Parmi les 2,5 millions de plaies en France, certaines vont poser des défis aux soignants tout au long de leur réparation. Ces problèmes ont fait l’objet de communications et de forums aux Journées cicatrisations 2019 (Paris, 20 au 22 janvier). Les retards de cicatrisation ont figuré parmi les principaux thèmes abordés.
En temps normal, la cicatrisation s’effectue spontanément en plusieurs phases qui se chevauchent dans le temps et sur la même plaie : la détersion avec sa réaction inflammatoire qui débute entre la 12e et la 24e heure, le bourgeonnement qui commence autour du quatrième jour pour se terminer vers le quinzième, puis l’épidermisation qui aboutit à la cicatrice primaire vers le trentième jour. Intervient enfin une période de remodelage. C’est seulement au bout de deux ans que la cicatrice est considérée comme définitive.
État local et général
Les retards de cicatrisation sont courants, et les raisons ne manquent pas. « De nombreux facteurs locaux mais aussi généraux peuvent intervenir, et s’il est logique de questionner la pertinence du pansement, le statut clinique du patient doit aussi interroger, a fortiori dans les plaies chroniques survenant souvent sur un terrain pathologique », explique le Dr Hester Colboc, dermatologue (Paris). La cicatrisation peut être retardée par la localisation de la plaie sur une zone sollicitée, une mauvaise hydratation, une infection, la présence de corps étrangers ou une mauvaise vascularisation.
Sur le plan général, divers facteurs modifiables ou non peuvent intervenir. L’âge est un élément défavorable, de même que le diabète, la dialyse, les pathologies cancéreuses, le tabagisme, le stress, les traitements par corticoïdes au long cours, les immunosuppresseurs, les anti-inflammatoires et bien sûr le manque de respect des protocoles de soins. On doit toujours rechercher une carence en protides, délétère à toutes les phases de la cicatrisation, d’autant que l’inflammation, les exsudats et les pertes importantes de substance augmentent les besoins. L’état nutritionnel doit être évalué et éventuellement corrigé.
Évaluer l’épidermisation
L’épidermisation signe théoriquement la fin des pansements. On la reconnaît à son aspect lisse, brillant, glissant au passage sous le doigt, sans hémorragie, exsudat ni croûte, mais elle doit être confirmée deux semaines plus tard. « Dans de nombreuses situations et en particulier dans les plaies très chronicisées, l’épidermisation est incertaine. L’examen visuel ne suffit pas, c’est à la palpation qu’on l’évalue en faisant glisser son doigt sur la plaie », explique le Dr Luc Téot, président de la Société française et francophone des plaies et cicatrisations.
Une mauvaise épidermisation peut être liée aux tissus sous-jacents, comme un bourgeonnement insuffisant, nécrosé ou infecté, mais aussi à tous les facteurs de retard de cicatrisation. Les plaies linéaires peuvent en outre s’élargir : sont ici en cause un terrain vasculaire déficient, un remaniement post-radique ou, en cas d’ “escarre inversée”, une pression s’exerçant de l’intérieur (poussée d’œdème ou abdomen distendu). Dans les cicatrisations de seconde intention, c’est-à-dire une plaie avec perte de substance, la mauvaise épidermisation peut être aussi liée à un sous-sol complexe (os, tendon, angiome, tumeur) ou mobile, à un excès d’humidité sur peau épaisse au niveau des plis de flexion ou à l’invagination des berges de la plaie.
Face à des difficultés d’épidermisation, on dispose de pansements NOSF (Nano-Oligo-Saccharide-Factor) qui limitent l’action des protéases, de silicone ou de tulle à mailles serrées. Mais il faut parfois recourir à des techniques plus invasives comme une greffe de peau ou de derme artificiel, voire un lambeau pour recouvrir le sous-sol.
Cicatrices hypertrophiques et chéloïdes
Le traitement des cicatrices hypertrophiques (cantonnées aux limites de la plaie initiale) et des chéloïdes (étendues au-delà de la plaie et ne guérissant pratiquement jamais spontanément) reste l’un des grands défis de la cicatrisation, avec depuis les premières recommandations de 2002 un éventail thérapeutique qui n’a cessé de s’enrichir. Depuis longtemps il existe un consensus sur l’intérêt des injections intracicatricielles de corticoïdes en première intention dans le traitement des chéloïdes et en deuxième intention dans les cicatrices hypertrophiques. Mais dans presque deux tiers des cas, elles s’accompagnent d’effets secondaires : atrophie cutanée, télangiectasies, troubles de la pigmentation, et le risque infectieux n’est pas négligeable. Pour diminuer la prolifération cellulaire, on utilise aujourd’hui de plus en plus le 5-FU ou d’autres chimiothérapies en intra-cicatriciel, seules ou en association aux corticoïdes, mais la procédure est complexe. La cryothérapie de contact se pratique depuis les années quatre-vingt, mais n’est pas toujours satisfaisante sur le plan esthétique et des récidives. Une certaine façon d’appliquer la cryothérapie en intralésionnel pourrait avoir des résultats intéressants.
Arbre décisionnel
Les lasers fractionnés au CO2 réduisent aussi significativement les cicatrices hypertrophiques et les chéloïdes. Ils peuvent être associés à des injections de corticoïdes ou de 5-FU. Autre progrès, le silicone en spray, plus facile à appliquer que les plaques. « Enfin, le traitement par TPN (thérapie par pression négative) donne des résultats meilleurs sur les cicatrices hypertrophiques que le silicone ou les injections », constate le Dr Téot. Le lipofilling, utilisé pour redonner du volume à l’affaissement d’une cicatrice, pourrait aussi être utilisé dans les cicatrisations “excessives” pour son effet trophique.
Au final, « selon l’évolution de la cicatrice, on peut dégager quelques algorithmes décisionnels », explique le Dr Sylvie Meaume, dermatologue (Paris).
Pour une prévention optimale des complications, il y a toujours la protection solaire, une bonne hydratation cutanée mais aussi, en fonction de la taille et de la localisation, les strips adhésifs dans le sens de la cicatrice et le silicone – arrêtés après trois mois si la cicatrice évolue normalement. Si elle tend à devenir hypertrophique, on renforce ces mesures en débutant la compression. Les injections intra-lésionnelles peuvent être débutées à six mois si la cicatrice est hypertrophique. En présence d’une chéloïde, on envisage le silicone dès quatre semaines, associé à la compression et aux injections intralésionnelles. Si elle persiste après un an, on peut envisager l’excision chirurgicale, éventuellement combinée à la radiothérapie ou à la cryothérapie intralésionnelle. Les patients sont souvent demandeurs d’une intervention chirurgicale assez précoce, mais elle n’est généralement envisagée qu’après un an d’évolution pour laisser aux moyens moins invasifs le temps d’agir.
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