Malgré de réels progrès dans la prise en charge globale, la vie des diabétiques de type 1 (DT1) ne ressemble pas encore à celle de tout le monde. Les derniers mois ont été prolifiques en termes de recherche épidémiologique et de vastes cohortes recadrent certaines notions sur ce diabète insulinodépendant.
Une espérance de vie réduite de 12 ans
Premier constat : la réduction de l’espérance de vie liée au diabète de type 1 (DT1) demeure importante, de 12 ans en moyenne, évaluée dans deux cohortes, l’une écossaise prospective sur près de 25 000 DT1, l’autre suédoise (registre observationnel) portant sur 34 000 DT1. Le pronostic s’est amélioré, mais modestement depuis 40 ans. Dans la cohorte écossaise, la perte d’espérance de vie à l’âge de 20 ans est de 11 ans (hommes) et de 13 ans (femmes), même en l’absence de néphropathie. 47 % des hommes et 55 % des femmes DT1 atteignent 70 ans contre respectivement 76 % et 83 % des non-diabétiques. Dans le même sens, le registre suédois fait état d’un excès de mortalité lié au DT1 avec un Hazard Ratio (HR) proche de 3,52, là aussi même en l’absence d’atteinte rénale.
La macro-angiopathie au premier plan
L’excès de mortalité cardio-vasculaire (CV) est encore plus considérable (HR 4,60). Et si l’on sait que le diabète de type 2 confère un risque doublé voire triplé de mortalité CV, l’étude suédoise établit que ce risque est identique chez les diabétiques de type 1, même si leur HbA1c est normalisée (< 7%). Sans surprise, ce risque s’accroît en cas de déséquilibre glycémique : la corrélation entre mortalité CV et taux d’HbA1c est nette, passant de 2,92 pour une HbA1c ≤ 6,9 % à 10,46 % pour une HbA1c ≥ 9,7 %.
Les femmes DT1, que l’on croyait de façon erronée encore moins à risque d’infarctus par rapport aux hommes DT1, sont en fait particulièrement concernées comme le montre une méta-analyse de 2015 sur plus de 200 000 DT1 avec un sur-risque de mortalité globale de 37 % et, pour le risque CV, précisément, un HR de1,86.
« On avait tendance à minimiser le risque CV dans le type 1, résume le Pr Fabrice Bonnet (CHU de Rennes). Il se révèle au contraire que c’est leur cause n° 1 de décès, particulièrement après l’âge de 50 ans, avec une augmentation de risque qui est du même ordre de grandeur que dans le DT2. Finalement, l’opposition entre type 1 et type 2, le premier étant moins à risque CV car non-insulinorésistant et, généralement, non obèse, ne tient plus. Il est aussi désormais prouvé que l’hyperglycémie joue un rôle indépendant et, à la longue, entraîne bel et bien une forte élévation du risque CV. Des données de 2012 sont en faveur d’une relation causale entre hyperglycémie et infarctus. »
Conséquence pratique : la nécessité d’un bon équilibre glycémique pour améliorer le pronostic CV, et ce le plus tôt possible, afin de prévenir les complications macro- et microvasculaires. Un challenge qui n’est pas gagné : divers registres nationaux suggèrent que 13 à 15 % des DT1 atteignent les objectifs glycémiques (HbA1c<7 %) et l’étude TEENs, la plus grande étude contemporaine et internationale incluant 6 000 jeunes DT1 dans 20 pays et dont les résultats européens étaient présentés à la SFD 2015, appuie ce constat : seul un tiers des 8-25 ans atteint son objectif d’hémoglobine glyquée. « Le DT1 ne touche pas que les yeux et le rein, insiste Fabrice Bonnet. Il ne faut pas minimiser le niveau de risque CV et agir en prévention. C’est pourquoi il faut éventuellement prescrire une statine lorsque le diabète est assez ancien et accompagné de complications microangiopathiques.
Les preuves apportées par des essais d’intervention avec une statine dans le DT1 sont rares mais on peut a priori extrapoler les données solides obtenues en population générale et dans le type 2. Antiagrégants plaquettaires, bloqueurs du système rénine angiotensine et agents anti- hyperglycémiques sont tout aussi indispensables ». Ces récentes données contredisent ce qui avait été avancé dans les années 2000 où l’on croyait qu’un DT1 dépourvu d’atteinte rénale n’était pas plus à risque de décès CV qu’un non diabétique.
Le SAOS pas si rare
Autre idée reçue battue en brèche : celle selon laquelle le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) ne concerne pas le type 1. Alors que l’on fait couramment le lien entre SAOS et DT2, on commence seulement à entrevoir la prévalence élevée du SAOS dans le type 1. « Bien que la plupart du temps non obèses, 20 % des types 1 souffrent de SAOS, une prévalence nettement supérieure à la population générale », souligne le Pr Bonnet. De plus, « il y a davantage de coronaropathies, d’HTA, de rétinopathie, néphropathie et neuropathie chez les DT1 apnéiques, ajoute le Dr Anne-Laure Borel (CHU de Grenoble), notamment après une certaine durée de diabète, d’où l’intérêt de cibler le dépistage du SAOS dans cette catégorie de DT1 ».
Il est acquis que la pression positive continue (PPC) amende le risque cardiovasculaire associé au SAOS et améliore la pression artérielle. Selon la littérature la plus récente, le traitement par PPC pourrait aussi corriger la variabilité glycémique nocturne et l’insulinosensibilité. Néanmoins, l’impact de la PPC sur l’HbA1c dans le type 1 reste encore à démontrer.
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