Surpoids, sédentarité, histoire familiale de diabète, précarité, etc.. Certains facteurs de risque augmentent fortement le risque de diabète ultérieur (voir encadré). Par exemple, le risque pour une personne obèse ou en surpoids est 3 à 5 fois plus élevé qu’une personne de corpulence normale. Et en l’absence d’intervention, 5 à 10 % des sujets prédiabétiques (glycémie à jeun entre 1,10 g-1,26 g ou HGPO pathologique) progressent chaque année vers un diabète de type 2 (DT2). D’où un intérêt de plus en plus marqué pour la prévention primaire.
Mesures hygiéno-diététiques, des bénéfices démontrés
Concernant les mesures hygiéno-diététiques « les résultats des essais de prévention sont concordants et apportent des arguments forts en faveur de la possibilité de prévenir ou de retarder la survenue d’un diabète de type 2 chez des sujets à haut risque » stipule la HAS. Les données pointent surtout l’intérêt d’une activité physique régulière, d’une alimentation variée et équilibrée et d’une perte de poids modérée en cas de surpoids.
Dans le prédiabète, « le bénéfice de modifications intensives de l’hygiène de vie, combinant une prise en charge diététique personnalisée et une activité physique régulière, permettant une perte de poids moyenne de 5 %, a été clairement démontré », appuie le Pr Bernard Bauduceau (Saint-mandé). Dans les grands essais cliniques internationaux, ce type d’approche réduit l’évolution vers un diabète de type 2 de 58 % des cas dans l’étude américaine DPP (Diabetes Prevention Program) à 63 % dans l’étude suédoise dite « de Malmö ».
Ces résultats ont inspiré la mise en œuvre d’expérimentations de prévention primaire du diabète dans plusieurs pays. En France, la Cnam vient de lancer un programme baptisé « Dites non au diabète » à destination des patients prédiabétiques (lire page suivante).
Si les bénéfices des mesures hygiéno-diététiques sont clairs, toute la difficulté est d’arriver à motiver les personnes à risques sur la durée. Le suivi au long cours de l’étude DPP chez des sujets prédiabétiques, a ainsi montré qu’avec les années les bénéfices des interventions intensives sur le style de vie tendent à s’amender (-27 %).
Chimiprophylaxie et chirurgie
Des tentatives médicamenteuses pour prévenir le diabète chez les individus à risque ont été conduites. Mais la prescription d’antidiabétiques dès le stade de prédiabète n’est absolument pas à l’ordre du jour. À ce titre, la metformine s’est montrée efficace avec une diminution du risque de survenue d’un DT2 de 30 % à 3 ans dans l’étude DPP. Dans l’étude chinoise ACE parue en 2017, une diminution de 18 % des nouveaux cas de diabète à 5 ans est observée grâce à l’acarbose. Dans l’essai Origin (2012), l’insuline basale glargine retardait de 28 % la progression du prédiabète vers le DT2. Le liraglutide, un analogue du GLP-1, réduirait la survenue du diabète de plus de 60 % à 56 semaines. Quant aux glitazones, qui ne sont plus utilisées dans de nombreux pays, elles limitent de 60 à 70 % le risque de diabète (études Dream et Act now).
Malgré des résultats parfois spectaculaires, la chirurgie bariatrique ne peut pas être envisagée comme un moyen de prévention primaire du diabète sauf chez les patients présentant une obésité morbide (IMC>40 kg/m2) qui entrent dans le cadre de l’indication générale. Dans cette population, la chirurgie bariatrique permet de réduire le risque de survenue d’un DT2 comme le montre l’étude swedish obesity study où le diabète est deux fois moins prévalent dans le groupe chirurgie, 15 ans après celle-ci, que chez les sujets non opérés. « Chez une personne en simple surpoids et non diabétique, la chirurgie est aussi en mesure de prévenir l’apparition du diabète, explique le Pr François Pattou (CHRU de Lille), mais opérer une personne atteinte d’obésité modérée (plus de 15 % de la population) et non encore diabétique dans le seul but de prévenir un potentiel diabète ne paraît pas légitime ».
Épigénétique et vaccins thérapeutiques
Même s’il ne s’agit pour le moment que d’une voie de recherche, l’épigénétique ouvre aussi des espoirs de prévention. Il a été montré, que l’environnement (intra-utérin, alimentation, sédentarité, obésité etc.) influence l’expression des gènes y compris ceux intervenant dans le diabète. « L’exposition fœtale à l’hyperglycémie maternelle est associée à une diminution de l’insulinosécrétion à l’âge adulte – et donc probablement à un risque accru de diabète de type 2 – du fait de modifications de méthylations globales du génome, explique le Pr Jean-François Gautier (hôpital Lariboisière, Paris). En fait, nous pensons que l’environnement est capable d’induire des modifications biochimiques des histones, ces protéines sur lesquelles s’« enroule » l’ADN formant la chromatine ». Lorsqu’elles touchent les gènes de l’inflammation, ces modifications sont associées à une surexpression de ceux-ci. Avec à la clef une inflammation chronique délétère pour les cellules pancréatiques et la sécrétion d’insuline. L’idée serait donc d’intervenir non pas sur les gênes mais sur les mécanismes enzymatiques épigénétiques qui modifient leur expression, via l’utilisation d’inhibiteurs ou d’activateurs enzymatiques. Reste à montrer que l’utilisation de ces Epidrug, diminue l’inflammation chronique et donc la survenue de diabète.
D’autres chercheurs s’intéressent au microbiote intestinal. On sait en effet que certaines perturbations de la flore digestive (ou dysbioses) peuvent induire une inflammation métabolique au niveau des tissus adipeux, hépatiques, musculaires et pancréatiques via l’augmentation du phénomène de translocation de fragments bactériens (ou antigènes bactériens) du fait d’une perméabilité intestinale accrue. Une fois dans les tissus, ces antigènes bactériens déclenchent une réaction immunitaire anormale, et un blocage des fonctions tissulaires à l’origine d’une insulinorésistance, d’un défaut de sécrétion d’insuline, d’une stéatose hépatique non alcoolique, etc. D’où le concept de vaccin thérapeutique développé par l’équipe du Pr Rémy Burcelin (Toulouse), pionnière dans ce domaine. L’idée est de stimuler le système immunitaire du patient afin de renforcer l’immunité intestinale et lui permettre de contrôler la translocation bactérienne évitant ainsi le passage d’antigènes bactériens dans les tissus. À cette intention, les chercheurs vaccinent en injectant en sous-cutané ou intra-musculaire une « soupe probiotique ». Chez des souris saines vaccinées, soumises 45 jours plus tard à un régime fortement diabétogène, cette approche a permis d’éviter le développement d’une hyperglycémie ou d’en réduire fortement l’intensité. Le prochain challenge sera d’identifier précisément les antigènes bactériens impliqués.
« Dites non au diabète », la Cnam s’engage
C’est un programme ambitieux et à grande échelle de prévention primaire du diabète de type 2, « Dites non au diabète », que la Cnam a lancé le 23 avril dernier avec le soutien du ministère de la Santé. Les objectifs attendus sont la baisse ou la stabilisation de l’incidence du diabète de type 2, le recul de l’âge d’entrée dans la maladie et la baisse ou le retard d’apparition de ses complications. Le programme s’adresse aux sujets âgés de 45 à 70 ans, non diabétiques mais prédiabétiques à savoir porteurs d’une glycémie à jeun entre 1,10 et 1,26 g/L, en surpoids (IMC ≥ 25 kg/m2), assurés du régime général, de la MSA et des Indépendants. Les femmes ayant eu un diabète gestationnel sont éligibles au programme dès l’âgé de 35 ans en métropole. On estime à 2 millions le nombre de sujets prédiabétiques en France. Trois territoires choisis pour leur forte prévalence de diabète sont le lieu de cette expérimentation : le Bas-Rhin, la Seine-Saint-Denis et la Réunion. Au médecin traitant de repérer les patients et de l’inscrire au projet. Cinq opérateurs sont chargés de dispenser les séances prévues par ce programme intensif (15 heures sur 9 à 12 mois puis maintien des acquis l’année suivante). L’objectif est d’amener le participant à modifier ses habitudes de vie en modifiant son alimentation (plus de fibres, moins de lipides, de graisses saturées et de sucre), en augmentant son temps d’activité physique à au moins 30 minutes, 5 jours par semaine. Avec au final une perte de poids de 5 %. « La participation au programme est intégralement prise en charge par l’Assurance Maladie et elle est basée sur le volontariat. Nous comptons beaucoup sur le médecin traitant qui est comme un acteur central du dispositif par son rôle de repérage, explique le Dr Pierre Gabach (responsable du département des prestations et des maladies chroniques-Assurance Maladie). Il a aussi pour charge d’assurer le suivi des patients, indispensable à l’évaluation finale de l’efficacité du programme.” Dès le début des années 2000, de grands essais cliniques chez des personnes prédiabétiques ont démontré un impact significatif des modifications de mode de vie sur l’apparition du diabète. Cet impact était même supérieur à celui entraîné par la prise de médicaments. Suite à ces essais, des expériences nationales ont été développées en Finlande, en Australie et aux États-Unis ; l’Angleterre s’y est mise aussi. Chez nous résultats attendus pour dans 5 ans.
Dr L.S.
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