par l'effet de molécules susceptibles de limiter l’augmentation du débit cardiaque réactionnelle à une augmentation du débit sanguin cutané, et donc de perturber la thermorégulation périphérique. Il s’agit notamment des diurétiques qui induisent une déplétion et des bêtabloquants par dépression du myocardique.
Les médicaments susceptibles d’induire une hyperthermie
Ces traitements sont connus pour favoriser des dysrégulations thermiques quelles que soient les conditions de température :
• Le syndrome malin des neuroleptiques peut survenir avec tous les neuroleptiques ou après un arrêt brutal d'antiparkinsoniens (L-Dopa, inhibiteur de la COMT, agonistes dopaminergiques)
• Le syndrome sérotoninergique lié aux agonistes sérotoninergiques et assimilés, le plus souvent en association, en particulier : antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine ainsi que d’autres antidépresseurs (imipraminiques, inhibiteurs de la monoamine oxydase sélectifs, venlafaxine, milnacipran, duloxétine), lithium, triptans, linézolide, buspirone et médicaments opioïdes (dextrométorphane, oxycodone, tramadol…).
• Les hormones thyroïdiennes induisent la production endogène de chaleur en augmentant le métabolisme basal. Un traitement mal équilibré avec un apport trop élevé d’hormones thyroïdiennes expose à un risque d’hyperthermie.
Les traitements susceptibles d’aggraver indirectement les effets de la chaleur
• Médicaments susceptibles d’abaisser la pression artérielle et induire une hypoperfusion de certains organes (SNC), notamment : tous les médicaments antihypertenseurs et les antiangoreux.
• Médicaments agissant sur la vigilance (psychotropes en général), pouvant altérer les facultés de défense contre la chaleur.
• Enfin, l’usage de certaines drogues, en particulier les substances amphétaminiques et la cocaïne, ainsi que l’alcoolisme chronique sont des facteurs de risque pouvant aggraver les conséquences de la chaleur.
Evaluer la pertinence du médicament et bien sûr l'état d'hydratation du patient
Dans un tel contexte, surtout chez des sujets à risque, l'Agence du médicament recommande de réévaluer l’intérêt de chacun des médicaments et de supprimer tout traitement qui apparaît soit inadapté, soit non indispensable ; en particulier ceux susceptibles d’altérer la fonction rénale.
L'agence rappelle aussi bien sûr aux professionnels de santé de bien évaluer l'état d'hydratation du patient (clinique avec prise de la pression artérielle, poids, fréquence cardiaque, et évaluation biochimique avec ionograme complet comprenant la créatininémie et la clearance de la créatinine) ainsi que les facteurs de risque.
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