Plus de 6 millions de frottis sont réalisés chaque année en France. Ce chiffre augmentera certainement quand le dépistage organisé du cancer du col de l’utérus se mettra en place d’ici quelques semaines, tel que décidé par le dernier plan cancer. Le but est de proposer un dépistage régulier aux 40 % des femmes âgées de 25 à 65 ans qui y échappent actuellement.
Au 41e congrès national de la Société française de colposcopie et de pathologie cervico-vaginale (SFCPCV) (19 et 20 janvier), les spécialistes ont rappelé que les prises en charge de ces anomalies sont trop souvent inappropriées, ne correspondant pas toujours aux recommandations de l’INCa de décembre 2016.
Dans la pratique, en cas d’anomalie avérée d’un frottis, une colposcopie est envisagée. En fonction de cet examen, une biopsie peut être pratiquée. « Or, à chacune des étapes, de l’examen du col à la biopsie, jusqu’à une éventuelle conisation, un risque d’erreur de prise en charge est possible : soit par défaut (sous-traitement), soit par excès (sur-traitement) », explique le Dr Jean-Luc Mergui, gynécologue, responsable de l’unité colposcopie, hystéroscopie de l’hôpital Pitié-Salpêtrière (AP-HP).
Le sur-traitement peut avoir des conséquences majeures, surtout chez les femmes en désir d’enfant. Après une conisation chirurgicale, « le risque d’accouchement prématuré est multiplié par 2,59 ; de petit poids de naissance multiplié par 2,53 ; et de mortalité périnatale multiplié par 1,89 », précise le Dr Mergui.
Or, d’après une étude de 2004 (PMSI-MCO), sur environ 25 000 conisations effectuées chaque année en France, plus de 8 000 étaient réalisées pour des lésions de bas grade ne nécessitant pas de traitement. Très souvent, une simple surveillance suffit. Plus récemment, « des chiffres de 2015 montrent que 30 % des conisations sont effectuées pour des lésions cervicales qui en réalité ne le méritent pas », argumente le Dr Mergui. En septembre 2017, le Collège national des généralistes enseignants avait aussi mis en garde sur « les risques liés au dépistage et au sur-traitement potentiellement induit ».
La charte qualité
Lors de leur 41e congrès, les spécialistes de la SFCPCV ont insisté sur l’existence de la charte qualité en colposcopie mise en place en France depuis 2010. « Actuellement, sur notre territoire, environ 220 praticiens en sont membres, essentiellement des gynécologues, mais aussi 10 % de généralistes », explique le Dr Jacques Marchetta, gynécologue au CHU d’Angers et coordonnateur de cette charte. Y adhérer signifie que les praticiens ont commencé par un DU spécifique, et répondent aux exigences de formation continue et de pratiques de la charte, dont au moins 50 colposcopies par an et 30 actes thérapeutiques. L’adhésion dure trois ans et peut être renouvelée. Cette charte qualité a été mise en place dans de nombreux pays européens, l’Angleterre ayant été le premier. En 2012, une étude britannique parue dans le BMJ a d’ailleurs montré la pertinence de ce type de démarche : en cas de conisation effectuée par des médecins accrédités pour pratiquer colposcopie et conisation, le risque d’accouchements prématurés ne croît pas.
« Aujourd’hui, nous cherchons à faire connaître davantage cette charte qualité pour recueillir plus d’adhèrents, et pour que des praticiens adressent plus souvent les patientes concernées à ces spécialistes », explique le Dr Marchetta. « Pour améliorer cette prise en charge, une mesure optimale mais extrême serait que seuls les médecins adhérant à cette charte soient habilités à effectuer une colposcopie et un éventuel geste thérapeutique. Cela se fait déjà pour d’autres pratiques, comme pour la chirurgie des cancers gynécologiques. »
Les critères qualité de la #colposcopie sont en place. Congrès de SFCPCV. Intw Dr Jacques Marchetta pic.twitter.com/KdjMgMdAiI
— Le Généraliste (@LeGene_hebdo) 18 janvier 2018
Le remboursement du test HPV non conforme aux recommandations
Contrairement aux recommandations de l’Institut national du cancer (INCa) de décembre 2016 sur la « conduite à tenir devant une femme ayant une cytologie cervico-utérine anormale », la SFCPCV regrette que l’Assurance maladie ne rembourse le test HPV que dans un seul cas : suite à une cytologie ASC-US. Or, ce test est recommandé dans d’autres situations. Il est notamment préconisé entre 6 à 12 mois après une conisation effectuée en cas de lésion cytologique de haut grade ; ainsi qu’en cas d’anomalie des cellules glandulaires (cytologie AGC).
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