Genre et santé

Comment vont les hommes ?

Publié le 22/06/2018
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Récemment éclipsés par la vague “me too”, les hommes sont-ils en perte de vitesse ? Pas si sûr en matière de santé. Ils gagnent trois ans d’espérance de vie depuis 2005. Pour autant, ils n’échappent pas aux stéréotypes de genre pour certaines maladies.
Comment vont les hommes ?

Comment vont les hommes ?
Crédit photo : Sonja Janson / Adobe stock

« Les hommes sont-ils obsolètes ? ». C’est sous ce titre un peu provocateur que l’essayiste Lætitia Strauch-Bonart vient de publier un livre qui questionne la place des hommes dans la société moderne occidentale et son évolution au cours du temps. À contre-pied du discours ambiant, elle défend la thèse selon laquelle le sexe fort serait de plus en plus affaibli, à l’inverse des femmes qui auraient acquis une position sans précédent. Éducation, famille, travail, etc. : elle pointe plusieurs domaines de perte de vitesse pour les hommes. La santé suit-elle le même mouvement ?

Longévité : l’écart se resserre

À première vue, les données épidémiologiques récentes permettent plutôt de répondre par la négative. Avec une espérance de vie à la naissance de 79,5 ans en 2017 (vs 85,3 pour la femme), les hommes sont certes encore à la traîne. Mais l’écart tend à se resserrer et depuis 2005, la population masculine a gagné presque trois années, là où les femmes n’en n’ont grignoté qu’une et demie.

En miroir, la mortalité régresse, avec une baisse significative pour de nombreuses maladies chroniques. Ainsi, entre 1980 et 2012, la mortalité par cancers a diminué, de façon plus marquée chez les hommes (-1,5 % par an vs -1,0 % chez les femmes), même si elle reste plus élevée chez ces messieurs (124 vs 73 pour 100 000 personnes/ années) chez qui les cancers constituent la première cause de mortalité. Depuis 2005, on observe aussi une diminution de l’incidence des cancers en population masculine.

Les résultats sont aussi spectaculaires en ce qui concerne la mortalité cardiovasculaire, grâce en grande partie au développement d’unités dédiées (USIC/UNV). À titre d’exemple, entre 2008 et 2013, la mortalité a diminué de 43,8 % chez les hommes atteints de cardiopathies ischémiques.

Les hommes déclarent aussi une espérance de vie en bonne santé meilleure que les femmes, avec en particulier moins de situations d’incapacité et de dépendance. Toutefois, ils souffrent plus souvent de pathologies sévères. Selon l’Assurance maladie, entre 65 et 75 ans, 25 % d’entre eux ont une maladie cardiovasculaire et 21 % un diabète vs 10 % et 13 % respectivement pour les femmes. Mais cette surmorbidité par rapport aux femmes semble compensée par des facteurs sociaux plus favorables (moindre solitude, plus de temps libre ou situation socio-économique meilleure).

En contrepartie, la population masculine semble avoir tendance à moins recourir aux soins. Par exemple, parmi les diabétiques, alors que les hommes représentaient 73 % des personnes amputées en 2014, « ils sont moins nombreux que les femmes à recourir aux soins podologiques alors que leur risque est plus élevé », pointait Dominique Polton, présidente de l’Institut national des données de santé. Une étude de la Drees publiée en 2010 abonde dans ce sens, avec par exemple un recours au généraliste moins fréquent qu’en population féminine.

Autre bémol : certaines pathologies spécifiques aux hommes – dysfonction érectile, HBP – restent taboues malgré une fréquence élevée. En France, on estime que 3,5 millions d’hommes souffrent de DE dont 10 % avant 50 ans. Au-delà, plus d’un sur deux souffre de troubles urinaires liés à une hypertrophie bénigne de la prostate.

Sous-diagnostics de genre

Enfin, les hommes n’échappent pas au stéréotype de genre en matière de santé. On sait par exemple que l’ostéoporose, considérée comme une spécificité féminine, est particulièrement mal prise en charge chez eux. Or, un tiers des fractures du col du fémur chez les hommes sont dues à l'ostéoporose, et le risque de deuxième fracture est aussi élevé que chez les femmes. Même chose en ce qui concerne les pathologies mentales. Selon une étude menée aux USA, la dépression est sous-estimée chez les hommes, qui rechignent à se plaindre de tristesse ou de souffrance morale, alors que si on s’intéressait à d’autres symptômes comme l’agressivité ou les conduites à risque, la prévalence serait identique. Par ailleurs, l’amélioration de la prise en charge de la dépression a été moins nette chez les hommes que chez les femmes. Et la mortalité par suicide reste plus élevée, pour un taux de tentatives inférieur.

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Le Généraliste: 2840