Après une version 2020 chahutée par le SARS-Cov-2, le congrès européen de pneumologie a presque retrouvé son rythme de croisière.
Tout en restant virtuelle, l’édition 2021 a été l’occasion de revenir sur l’actualité de la discipline, au-delà du Covid et de ses complications. Avec, notamment, de bonnes nouvelles pour certaines pathologies sévères.
BPCO, le traitement mini-invasif de l’emphysème marque des points
Pour les patients souffrant de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) sévère (hors déficit en alpha-1-antitrypsine), avec un phénotype emphysémateux et dont la dyspnée est insuffisamment améliorée par les thérapeutiques inhalées et la réadaptation respiratoire, la donne a changé en 2021 avec l’arrivée des premières valves endobronchiques. Après les relatifs échecs de la réduction chirurgicale du volume pulmonaire et de certaines techniques endoscopiques comme les coils (dispositifs spiralés) ou l’infusion de vapeur intrabronchique, seules les valves endobronchiques sont allées jusqu’au bout du processus. Une fois implantée, la valve unidirectionnelle bloque le flux d’air entrant en direction de la région affectée, tout en permettant à l’air et aux sécrétions piégés dans cet espace de s’en échapper. Réduire le volume de la région pulmonaire malade permet ainsi aux régions voisines plus saines de fonctionner plus efficacement, sous réserve qu’il n’y ait pas de ventilation collatérale interlobaire. Pour identifier les patients non éligibles à ce titre, des scores scanographiques ou endoscopiques ont été développés.
Une méta-analyse présentée lors du congrès et regroupant quatre essais avec les valves Zephyr (seules disponibles en France) « confirme avec un recul inférieur à 12 mois la réduction de la taille des lobes traités, et l’obtention de bénéfices importants, résume le Pr Pierre-Régis Burgel (hôpital Cochin, AP-HP), avec notamment un gain de VEMS pouvant aller jusqu’à 29 %, la réduction de l’hyperinflation, un gain au test de marche allant jusqu’à 80 m et une diminution du score au questionnaire de Saint-George indiquant une qualité de vie accrue ». Cela avec des taux de pneumothorax post-interventionnels allant de 5 à 34 % selon les publications.
Thermoplastie bronchique dans l’asthme : déjà 10 ans de recul
La thermoplastie bronchique par radiofréquences, indiquée dans l’asthme sévère, réduit de 40 à 60 % la masse musculaire lisse, d’où une diminution de l’hyperactivité bronchique, associée à une dénervation parasympathique avec un effet sur la production de mucus, et éventuellement sur le remodelage bronchique. Son impact sur l’inflammation est moins clair.
Aujourd’hui, « la thermoplastie a potentiellement une place dans le traitement de l’asthme, lorsque celui-ci n’est pas contrôlé en dépit d’un traitement optimal, comprenant les biothérapies », explique le Dr Nicolas Guibert (CHU de Toulouse). Mais, pour le moment, les recommandations sont encore prudentes (GINA 2020, ERS/ATS 2014), la thermoplastie restant une option potentielle de dernier recours réservée aux centres experts. La technique, décidée en réunion de concertation d’asthme, est alors réalisée dans le cadre d’essais cliniques ou de registres.
De nouvelles données à long terme qui viennent d’être révélées « rassurent sur la balance bénéfices-risques » et confortent l’intérêt de la thermoplastie avec, à dix ans, « une amélioration du contrôle de l’asthme et de la qualité de vie, quoique modeste, mais surtout un impact fort sur les exacerbations notamment sévères, les passages aux urgences et les hospitalisations », résume le Dr Guibert.
Pour que cette alternative thérapeutique remonte dans les algorithmes de traitement, reste encore à identifier les phénotypes répondeurs (patients jeunes et VEMS > 75 % d’après les premières études), ce qui fait l’objet de recherches académiques. En 2016, la Haute Autorité de santé (HAS) avait émis un avis favorable à son utilisation chez les patients non contrôlés après un an de traitement optimisé, que ce soit dans l’asthme à réponse immunitaire de type Th2 basse, dès lors que le traitement inhalé maximal est insuffisant (éventuellement après l’azithromycine), ou dans l’asthme à réponse immunitaire de type Th2 élevée, après échec des biothérapies.
Les patients souffrant du syndrome des apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAOS) adhérents à leur traitement par ventilation à pression positive continue (PCC) augmenteraient de 39 % leurs chances de survie à 3 ans en comparaison à ceux qui cessent de l’utiliser au cours de la première année. L’étude Alaska – dont provient ce chiffre – s’appuie sur les données de 176 000 patients, issues du Système national des données de santé (SNDS) de la Cnam et confirme tout l’enjeu de l’observance de la PPC dans le SAOS. En général, un patient sur deux délaisse la PPC dans les 3 ans. Comme le souligne le Pr Jean-Louis Pépin (service de pneumologie, CHU de Grenoble), co-investigateur de l’étude internationale, « ces données en vraie vie sont non biaisées, représentatives de l’effet d’un traitement en population générale, essentielles et complémentaires aux résultats des études randomisées déjà publiées dans le domaine du sommeil ».
Cette seconde analyse des données de l’étude Alaska portant sur la corrélation entre mortalité et non-adhésion du traitement par PPC fait suite à un premier travail publié en mars 2021 qui concernait l’impact des comorbidités sur la poursuite du traitement à long terme (BPCO, diabète, hypertension). Les taux globaux de résiliation de la PPC après 1, 2 et 3 ans étaient de 23,1, 37,1 et 47,7 %, respectivement. Les taux d’interruption du traitement étaient les plus élevés chez les patients plus jeunes ou plus âgés présentant au minimum une comorbidité. Les maladies associées aux apnées du sommeil ont donc une influence importante sur la poursuite à long terme de la PPC.
Asthme de l’enfant, la FeNO s'invite dans le diagnostic
Le surdiagnostic et le sous-diagnostic de l’asthme pédiatrique sont communs à l’ensemble des pays en dépit de guidelines variables.
Les nouvelles recommandations ERS sur le diagnostic de l’asthme chez l’enfant (5-16 ans) confirment l’importance de l’examen clinique et « insiste sur la nécessité d’une EFR chez tout enfant dont les signes cliniques font suspecter un asthme », décrypte le Dr Hervé Pegliasco, pneumologue (Hôpital européen de Marseille). Pour la première fois, elles intègrent la mesure de la FeNO (fraction expirée de monoxyde d’azote), biomarqueur reflétant l’inflammation bronchique, dans la démarche diagnostique.
Selon l’ERS, si l’EFR est pathologique, la mesure du FeNO est inutile pour affirmer le diagnostic d’asthme. En revanche, si l’EFR est normale, une mesure du FeNO est préconisée. En cas de résultats anormaux, le diagnostic est confirmé. Par contre, une mesure non contributive impose de réaliser un débit respiratoire de pointe et un test de provocation à la méthacholine (ou carbachol). Si ce dernier est positif, l’asthme est certain. Dans le cas contraire, il faut adresser l’enfant en consultation d’expert.
Si cette introduction de la mesure du FeNO dans l’arbre décisionnel est pertinente au vu de la littérature, en pratique, de nombreux pays n’y ont pas accès. En France, elle n’est pas remboursée, peu de professionnels sont équipés et, pour le moment, « la pratique est toute autre, explique le Dr Pegliasco. Lorsque la spirométrie est normale, si les signes cliniques sont patents et améliorés sous traitement, on considère que l’enfant souffre d’asthme, surtout si un traitement de fond permanent (corticoïdes inhalés) n’est pas nécessaire. En revanche, si celui-ci est indispensable, on réalise un test au carbachol. La mesure du FeNO n’est pas la démarche courante aujourd’hui, mais cet avis de l’ERS met en lumière son intérêt pour affirmer ou infirmer le diagnostic ».
Des recommandations françaises sur le diagnostic de l’asthme sont attendues prochainement.
Fibrose pulmonaire idiopathique, une nouvelle voie thérapeutique
En 2021, seulement deux médicaments sont disponibles dans la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) (nintédanib et pirfénidone). Tous deux ralentissent la progression de la maladie sans pour autant la stopper. Une nouvelle voie thérapeutique se dégage, celle des antagonistes des récepteurs couplés aux protéines G (RCPG), et en particulier le RCPG 84, une molécule de signalisation impliquée dans la fibrose pulmonaire et rénale. L’un de ces candidats, l’antagoniste RCPG 1205, a été testé dans une phase 2 dans neuf pays. « La diminution de la capacité vitale forcée était moindre dans le groupe traité par RCPG 1205, livre le Pr Vincent Cottin, pneumologue coordonnateur du Centre de référence des maladies pulmonaires rares (CHU Lyon), pour un volume pulmonaire quasiment stable au scanner. Un signal vis-à-vis des effets indésirables, en cours d’investigation, a mis fin au développement du RCPG 1205, mais la voie du RCPG 84 est si prometteuse que d’autres molécules prennent le relais, dotées d’une meilleure tolérance. »
D’autres études dans la FPI portaient sur deux événements majeurs plutôt fréquents et potentiellement graves : les exacerbations (50 % des patients à 3 ans) et le cancer du poumon. L’étude Exafip a cherché à voir si le cyclophosphamide IV en plus de la corticothérapie habituelle réduisait la mortalité induite par les exacerbations. Le résultat est sans appel avec 45 % de mortalité à 3 mois vs 31 % dans le groupe placebo. « L’hypothèse serait que l’immunosuppresseur constitue une agression supplémentaire envers l’épithélium pulmonaire, explique Vincent Cottin. On savait déjà que le cyclophosphamide était à éviter en phase chronique, c’est maintenant malheureusement confirmé en phase d’exacerbation aiguë. D’ailleurs, l’intérêt même de la corticothérapie lors des exacerbations fait débat ». Une étude du réseau OrphaLung est en préparation sur ce point.
Autre complication grave et relativement fréquente dans la FPI : le cancer du poumon. Une première étude d’envergure, européenne, rétrospective, a chiffré ce risque dans une cohorte de 3 178 patients. La prévalence du cancer du poumon en cas de FPI était de 10,2 %. « Il faut donc être vigilant, indique le Pr Cottin. Le protocole national de diagnostic et de soins sur la FPI de 2021 préconise d’ailleurs un scanner annuel en cas de FPI. »
Onze septembre, des séquelles pulmonaires 20 ans après
Le risque environnemental, prépondérant dans les maladies respiratoires, faisait l’objet d’une session dédiée du congrès. Dans la BPCO, parmi les études présentées, l’une des plus importantes sur le sujet s’est intéressée de façon rétrospective à l’impact pulmonaire des particules inhalées par les secouristes intervenus sur le site du World Trade Center lors des attentats du 11 septembre. Elle confirme l’effet délétère d’une exposition professionnelle à des fumées et poussières inhalées. Vingt ans après les attaques, des BPCO commencent à apparaître parmi les 18 000 personnes exposées. Selon les calculs ajustés, le risque est 30 % plus important chez ceux dépêchés sur site dans les deux premiers jours. 40 % de ceux ayant une BPCO avaient aussi un asthme (chevauchement asthme-BPCO : ACO).
Selon une autre étude observationnelle rétrospective anglaise, un environnement de travail plus ordinaire, apparemment sans danger, peut aussi être délétère et déclencher, par exemple, de l’asthme professionnel chez certains employés de bureau. Les toners d’imprimantes et de photocopieuses semblent être les déclencheurs les plus fréquents, devant les acrylates des revêtements de sol, les moisissures et les agents nettoyants, les systèmes de ventilation défaillants ou non entretenus, ainsi que l’environnement extérieur immédiat (ateliers, peintures, gaz d’échappement).
Covid-19 : un tiers des patients restent essoufflés 3 mois après l’infection
Sans surprise, de nombreuses études présentées à l’ERS portaient sur le Covid-19. Une étude observationnelle (150 000 patients au sein d’un registre suédois, dont plus de 800 cas graves) a identifié plusieurs facteurs associés à une forme grave de Covid-19 chez les patients asthmatiques. De façon classique, on retrouve l’âge avancé, le sexe masculin, un faible niveau d’éducation, l’obésité, mais aussi un VEMS diminué et un asthme non contrôlé (score ACT inférieur à 19 chez 45,9 % contre 30,7 %). Que les patients soient asthmatiques ou non, trois mois après l’infection au Covid-19, 33 % des patients signalent un essoufflement persistant et la moitié ont une limitation fonctionnelle. Parmi les causes physiologiques cardiorespiratoires de l’essoufflement persistant chez ces patients figurerait une capacité aérobie réduite. La force des muscles respiratoires semble normale, sans limitation du débit expiratoire de pointe. Les deux tiers des patients désaturaient à l’effort.
En bref
Surveiller la respiration pour repérer le risque de mort subite Selon l’analyse d’un registre suédois portant sur plus de 28 000 personnes, les individus d’âge mûr ayant une fonction pulmonaire même modestement altérée présentent un risque accru de mort subite cardiaque.
Grossesse : quand la mère bouge, l’enfant respire Pour la première fois, une étude montre que la fonction pulmonaire des bébés de trois mois est significativement meilleure chez ceux dont la mère pratiquait une activité physique lors de la grossesse. Les enfants seront suivis, afin d’étudier l’apparition d’un asthme ou de maladies respiratoires, suspectées d’être plus fréquentes en cas de fonction pulmonaire réduite.
Vapoter de la nicotine, aussi néfaste que la fumer ? Selon une petite étude randomisée conduite sur 22 volontaires, les effets délétères de la nicotine vis-à-vis de l’activité thrombotique et de la microcirculation peuvent aussi être observés chez des personnes utilisant des cigarettes électroniques. Pour le Pr Jonathan Grigg, de l’ERS, « cette étude s’ajoute à un ensemble de données probantes décrivant les effets nocifs des cigarettes électroniques ».
Chaleur et BPCO ne font pas bon ménage Des chercheurs ont confirmé que les conditions météorologiques pouvaient impacter les symptômes de BPCO, ce que l’on soupçonnait depuis longtemps. Précisément, chaque augmentation d’un degré Celsius de la température ambiante semble associée à une élévation de 2 % de la probabilité d’aggravation du tableau clinique de la BPCO au bout de deux jours.
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation
Manger du poisson ralentit la progression de la sclérose en plaques