Le Généraliste. Quelle est l’épidémiologie de l’infection par le VIH en France ?
Pr Philippe Morlat. En France, 150 000 personnes sont porteuses du VIH et 30?000 ignorent leur statut sérologique. Ces dernières (un tiers d’homosexuels masculins, un tiers de personnes venant de pays de haute endémie, un tiers d’hétérosexuels) contribuent très fortement à la diffusion de l’épidémie.
Quelles recommandations délivre ce rapport vis-à-vis du dépistage ?
Le rapport Yeni de 2010 reprenant les recommandations de la HAS de 2009 préconisait le dépistage systématique du Sida chez tous les patients âgés de 15 à 70 ans, à coté de celui, ciblé, des populations à risques. Cette approche s’est révélée trop compliquée à appliquer. En raison de la nécessité d’une mobilisation de l’ensemble des professionnels de santé, d’une part, mais aussi parce qu’il n’était pas facile pour les généralistes, de proposer en dehors d’un contexte particulier un dépistage du VIH à leur patientèle régulière. Plusieurs travaux ont aussi montré que la plupart des patients fraîchement diagnostiqués auraient pu l’être auparavant, lors de situations cliniques et biologiques variées. Enfin, un avis du Collège national des généralistes enseignants a conclu que la pratique du dépistage généralisé n’était pas adapté à la pratique de ville.
Nous avons été amenés à réajuster les recommandations de la HAS en invitant les médecins généralistes à prendre l’initiative de la proposition de dépistage à partir de circonstances cliniques et biologiques classiques incitant à cette recherche du VIH. Tout en conservant un dépistage populationnel proposé aux homosexuels masculins, aux personnes provenant des régions de haute endémie (Afrique subsaharienne), aux toxicomanes et aux hétérosexuels à partenaires multiples (plus de deux sur un an). Dans ce dépistage les structures associatives ont aussi, bien entendu, un rôle important à jouer.
Quand faut-il traiter les patients porteurs du VIH ?
Le rapport préconise, pour la première fois en France, de traiter tous les patients porteurs du VIH, quel que soit leur taux de lymphocytes CD4, et non plus seulement ceux qui ont un taux de CD4 inférieur à 500/mm3. En effet, plusieurs études observationnelles dégagent un net bénéfice de cette stratégie en termes d’évolutivité du Sida et des pathologies associées, sans compter l’intérêt, déjà évoqué, en termes de prévention de la transmission.
Existe-t-il de nouveaux outils pour ce dépistage ?
Les TROD (Tests rapides à orientation diagnostique) existent depuis un an ou deux. Les résultats sont obtenus en moins de trente minutes. Le recueil se fait sur le sang recueilli par microponction ou sur la salive. Leur intérêt est de dépister des sujets appartenant à des populations qui, échappant au système de soins, ne seraient pas dépistés autrement. Environ 30 000 TROD ont été effectués en 2013 d’après la DGS. Autre nouvel outil, les autotests, déjà commercialisés aux états-Unis. Ils ont une bonne valeur prédictive négative. A l’inverse, les résultats n’affirment la séropositivité que dans 90% des cas. Il s’agit d’un dispositif qui ne peut être que complémentaire des tests classiques. Il devrait de plus être encadré par le ministère de la Santé pour accompagner les utilisateurs (avec, en particulier, la mise en place d’une ligne téléphonique de liaison), son emploi étant limité aux personnes ne se faisant pas dépister par les test classiques.
Quelle est la position des experts sur la prévention du sida en 2013 ?
Nous défendons le concept de prévention combinée. Les vieilles recettes ne doivent pas être abandonnées : préservatif, stratégie de choix des partenaires et des pratiques sexuelles. Mais nous y ajoutons le traitement antirétroviral de personnes atteintes par le VIH, comme outil de prévention de la transmission (TasP). Et ce traitement doit être aussi précoce que possible. Quant à la prophylaxie pré-exposition de personnes séronégatives (PrREP), elle fait encore l’objet d’études, notamment initiées par l’ANRS. Le rapport se positionne néanmoins sur la prophylaxie « quotidienne » (personnes prenant en préventif, tous les jours, un comprimé d’antirétroviral), pour laquelle les données disponibles dégagent au mieux une efficacité de 50%. Pour les experts, cette prophylaxie ne doit être autorisée qu’au sein de phases expérimentales pilotes et réservée aux sujets échappant à la prévention classique.
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