La question des variants a été mise sur le devant de la scène avec le SARS-CoV-2 mais la problématique n’est pas nouvelle…
Dr Christophe Rodriguez : En virologie, l’émergence de variants est en effet un phénomène extrêmement fréquent. En se reproduisant, les virus créent des mutations de façon aléatoire et vont ensuite être confrontés au milieu extérieur. Certains vont réussir à se reproduire correctement et vont donc transmettre ces mutations aux générations suivantes. D’autres ne parviendront pas à se répliquer du fait de mutations moins avantageuses qui ne seront donc pas sélectionnées.
C’est un processus bien connu, par exemple pour le VIH. Dans ce cas, la problématique ne s’est pas exprimée vis-à-vis des vaccins puisqu’on n’en a pas, mais vis-à-vis des médicaments avec l’émergence de résistances, ce qui a conduit à multiplier les médicaments.
Concernant le SARS-CoV-2, comment expliquer cette émergence soudaine de variants ?
Dr C. R. : Je ne pense pas que l’explosion actuelle soit le résultat de la vaccination car c’est un peu tôt. À mon avis, cela est plutôt lié au fait qu’une proportion importante de la population commence à être immunisée naturellement, ce qui favorise la sélection de nouveaux virus capables de circuler même chez des patients déjà infectés.
Les variants qui émergent sont donc ceux qui présentent des mutations codant pour la protéine Spike, laquelle est la principale cible de l’immunité et des anticorps.
Que peut-on dire aujourd’hui des compétences des différents variants en circulation ? Sont-ils vraiment plus performants que les virus d’origine ?
Dr C. R. : Que ce soit en termes de diffusion ou de gravité, rien n’a encore vraiment été démontré cliniquement. Cela est difficile à mettre en évidence car il y a énormément de facteurs confondants et à ce stade, la gravité semble plutôt liée à des facteurs individuels (comorbidités, génétique). Même pour le variant britannique, la démonstration de sa plus grande transmissibilité n’a pas été faite de façon formelle. On constate qu’il s’installe mieux que d’autres mais on ne sait pas si c’est parce qu’il se réplique mieux, qu’il passe mieux l’immunité, qu’il se transmet mieux… Ce ne sont que des hypothèses. Et même in vitro, les taux de transmissibilité retrouvés sont à peine plus élevés et ne sont pas de nature à expliquer très clairement l’installation très forte de ce variant. Je pense qu’il y a d’autres facteurs qui jouent.
Pour le moment, la seule chose que l’on peut dire est qu’il y a certaines mutations qui semblent conférer un avantage au virus chez des patients infectés ou vaccinés. C’est le cas notamment de la mutation 484K, présente chez les variants sud-africain et brésilien et qui commence à émerger chez le variant anglais. Il a été montré que cette mutation, qui modifie la forme de la protéine Spike, confère une moins bonne sensibilité aux anticorps monoclonaux et à certains vaccins. Dans notre hôpital, on voit d'ailleurs pas mal de réinfections chez des patients déjà infectés ou vaccinés mais c'est vrai que nous avons un biais... À l’avenir, pour contourner cette problématique, la solution sera sans doute de proposer des vaccins polyvalents ciblant plusieurs souches du virus.
Que penser, alors, des craintes concernant la gravité du variant brésilien ?
Dr C. R. : Actuellement en France, les chiffres ne montrent aucune progression de ce variant en particulier. La situation sanitaire au Brésil permet en revanche une circulation active du virus et le développement de nouveaux variants qui ne sont peut-être pas présents en France. Plus que le variant brésilien, c’est plutôt une introduction de nouveaux variants que le gouvernement cherche à éviter en limitant la circulation des personnes.
Doit-on s’attendre à voir émerger régulièrement d’autres variants ?
Dr C. R. : Dans le cadre de la surveillance, on découvre toutes les semaines plusieurs nouveaux variants, mais la plupart s’éteignent aussi vite qu’ils sont apparus.
Contrairement à la grippe ou au VIH, les coronavirus sont jugés globalement peu variables. Ce n’est pas leur mode d’échappement. Ce sont plutôt des virus qui ont de faibles tropismes pour une espèce donnée et perdurent en passant d’une espèce à l’autre.
Par ailleurs, une mutation a aussi un coût pour un virus, avec souvent un impact négatif pour le virus. De ce fait, le nombre de solutions que le virus a pour muter n’est pas illimité. Donc, à terme, il est très probable qu’on gagne cette bataille contre le coronavirus lorsqu’il aura fait le tour des solutions qui restent viables pour lui.
*CHU Henri-Mondor (Créteil) Virologie Dpt de microbiologie, Responsable Plateforme Génomique, INSERM U955 Eq18
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