À peine dix ans après sa mise en œuvre à l’échelon national, le dépistage organisé (DO) du cancer du sein est-il menacé ? Lors du colloque annuel des comités féminins consacré à l’avenir de ce dépistage, plusieurs acteurs de terrain ont fait part de leurs interrogations quand à sa pérennité, du moins en l’état.
Malmené par plusieurs vagues de polémiques quant à son rapport bénéfice risque, le dépistage organisé du cancer du sein semblait pourtant sorti de la tourmente cette année. « On voit que les polémique se sont éteintes définitivement aujourd’hui, s’est félicité le Dr Agnès Buzyn, présidente de l’INCa, et toutes les études ont montré que le bénéfice sur la mortalité reste présent et significatif ce qui justifie que nous gardions un programme de DO ». Exit donc, de façon officielle, les doutes concernant la pertinence « médicale » du dépistage organisé.
En revanche les interrogations concernant l’organisation et les modalités du dépistage semblent aller croissant. Avec un grand flou quant à la gouvernance du programme de dépistage comme l’a souligné le Dr Brigitte Séradour (radiologue et médecin coordinateur Arcades 13).
« Avec l’arrivée des agences, il a fallu faire de la place pour tout le monde », résume cette pionnière du dépistage qui dénonce une dilution de la gouvernance devenue de plus en plus administrative et craint, à terme, un « pilotage sans pilote ».De fait reconnaît le Dr Agnès Buzyn « ce programme doit avoir un pilotage resserré avec des échanges beaucoup plus fréquent avec les acteurs de terrain et une redéfinition des missions des un et des autres ».
Le futur plan Cancer devrait s’atteler à cette redistribution des rôles dans laquelle les structures de gestion pourraient bien laisser des plumes,
rapporte le Dr Séradour, « l’Assurance Maladie souhaitant reprendre la main sur les invitations des femmes au dépistage?». Si tel est le cas, « qui assumera les autres tâches des structures de gestion comme l’information et la communication sur le dépistage organisé, le suivi des tests suspects, etc.?», s’interroge la radiologue qui s’inquiète sur la perrénité du dépistage « de proximité » qui prévalait jusque là en France. Ce d’autant que dans certaines zones, le maillage territorial des radiologues rend déjà difficile l’accès au DO comme l’a rapporté le Dr Chantal de Sèze, présidente de la structure de gestion de l’Oise.
Nouveaux défis technologiques
A côté des problèmes d’organisation, le DO aura aussi à intégrer dans les années à venir de nouveaux défis technologiques et médicaux. Car, si pour le moment, « la mammographie classique reste le meilleur examen de dépistage », comme l’a rappelé le Dr Jacques Niney, président de la Fédération nationale des Radiologues Médicaux (FNMR), d’autres technologies sont déjà dans les starting blocks. La tomosynthèse (ou mammographie 3 D) semble particulièrement prometteuse. « C’est la première fois que nous avons un examen qui dépiste davantage de cancers en diminuant les faux positifs », se félicite le Dr Séradour.
La génétique pourrait aussi prendre une place croissante, comme l’a expliqué le Dr Dominique Stoppa-Lyonnet, chef du service de génétique de l’Institut Curie, le séquençage haut débit devant permettre d’identifier d’autres mutations favorisant le cancer du sein ou modulant l’expression d’autres gênes de prédisposition. « On s’attend à ce qu’il y ait des combinaisons péjoratives de gênes », explique le
Pr Stoppa-Lyonnet.
Vers un dépistage à la carte ?
Enfin, à l’avenir le DO devrait s’intéresser davantage « aux femmes qui ne sont ni dans le risque standard, ni dans le très haut risque et qui sont les grandes oubliés du DO », indique le Dr Buzyn. En d’autres termes alors que pour le moment le dépistage est le même pour toutes les patientes exceptées celles à très haut risque génétique, à terme, le dépistage pourrait être davantage à la carte.
« Je pense que l’avenir du programme de dépistage ce sera de donner à chaque individu dans la population son type de suivi, son type de recommandations et son type de dépistage »,
a conclu le Dr Agnès Buzyn.
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