Alors que le syndrome de l’intestin irritable (SII) touche près de 5 à 10 % de la population, les mécanismes en cause restent mal connus. Le microbiote pourrait intervenir, comme le suggèrent plusieurs études descriptives mettant en évidence des dysbioses chez les patients atteints. Celles-ci ne sont toutefois pas systématiques et pour le moment, les chercheurs peinent à identifier finement les anomalies en cause et leur implication réelle dans le SII.
Des résultats contradictoires
Malgré ces incertitudes, « corriger la dysbiose par le transfert de microbiote fécal (TMF) est une piste thérapeutique séduisante, explique le Pr Danny De Looze, hépato-gastro-entérologue à l’hôpital de Gand (Belgique), dont les recherches portent sur cette technique. Des études en ouvert ont suggéré son intérêt, en dépit d’un effet apparemment transitoire, mais les promesses tardent à être confirmées et les deux seules études randomisées disponibles ont livré en 2018 des résultats contradictoires, témoignant de lacunes dans la compréhension de la physiopathologie de la dysbiose mais également dans les modalités optimales de cette transplantation fécale. »
La première, une étude norvégienne, a utilisé la méthode de l’infusion colique de microbiote « sain » chez 90 patients atteints de SII modéré à sévère, avec diarrhée et/ou constipation. 65 % des patients sous traitement actif vs 43 % sous placebo ont répondu à 3 mois. Le second travail concluait en revanche que la correction de la dysbiose par gélules de microbiote intestinal sain était réelle (à 6 mois) mais sans pour autant présenter d’amélioration symptomatique.
Bientôt une étude française
L’enthousiasme demeure cependant, alimenté par plusieurs études préliminaires dont l’une était présentée au dernier congrès américain de gastro-entérologie. Des patients souffrant d'un SII avec ballonnement prédominant étaient transplantés avec des selles fraîches par sonde nasojéjunale. « À 12 semaines après la transplantation, 49 % rapportaient une amélioration des symptômes en général et du ballonnement en particulier comparé au bras placebo, commente le Pr De Looze, investigateur principal. Après 3 mois, l’inconfort abdominal était réduit de 29 %, l’urgence défécatoire de 29 %, la douleur abdominale de 26 %, le ballonnement de 32 % et les flatulences de 10 %. La qualité de vie était améliorée. »
Entre-temps, d’autres résultats de l’équipe norvégienne, présentés au congrès européen de gastro-entérologie (octobre 2019) affichaient un taux de succès dans plus de 80 % vs 23 % dans le groupe placebo.
De nombreuses inconnues pourraient influencer les expériences, comme le type de SII, le recours à des donneurs multiples vs un mono-donneur voire à des super-donneurs à la flore d’une grande diversité, la voie d’administration, le renouvellement des traitements, leur durée d’effet, etc. Une étude française randomisée (ICEBOAT) débutera en France en 2020. Elle étudiera l’administration de gélules de selles congelées vs placebo dans les formes sévères de SII.
Les espoirs déçus des régimes pauvres en FODMAPS
Après avoir suscité beaucoup d’enthousiasme, le régime pauvre en FODMAPs* fait de moins en moins figure de solution miracle pour les patients atteints de SII. Dans les études pionnières, ce régime pauvre en sucres fermentescibles laissait espérer des bénéfices de l’ordre de 70 %. Mais les données parues depuis sont moins tranchées, comme en témoignent deux méta-analyses parues en 2017 et 2018. Réunissant des études contradictoires, ces deux publications semblent globalement en faveur d’une efficacité sur les douleurs abdominales, les ballonnements et les flatulences chez certains patients, tous types de troubles du transit confondus. Mais l’effet est difficile à estimer. « L’efficacité potentielle d’un régime pauvre en FODMAPs n’est pas prévisible », estime le Pr Danny De Looze. La chiffrer est problématique car en 2019, il n’existe toujours pas de définition consensuelle de ce qu’est exactement un régime pauvre en FODMAPs. Celle-ci varie selon les habitudes alimentaires des pays (allant de 3 à 17 g/j de FODMAPs). Ses modalités constitutives et de réintroduction, la dysbiose qu’il induit, sont autant de questions sans réponse.
Dans la recherche de facteurs prédictifs, le profil bactérien du microbiote fécal et certaines mutations des enzymes digestives (saccharase-isomaltase) pourraient jouer un rôle.
*Fermentable Oligosaccharides Disaccharides Monosaccharides And Polyols
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