Deux tiers des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde ne sont pas satisfaits de la prise en charge antalgique, voire plus. Une étude menée en 2008 sur 254 patients montre ainsi que 17 % d’entre eux ressentent, malgré ces traitements bien conduits, des douleurs sévères et 60 % des douleurs modérées.
La prise en charge de la douleur est-elle donc négligée des médecins ? En tout cas, elle ne semble pas faire partie des priorités, tant sur le plan diagnostique que sur celui de la prise en charge. « En effet, on a fait beaucoup de progrès diagnostiques depuis les critères EULAR/ACR 2012, indique le Pr Philippe Bertin (rhumatologue, CHU de Limoges). On établit le score DAS28, afin de savoir combien d’articulations sur vingt-huit sont atteintes, on prend en compte la biologie, l’évaluation globale par le patient, le nombre d’articulations gonflées, le nombre d’articulations douloureuses à la pression… Mais l’évaluation de l’évolution de la maladie n’intègre pas une estimation spécifique de la douleur. » Et il est bien difficile de traiter une douleur si celle-ci est mal connue.
Des objectifs ambitieux, mais pas pour la douleur
D’autre part, sur le plan de la prise en charge, les médecins cherchent surtout à atteindre des objectifs thérapeutiques ambitieux depuis qu’il existe des molécules très efficaces : métothrexate et biothérapies. Et, de fait, la prise en charge de la douleur passe, encore une fois, au second plan. « Quand la polyarthrite est récente, l’objectif est la rémission clinique dans les six premiers mois de traitement. On va même jusqu’à la stabilisation radiologique (on évite la progression). Quand la maladie est installée, cherche à atteindre une faible activité et une diminution de la progression des lésions radiologiques », poursuit le rhumatologue. Pourtant, malgré ces traitements bien conduits et des objectifs atteints, la douleur reste un symptôme important.
Comment alors faire face à une polyarthrite douloureuse ? « Tout d’abord, il s’agit de réaliser une nouvelle évaluation clinique et biologique (score d’activité de l’inflammation, évaluation des lésions structurales) afin de s’assurer que la maladie n’évolue pas, ce qui nécessiterait alors d’augmenter ou d’optimiser le traitement de la maladie (metothrexate ou anti-TNF). »
Quand les douleurs ne sont plus inflammatoires (lésions séquellaires et douleurs mécaniques), on aura recours aux traitements locaux, arthroplastie, aides techniques. Mais surtout, dans ces deux cas de figure, les antalgiques sont une précieuse aide. Ils sont pourtant sous-utilisés.
Penser les antalgiques différemment
Bien souvent, les médecins ont recours à une simple échelle visuelle analogique de la douleur et essayent les antalgiques les uns après les autres, de palier 1, 2 ou 3 avant de finir par les abandonner. « Mais il faudrait penser les antalgiques autrement. C’est-à-dire plutôt se poser la question : quel est le mécanisme de la douleur dont se plaint mon patient ? et chercher à prescrire la molécule qui lui est la plus adaptée », indique Philippe Bertin.
Pour ce faire, il faudrait entamer tout d’abord une analyse sémiologique globale de la douleur. S’agit-il d’une douleur nociceptive, neuropathique, mixte ? Sensitivo-discriminative, affectivo-émotionnelle ? C’est en amenant le patient à décrire ce qu’il ressent (fourmillement, décharges, etc.) que l’on appréhendera mieux de quel type de douleur il s’agit. À partir de ce travail, on mettra en place une prise en charge non médicamenteuse ou un médicament qui correspondra à la cause présumée de la douleur. Ainsi face à une plainte nociceptive, on prescrira un anti-nociceptif (paracétamol, AINS, opioïdes), face à une douleur neuropathique aiguë un anti-hyperalgésique (anti-épiletique de type prégabaline, gabapentine, kétamine ), face à une douleur neuropathique chronique des médicaments renforçant le contrôle inhibiteur descendant (antidépresseur mixte sérotoninergique et adrénergique). Dans le cas d’une plainte mixte, on associera une anti-nociceptif à un anti-hyperalgésique, ce qui permet aussi de diminuer la dose de chaque médicament, avec moins d’effets indésirables.
Par ailleurs, « s’il est facile de prescrire (un opioïde lors d’une poussée douloureuse par exemple), il faut aussi savoir dé-prescrire, car la pathologie douloureuse est fluctuante », indique Philippe Bertin. Cela permet de ne pas multiplier les médicaments, de ne pas surdoser, de savoir qu’il n’y a pas que les antalgiques classiques (rappelons que les biothérapies ,elles aussi, sont antalgiques). Enfin, le traitement de la douleur passe aussi par des stratégies non médicamenteuses : relaxation, hypnose… qui sont tout le savoir-faire de la communauté de la douleur.
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