Peut-on inverser la tendance en matière de diabète de type 2 (DT2) et permettre à certains patients de s’affranchir de traitement au long cours ? Si, pour le moment, cette pratique n’est pas à l’ordre du jour et ne figure dans aucun algorithme thérapeutique, l’idée commence à faire son chemin dans la communauté scientifique, portée par les nouvelles possibilités thérapeutiques.
Un consensus dédié
En témoigne le récent consensus international entièrement dédié à la rémission du DT2. Corédigé entre autres par l’Association américaine du diabète (ADA) et l’Association européenne pour l’étude du diabète (EASD) et présenté pour la première fois en septembre lors du congrès européen sur le diabète, le texte constate en préambule qu’« une amélioration de la glycémie dans la zone cible peut survenir chez certaines personnes vivant avec le diabète, soit spontanément, soit après des interventions médicales et, dans certains cas, peut persister après l’arrêt de la pharmacothérapie hypoglycémiante ». Et qu’« une telle amélioration soutenue peut maintenant se produire plus souvent en raison de nouvelles formes de traitement ».
Les auteurs entérinent donc le terme de rémission pour décrire une amélioration métabolique soutenue du DT2 et posent les jalons d’un suivi à long terme de ces ex-diabétiques, exposés au risque fréquent de récidive et à la mémoire métabolique. La rémission est ainsi définie par une HbA1c inférieure à 6,5 % (48 mmol/mol) mesurée au moins trois mois après l’arrêt de toute pharmacothérapie hypoglycémiante.
Selon la littérature scientifique, la restauration du contrôle glycémique est possible au moyen d’une insulinothérapie intensive précoce, et peut également être obtenue avec les agonistes des récepteurs du glucagon-like peptide-1 (GLP-1) et les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose (iSGLT-2), sans réel risque hypoglycémique. Des modifications comportementales, principalement liées à la nutrition, à la dépense énergétique et à la gestion du poids, sont aussi susceptibles de restaurer des niveaux de glucose presque normaux pendant de longues périodes, peut-on lire dans le consensus. Quant aux interventions chirurgicales ou entérales, elles induisent une perte de poids et une amélioration supplémentaire du contrôle métabolique pendant des périodes prolongées, de cinq ans ou plus. C’est d’ailleurs l’un des arguments de la Haute Autorité de santé, qui vient d’autoriser la chirurgie métabolique en cas de DT2 associé à une obésité de grade I lorsque les objectifs glycémiques ne sont pas atteints, malgré une prise en charge médicale d’au moins douze mois. Selon l’autorité, l’intervention multiplie par trois et deux au minimum les chances de présenter une rémission du DT2, respectivement à 24 et 36 mois, par comparaison à un suivi médical classique. Les rémissions du DT2 sont observées à trois ans dans 30 à 40 % des cas.
De plus, les interventions chirurgicales ou médicamenteuses, voire hygiénodiététiques, permettent souvent une récupération partielle mais potentielle de l’insulinosécrétion et de la sensibilité à l’insuline.
Une fenêtre de tir étroite
La fenêtre de tir pour espérer une rémission est cependant très étroite, à savoir dans les deux premières années suivant le diagnostic. Autrement dit, cela impliquerait de penser « rémission » dès la découverte du diabète et de mettre rapidement en œuvre tous les moyens pour obtenir une normalisation.
Une démarche loin des pratiques actuelles, reconnaît le Pr Jean-François Gautier, président de la Société francophone du diabète (SFD), « car nous persistons dans une stratégie d’empilement de molécules plutôt que de penser à s’en passer. Mais la rémission est une réflexion que nous allons devoir mener à la SFD ». Le mouvement est en marche. Et pour le Dr Rémy Boussageon, en charge de la thématique « diabète » au Collège de la médecine générale, « tout comme la prévention du DT2, la rémission devrait être un objectif capital en médecine générale ! ».
Rémission n’est pas guérison
Les experts internationaux mettent toutefois en garde : si le terme de rémission est préféré à celui de guérison, c’est qu’une surveillance à vie est indispensable, avec un dosage de l’HbA1c idéalement trimestriel, au moins annuel. Car, dans les faits, l’hyperglycémie se reproduit fréquemment, principalement du fait de la reprise de poids. Par ailleurs, la « mémoire métabolique » existe, traduisant les effets nocifs persistants d’une hyperglycémie antérieure dans divers tissus (risque accru de rétinopathie, néphropathie, neuropathie et maladie cardiovasculaire). D’où un dépistage rétinien régulier, ainsi qu’une évaluation de la fonction rénale, un suivi podologique et une mesure de la pression artérielle et du poids.
Autre bémol : « Alors que moins de 50 % des diabétiques de type 2 sont aux objectifs glycémiques, parler de rémission est-il un bon message à faire passer ?, s’interroge le Pr Gautier. Attention en tout cas à la manière de présenter la rémission afin qu’elle ne s’associe pas à un relâchement de la surveillance ».
Par ailleurs, « la modification des règles hygiénodiététiques qui sous-tendent une possible rémission ne se décrète pas, avertit le Dr Rémy Boussageon. La complexité des processus psychologique et cognitif impliqués, faisant appel aux capacités cognitives et émotionnelles du patient, est considérable. Et les inégalités en matière sociale, d’éducation, de culture jouent beaucoup dans cette capacité à remettre l’ensemble de ces règles de vie en question. C’est pourquoi l’accompagnement au long cours par le généraliste est essentiel mais requiert une formation à l’entretien motivationnel, ainsi que du temps de consultation. »
Entred 3, des raisons d’être optimiste ?
À l’occasion de la Journée mondiale du diabète du 14 novembre, le BEH publie les premiers résultats de l’étude Entred 3. Comme les éditions précédentes, cette enquête portant sur 2019 avait pour objectif de décrire les caractéristiques des personnes présentant un DT2 ou un DT1 et leur état de santé.
Concernant le DT2, les premières données montrent que la population concernée a vieilli, avec un âge moyen de 67 ans en 2019 vs 65 ans en 2007. De même, l’ancienneté médiane du diabète (11 ans) a augmenté de deux ans. Ce constat « est probablement le reflet de la diminution de l’incidence du diabète observée en France combinée à une diminution du taux de mortalité, avec un allongement de l’espérance de vie des personnes ayant un diabète », analyse le BEH.
Autre point plutôt positif, même s’il demande à être confirmé : la légère baisse observée, par rapport à 2007, dans la fréquence des complications autodéclarées par les patients (complication coronarienne 19 %, AVC 7,8 %, perte de la vue d’un œil 3,2 %, mal perforant plantaire actif ou ancien 6,7 %). En revanche, « l’obésité et le tabagisme restent à un niveau très élevé parmi les personnes DT2 », alerte le BEH.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation