S’il y a quelques mois, les « Panama Papers » avaient fait trembler le monde de la finance, la publication récente de l’enquête des « Implant Files » a quelque peu secoué l’univers de la santé, et principalement nos autorités sanitaires. Car ce qu’il ressort surtout de ce travail effectué par le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) de plus de 250 journalistes de 59 médias de 36 pays, dont « Le Monde », Radio-France, Premières Lignes (Cash investigation) est le manque de contrôle des dispositifs médicaux à tous les niveaux, avant leur commercialisation, comme après leur utilisation.
Le problème concerne surtout les pacemakers, prothèses, stents, défibrillateurs et autres implants en tout genre. Il ne faut pas croire que le mal est franco-français, comme le montre le travail de ce consortium international de journalistes, la plupart des pays sont concernés. A la différence des « Panama Papers » qui s’appuyaient sur un grand nombre de documents qui avaient fuité, « Implant Files » se caractérise par un défaut majeur de données et d’informations permettant d’avoir des réponses sur l’évaluation et les risques de ces produits.
Un filet à mandarines comme implant périnéal
Ce qui a allumé la mèche ? En 2014, une première enquête d’une journaliste néerlandaise, Jet Schouten, avait effectué les démarches nécessaires pour certifier un filet à mandarines, comme implant périnéal. Elle a soumis un dossier comportant de nombreuses erreurs ou incohérences à trois organismes chargées des vérifications nécessaires. Ceux-ci lui ont donné trois approbations de principe pour un marquage CE. Et donc la possibilité de le mettre sur le marché européen. Cet argument fut suffisamment convaincant pour lancer une grande enquête au niveau international et montrer au passage que ces dispositifs ne sont pas sans danger.
« Implant Files » indique qu’en 2017, l’Ansm a relevé qu'en France 18 208 incidents liés à des dispositifs médicaux. Et environ 158 000 en dix ans. Depuis 2008, le nombre de ces incidents a doublé. Mais pour les auteurs de cette enquête, ces chiffres sont très aléatoires. Car en réalité, les effets indésirables liés à ces dispositifs médicaux sont peu déclarés.
En septembre dernier, lors de la remise d’un rapport sur l’amélioration de l’information sur le médicament, Agnès Buzyn regrettait d’ailleurs la faible implication des médecins dans la déclaration d’effets indésirables liés aux médicaments ou aux dispositifs médicaux via un site ouvert en mars 2017, et avait déclaré son intention de prendre des mesures pour inciter les médecins à davantage effectuer ces déclarations.
Une nouvelle legislation appliquée en 2020
En fait, nos autorités sanitaires européennes avaient conscience des lacunes concernant l’évaluation et la surveillance des dispositifs médicaux. En juin dernier, l’Ansm avait informé qu’une révision complète de la législation européenne avait été adoptée et sera appliquée en 2020. Les objectifs sont de parvenir à une plus grande transparence et évaluation du bénéfice/risque, une meilleure traçabilité (par un identifiant unique sur l’étiquetage et la carte implant), une surveillance renforcée après la mise sur le marché, avec aussi une généralisation de la carte patient intégrant les informations du dispositif pour les porteurs d’implants. Actuellement, l’information vers le patient fait défaut. D’après « Le Monde », « une enquête menée en 2014 par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) montre, par exemple, qu’en Ile-de-France, moins d’un établissement sur deux dispose d’un document précis à remettre aux malades à leur sortie. »
Enfin, si aujourd’hui, des médecins demandent que certains dispositifs médicaux suivent les règles des médicaments avant leur mise sur le marché, les nouvelles et prochaines dispositions européennes prévoient que tout nouveau dispositif implantable soit soumis à des essais cliniques proches ce ceux appliqués pour les médicaments. Et que les résultats soient soumis à un panel d’experts européens.
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