Si « le Généraliste » était paru en mars 1924

Les lésions oculaires de Michel-Ange

Publié le 18/03/2015

« Dans sa "Vie de Michel-Ange”, Romain-Rolland a très bien décrit les lésions oculaires dont souffrait le maître italien. L’illustre artiste avait eu d’ailleurs soin de fournir lui-même les éléments de son « observation”.

Après avoir peint "Le Déluge”, qui lui avait demandé un labeur considérable, le célèbre sculpteur sortit de ce travail herculéen "glorieux et brisé ”. Sa vue, pourtant, s’était très affaiblie : "A tenir pendant dix mois la tête renversée pour peindre la voûte de la Sixtine, je me suis abîmé la vue de telle sorte que, longtemps après, je ne pouvais lire une lettre ou voir un objet qu’en les tenant au-dessus de la tête pour mieux les voir.”

Or cette lésion oculaire, M. Jean Sédan, chef de clinique ophtalmologique à l’École de médecine de Marseille, vient de la retrouver chez un vieux mineur de charbon qui ne pouvait arriver à lire le journal qu’en le plaçant très haut et bien au-dessus de sa tête. Il avait contracté cette fâcheuse habitude depuis environ dix années et il l’attribuait exclusivement aux exigences de son métier où le regard est presque toujours dirigé en haut, pour faire sauter les blocs de charbon. Chez Michel-Ange, les troubles étaient aggravés de déformation générale qu’il décrit en ces termes :

"La peine m’a fait un goitre, comme l’on en fait aux chats de Lombardie… Mon ventre pointe vers mon menton, ma barbe se retrousse vers le ciel, mon crâne s’appuie sur mon dos, ma poitrine est comme celle d’une harpie. Le pinceau, en s’égouttant sur mon visage, y a fait un carrelage bariolé. Mes lombes me sont rentrées dans le corps et mon derrière fait contrepoids. Je marche au hasard sans que je puisse voir mes pieds. Je suis tendu comme un arc syrien. Mon intelligence est aussi baroque que mon corps car on joue mal d’un roseau recourbé.”

L’ouvrier observé par M. Jean Sédan présentait, lui aussi, des déformations professionnelles. N’a-t-on pas là une preuve de plus des services que peut rendre l’histoire et, dans le cas particulier, l’histoire de l’art, à la médecine ? Et les cliniciens modernes ne pourraient-ils puiser dans ces rapprochements des considérations qui fortifient leur enseignement tout en le rendant plus agréable ? »

(La Chronique médicale, mars 1924)

Source : lequotidiendumedecin.fr