La perte olfactive chez les seniors est associée à une hausse de la mortalité, qui s’accentue avec la sévérité de l’hyposmie ; un phénomène prononcé dans les maladies neurodégénératives, met en évidence une étude suédoise publiée dans le Jama Otolaryngology – Head & Neck Surgery.
Divers travaux ont déjà démontré que la perte de certains sens (audition, vue) était associée à un surrisque de développer une démence, voire des maladies cardiovasculaires. D’autres ont établi des liens entre les déficits olfactifs et plusieurs maladies chroniques (hypertension, diabète, maladies cardiovasculaires…). Les chercheurs suédois ont exploré plus en détail la relation entre hyposmie, mortalité et causes spécifiques de décès. Ils ont, pour ce faire, mesuré la fonction olfactive de plus de 2 500 patients âgés de 60 à 99 ans (72 en moyenne à l’inclusion), à l’aide d’un test d’identification d’odeurs comprenant 16 fragrances présentées pendant cinq secondes. Puis ils ont observé le taux de décès à six et 12 ans après l’inclusion.
Pour chaque odeur non reconnue, 6 % de mortalité supplémentaire
Au cours de la période, 445 participants, soit 17,6 %, sont décédés dans les six ans suivant l’inclusion et 969 (38,4 %) dans les 12 ans. À six ans, 221 (8,8 %) ont développé une démence, et parmi eux, 87 sont morts. À 12 ans, ils étaient 369 à développer une démence (14,6 %) : 126 décès sont recensés.
La performance de référence moyenne d’identification d’odeurs, par rapport aux survivants, était 2,34 points inférieure chez les patients décédés à six ans et 2,33 points inférieure pour ceux morts à 12 ans. L’anosmie était associée à une augmentation de la mortalité respectivement de 68 % et 67 % à six et 12 ans et l’hyposmie, de 23 % et 22 %.
À chaque erreur supplémentaire sur le test d’identification d’odeur, le risque de mortalité toute cause augmentait de 6 % à six ans et 5 % à 12 ans. Ainsi, un score de 10 items reconnus sur les 16 correspond à une augmentation du risque de 42 % à six ans et 34 % à 12 ans.
Un risque plus élevé chez les porteurs du gène ApoE ε4
Uniquement à six ans post-inclusion, être porteur de l’allèle ApoE ε4 augmentait le risque de mortalité de 12 % pour chaque item du test olfactif non reconnu. L’absence de surrisque à 12 ans pour cette catégorie de patients, pourrait s’expliquer par une meilleure résilience, une progression plus lente de la maladie ou un éloignement temporel plus important du test olfactif initial « pouvant atténuer l’influence de l’incidence des démences sur la mortalité observée dans la première période. »
Le risque de mortalité associé à une hyposmie ou une anosmie varie en fonction de la cause spécifique du décès. Pour une mort liée à des troubles neurodégénératifs, on retrouve un hazard ratio (HR) de 1,28 à six ans et 1,19 à 12 ans. Par exemple, pour un score de 10 odeurs reconnues sur 16 : le risque de décès est augmenté de 340 % à six ans (HR = 4,30) et de 184 % à 12 ans (HR = 2,84). L’association est bien plus faible pour la mortalité respiratoire et cardiovasculaire (respectivement, HR = 1,11 à six ans et 1,06 à 12 ans ; 1,07 et 1,04). Pour le même exemple de score (10/16 odeurs reconnues), les risques de décès de cause respiratoire et cardiovasculaire seraient respectivement augmentés de 87 et 42 % à six ans ; 50 et 34 % à 12 ans.
Un lien fort entre olfaction, démence, malnutrition et fragilité
Les déterminants les plus significatifs du décès à six ans associés à un mauvais score olfactif étaient : la démence (23 % d’association totale), la fragilité (11 %) et la malnutrition (5 %). Dans la seconde période, seule la fragilité reste un facteur confondant (9 %).
Dans un commentaire publié dans le même journal, le Dr Nicholas R. Rowan appuie l’importance de l’étude dans un contexte de vieillissement « dramatique » de la population. « L’olfaction semble être un unique “canari dans une mine de charbon” », avec une « meilleure valeur prédictive que les autres déficits sensoriels », indique-t-il. Ainsi l’olfaction serait « un marqueur sentinelle d’un déclin systémique, notamment parce qu’elle impose des limitations physiques minimales comparé aux autres pertes de sens ».
Le Dr Rowan déplore la faible utilisation de ces outils en pratique clinique lors de bilans gériatriques, ce « malgré des preuves convaincantes. » Il souligne notamment l’intérêt de ce test non invasif et peu coûteux. « Même si les interventions thérapeutiques pour l’hyposmie sont limitées, une identification précoce pourrait ouvrir la voie à des mesures proactives dont un soutien nutritionnel, un suivi cognitif et des interventions ciblant la fragilité. » Et d’inviter à renforcer la sensibilisation autour des tests de fonction olfactive.
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