Comme « un tueur caché », des polluants de l'air peuvent provoquer des cancers du poumon chez des non-fumeurs via un mécanisme dévoilé samedi lors du congrès annuel de la Société européenne d'oncologie médicale (ESMO) qui se tient à Paris jusqu'au 13 septembre.
Présentes dans les gaz d’échappement, la poussière des freins des véhicules ou les fumées de combustibles fossiles, les particules fines (2,5 microns) sont soupçonnées depuis longtemps d'entretenir un lien avec le cancer du poumon. Mais « nous ne savions pas vraiment si cette pollution causait directement le cancer du poumon, ni comment »,a déclaré à l'AFP le Pr Charles Swanton de l'institut Francis-Crick, auteur principal de l'étude présenté lors du congrès.
Dans ce travail, les chercheurs ont d'abord exploré les données de plus de 460 000 habitants de Grande-Bretagne, Corée du Sud et Taiwan, et montré que l’exposition à des concentrations croissantes de particules fines était liée à un risque accru de cancer du poumon. Mais la découverte majeure est celle du mécanisme par lequel ces polluants peuvent déclencher un cancer du poumon chez des non-fumeurs.
Par des études en laboratoire sur des souris, les chercheurs ont montré que les particules provoquaient des changements dans deux gènes (EGFR et KRAS), déjà liés au cancer du poumon.
Ils ont ensuite analysé près de 250 échantillons de tissus pulmonaires humains sains, jamais exposés à des agents cancérogènes du tabac ou à une forte pollution. Des mutations du gène EGFR ont été retrouvées dans 18 % des échantillons, des altérations du KRAS dans 33 %.
Une énigme décryptée
« Seules, ces mutations ne suffisent probablement pas pour conduire au cancer. Mais lorsque vous exposez une cellule à la pollution, cela stimule probablement une sorte de réaction inflammatoire », et si « la cellule héberge une mutation, elle formera un cancer », résume le Pr Swanton. C'est un « décryptage assez déroutant du mécanisme biologique de ce qui était une énigme », reconnaît le chercheur.
Traditionnellement, on pensait que l'exposition à des facteurs cancérogènes, comme ceux de la fumée de cigarette ou de la pollution, provoquait des mutations génétiques dans les cellules, les rendant tumorales et les faisant proliférer.
Pour Suzette Delaloge, directrice du programme de prévention des cancers à l’institut Gustave-Roussy, « cette étude est un pas assez important pour la science et pour la société. Cela ouvre une grande porte pour la connaissance mais aussi pour la prévention ».
La prochaine étape sera de « comprendre pourquoi certaines cellules pulmonaires altérées deviennent cancéreuses après exposition à des polluants », selon le Pr Swanton.
D'ores et déjà, cette étude confirme, s'il en était encore besoin, que réduire la pollution de l'air est crucial également pour la santé, insistent plusieurs chercheurs.
« Nous avons le choix de fumer ou non, mais pas de l'air que nous respirons. Comme probablement cinq fois plus de personnes sont exposées à des niveaux malsains de pollution que de tabac, c'est un problème mondial majeur », a lancé le Pr Swanton. Plus de 90 % de la population mondiale est exposée à ce que l'OMS considère comme des niveaux excessifs de polluants aux particules fines.
(Avec AFP)
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