[Pour son dernier numéro de l’année, Le Généraliste s’est intéressé aux défis de l’environnement auxquels sont confrontés les médecins. Du 23 au 31 décembre, nous publions les articles de ce numéro bilan.]
Les preuves s’accumulent contre les facteurs environnementaux et leurs effets sur la santé. Avec des données chiffrées très officielles qui rendent compte de l’ampleur du phénomène. En 2018, l’OMS alertait que dans le monde, neuf personnes sur dix respirent un air pollué, à l’origine de sept millions de décès par an. Sur notre territoire, Santé publique France annonçait en 2016 que les particules fines sont responsables de 48 000 décès par an (un chiffre énorme au regard des 41 000 décès annuels liés à l’alcool et aux 75 000 liés au tabac !). Plomb, mercure, perturbateurs endocriniens, habitats insalubres… la liste des agents polluants ou des milieux de vie présentant des risques mis en cause ne cesse de s’allonger, tandis que nos agences sanitaires multiplient leurs travaux dans ce domaine, jusqu’à être débordées. « Les vingt membres de notre commission croulent sous le travail, nous recevons un nombre croissant de saisines, surtout des ministères en charge de la Santé, et de l’Environnement, et parfois aussi du Travail, mais rarement de l’Agriculture, ce que l’on peut regretter », souligne le Pr Denis Zmirou-Navier à la tête de la commission spécialisée risques liés à l’environnement du Haut conseil de santé publique (HCSP).
Entre certitudes et précautions
S’il y a encore des questionnements sur les conséquences en matière de santé sur beaucoup de facteurs environnementaux, il n’existe plus aucun doute pour certains. « Pour le plomb, l’amiante, le radon, par exemple, les preuves de leur nocivité sont clairement établies. Cela a permis de construire des dispositifs robustes de surveillance à l’échelle nationale pour les mésothéliomes, et aussi sur des populations cibles comme les enfants pour le saturnisme », détaille Sébastien Denys, directeur santé environnement et travail à Santé publique France (SPF).
Mais pour beaucoup d’agents environnementaux, les réponses sont complexes, car aux interfaces de nombreuses disciplines, comme la chimie, la physique, la toxicologie… mais aussi la sociologie. « Au HCSP, notre rôle est de faire la part des choses entre les données scientifiques basées sur des preuves solides, et des données pour lesquelles on manque d’arguments incontestables mais qui font l’objet de préconisations relevant du principe de précaution, explique le Pr Denis Zmirou-Navier. C’est par exemple le cas des recommandations faites sur les perturbateurs endocriniens vis-à-vis de certaines populations (femmes enceintes et enfants), ou des pesticides dans les produits alimentaires ou sur les épandages aux voisinages d’habitations ou d’écoles. »
Cette complexité, Santé publique France (ayant entre autres pour rôle la surveillance de l’état de santé de la population et la mise en œuvre de mesures de prévention) y a été récemment confrontée en menant des investigations épidémiologiques sur des cas groupés de cancers pédiatriques en Loire-Atlantique, et d’agénésies de membres supérieurs chez des nouveau-nés en différentes zones du territoire. Pour ces clusters, SPF n’a pu identifier de causes communes, admettant « être confrontée aux limites de nos outils épidémiologiques », constate Sébastien Denys. Concernant les cancers pédiatriques, la littérature scientifique n’apporte pas d’élément permettant d’affirmer avec certitude le caractère avéré de la causalité liée à des facteurs environnementaux, comme les pesticides. « La difficulté est que nous sommes sur des risques faibles, et localement sur un petit nombre de cas, détaille Sébastien Denys. Pour obtenir des réponses, nous avons lancé une enquête de plus grande ampleur en population générale, en collaboration avec l’Inserm pour avoir des données spécifiques sur les liens entre l’exposition à des parcelles agricoles et la survenue de cancers pédiatriques. »
Des effets plus importants qu’on ne le pense
Comme on le détaille dans les pages qui suivent, les questionnements liés à l’environnement sont de plus en plus nombreux dans beaucoup de disciplines. François Bourdillon, ex-directeur général de la SPF, en quittant ses fonctions en juin 2019, déclarait : « Je suis convaincu que la fraction attribuable à l’environnement sur la morbimortalité est plus importante qu’on ne le pense. » (Le Généraliste n° 2875).
Nos agences de santé, qui travaillent sur ces sujets, mettent souvent en avant l’importance du rôle des praticiens, comme le souligne le Pr Zmirou-Navier : « Nos publications sont rédigées avec l’exigence d’être comprises par ces professionnels, dont les généralistes qui, sans être spécialistes des questions environnementales, sont des acteurs au premier rang pour informer le grand public. » En 2012, sur les risques cardiovasculaires et respiratoires liés aux pics de pollution atmosphérique, le HCSP avait même publié en détail les messages sanitaires à délivrer au grand public, « très souvent donnés par les généralistes eux-mêmes », souligne le Pr Zmirou-Navier.
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