Les femmes souffrant de troubles dépressifs qui ont acheté des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) au moins deux fois durant leur grossesse, voient leur risque d’avoir un enfant souffrant de troubles du langage s’accroître. C’est ce que suggère une étude américaine publiée dans JAMA psychiatry le 12 octobre. Bien sûr ces travaux demeurent observationnels et des recherches complémentaires sont nécessaires avant d’établir des conclusions au vu des implications cliniques.
Des doutes déjà présents sur l'impact des ISRS sur le fœtus
Alors que l’usage de ces antidépresseurs pendant la gestation augmente (la prévalence a été récemment estimée entre 4 et 10 % aux États-Unis), des doutes subsistent sur la possible dangerosité de ces médicaments pour le fœtus. En effet, ces substances traversent le placenta et peuvent entrer dans sa circulation sanguine. Or, des observations incitent à penser qu’elles auraient des effets néfastes sur le futur bébé.
En 2015, une étude du BMJ avait révélé que si certains ISRS étaient potentiellement tératogènes (fluoxétine et paroxétine) aucun sur risque supplémentaire n’a été découvert pour d’autres. La même année, une étude observationnelle québécoise parue dans JAMA pediatrics montrait que la prise de ce type de médicaments pendant des étapes cruciales de la grossesse provoquerait des risques accrus de souffrir d’autisme pour l’enfant à naître. Cependant en France, selon le Centre de Référence sur les Agents Tératogènes (CRAT) dont les données ont été mises à jour en janvier, le lien entre autisme et prise des ISRS pendant la grossesse ne peut être établi suite à cette seule étude. Les arguments principaux évoqués seraient que l’ampleur du risque énoncé se révélerait modeste et que l’analyse des résultats ne prend pas en considération un certain nombre de facteurs connus pour être associés aux troubles du spectre autistique.
Une augmentation significative des risques de troubles du langage
Dans le cas présent, des chercheurs de l’université de Columbia de New York ont examiné l’exposition de ces antidépresseurs chez la femme enceinte et le risque pour l’enfant de développer divers troubles notamment moteurs ou du langage. Pour cela, ils se sont servis des données récoltées en Finlande de 1996 à 2010. Au final, l’étude a inclus 56 340 enfants suivis de leur naissance jusqu’à l’âge de 14 ans. Ceux-ci ont été divisés en 3 groupes. Le premier comprenait ceux exposés aux ISRS puisque leurs mères ont été diagnostiquées comme étant atteintes de troubles dépressifs et elles ont effectué un ou plusieurs achats du médicament suite à une prescription alors qu’elles étaient enceintes. Le second incluait les individus non traités, soit ceux dont les mères ont été diagnostiquées pour la pathologie mais qui n’auraient pas acheté d’ISRS pendant leur grossesse. Le dernier était le groupe des « non exposés », ceux dont les mères ne souffraient de ce type de maladies ou qui n’ont jamais acheté d’antidépresseurs.
Les chercheurs ont observé une augmentation significative des risques de développer ce type de pathologie dans le groupe exposé à ces substances comme dans celui des enfants ou les mères n’ont pas acheté ces médicaments pendant la grossesse par rapport aux bébés qui n’ont pas été exposés du tout (dont les mères n’ont jamais eu recours aux antidépresseurs).
Un risque lié au nombre d'achats d'ISRS
Puis ils ont analysé les données concernant le nombre d’achat d’ISRS effectués par la future maman et les troubles apparus chez leur descendance. Ils ont alors remarqué une hausse des risques de souffrir de troubles du langage à partir de deux achats d’ISRS pour les enfants directement exposés durant la gestation comparés aux deux autres groupes. Apparemment, le risque augmentait pour eux de 37 % par rapport aux enfants dont les mères n’avaient rien acheté pendant la durée de leur grossesse et de 67 % par rapport aux bébés qui n’avaient pas été exposés du tout. Cette corrélation restait significative même après que la sévérité de la pathologie de la mère a été prise en compte.
En revanche, aucune différence significative n’a été découverte pour les autres troubles étudiés entre le groupe des enfants exposés et ceux dont les mères se sont abstenues d’acheter des ISRS pendant qu’elles étaient enceintes.
Néanmoins si ces observations sont intéressantes, cette étude demeure observationnelle. Par ailleurs, les auteurs ne peuvent confirmer si les médicaments achetés ont bel et bien été pris…
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