Depuis 2014, la consommation des fluoroquinolones, antibiotiques aux effets indésirables rares mais graves, a baissé, à la suite de mesures prises par les autorités de santé. Le 20 février 2025, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) publie deux rapports sur l’usage des fluoroquinolones*. Le premier a étudié leur utilisation en vie réelle entre 2014 et 2023 et démontre une diminution de leur consommation de moitié, dans toutes les classes d’âges.
Le second confirme la survenue d’effets indésirables « très rares, graves, invalidants, persistants et potentiellement irréversibles », lit-on dans le communiqué de l’ANSM, qui alerte : « Des situations de mésusage sont encore rencontrées, qui exposent au même risque d’effets indésirables. »
La majorité des prescriptions proviennent des généralistes
Le rapport épidémiologique, réalisé par Epi-Phare et l’Inserm, conclut à une efficacité des mesures prises pour limiter le mésusage des fluoroquinolones, à savoir leur retrait de la stratégie thérapeutique des infections urinaires bactériennes (2015), le déremboursement de l’énoxacine, la norfloxacine et la loméfloxacine (2016-2019) et la modification des autorisations de mise sur le marché (AMM) en 2019 après la réévaluation du rapport bénéfice/risque par l’Agence européenne du médicament (EMA).
L’usage des fluoroquinolones en France est passé de 4,8 millions de délivrances pour 3,5 millions d’utilisateurs en 2014 à 2,2 millions pour 1,7 million d’utilisateurs en 2023, une consommation inférieure à la moyenne européenne mais deux fois plus élevée qu’en Allemagne, Angleterre, Danemark, Irlande ou Belgique.
Les médecins généralistes sont les principaux prescripteurs de fluoroquinolones en ville, à hauteur de 89,2 % en 2023. Même si la pratique est à la baisse chez les ophtalmologues, les ORL et les psychiatres, ils continuent de prescrire ces antibiotiques pour des indications non recommandées. Ainsi, les experts considèrent « essentiel de maintenir une surveillance en matière de prescription et de contenir celles qui sont inappropriées ». Et de souligner la nécessité de mener des études pharmacoépidémiologiques supplémentaires, notamment pour « clarifier les utilisations hors indications ».
Neuropathies : la moitié des prescriptions est hors AMM
Le second rapport, une expertise des Centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) de Paris et de Marseille, confirme la « possibilité de survenue d’effets indésirables très rares, graves, invalidants, persistants et potentiellement irréversibles touchant notamment les muscles, les articulations et le système nerveux (neuropathie périphérique) ». Il met aussi en évidence leur forte incidence dans des utilisations hors AMM. « À cet égard, les recommandations “Mise au point sur le bon usage des fluoroquinolones” de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) doivent faire l’objet d’une actualisation qui sera publiée prochainement », déclare l’ANSM.
Dans les cas de neuropathies sous fluoroquinolones, 54 % des prescriptions sont pour des indications hors AMM confirmées ou douteuses. L’atteinte neurologique survient dans des délais très courts, moins d’une semaine dans 50 % des cas. Les symptômes perdurent après arrêt du traitement dans 69 % des cas. Pour rappel, les fluoroquinolones ne doivent pas être prescrites en cas d’infections non sévères ou spontanément résolutives ; en prévention de la diarrhée du voyageur ou d’infections récidivantes des voies urinaires basses ; pour traiter des infections non bactériennes ; en cas d’antécédents d’effets indésirables à un antibiotique de la famille des quinolones. Elles ne doivent être prescrites qu’en seconde intention pour les infections de sévérité légère à modérée. L'utilisation concomitante avec des corticoïdes doit être évitée (augmentation du risque de tendinopathie).
Ce travail de l’ANSM intervient alors qu’une enquête est ouverte depuis mars 2024 pour blessures involontaires et tromperie par le pôle santé publique du parquet de Paris, et recense 60 plaintes. Philippe Coville, président de l’association d’aide et d’information sur les effets délétères des fluoroquinolones, qui compte quelque 900 victimes, espère qu’à l’aune de ce rapport, « enfin un peu plus d’attention sera consacrée à ce type de prescription ». « En 2025, il n’est pas normal de prescrire un tel médicament sans hésiter, sans considérer les AMM et la balance bénéfice-risque. Au regard de la haute toxicité des fluoroquinolones, les restrictions d'usage doivent être respectées par tous, s’insurge-t-il auprès du “Quotidien”. On voit bien trop souvent des personnes ayant reçu une prescription à la légère, entre deux portes. Les patients ont le droit d’être informés, de connaître les dangers qu’on leur fait courir, et pour quelle raison ».
De son côté, la Haute Autorité de santé a inscrit à son programme de travail l’élaboration d’une information destinée aux professionnels de santé pour les sensibiliser au repérage des complications, leur signalement via le dispositif de pharmacovigilance et préciser la prise en charge des patients.
Ciprofloxacine, ofloxacine, énoxacine, péfloxacine, norfloxacine, loméfloxacine, lévofloxacine, moxifloxacine, delafloxacine
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