Épidémie 2012-2013

Les mauvaises surprises de la grippe

Publié le 05/04/2013
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Cette année, l’épidémie de grippe a été doublement particulière. Elle a été extrêmement longue, s’étalant sur plus de trois mois et demi. Et le vaccin a été peu efficace, en raison de la circulation non prévue de deux souches du virus B et d’une mutation inattendue du virus A H3N1 au moment de la fabrication des souches vaccinales.

Avec plus de 14 semaines, cette année, l’épidémie de grippe a été la plus longue observée depuis plus de 30 ans, indiquent les réseaux de surveillance Sentinelle et des GROG (Groupes Régionaux d’Observation de la Grippe). Elle a enfin commencé sa décrue la semaine du 18 mars, semaine durant laquelle l’incidence des cas de syndromes grippaux vus en consultation de médecine générale a été estimée à 115 cas pour 100 000 habitants. Soit tout juste en dessous du seuil épidémique (120/100 000).

Depuis le début de l’épidémie estimé au début du mois de novembre 2012, on recense 706 cas graves (admis en réanimation) et 111 décès. « Dans ces formes graves, un tiers des sujets touchés avaient plus de 65 ans », indique le Pr Daniel Floret, président du Comité Technique des Vaccinations (Haut Conseil de la Santé Publique). Les jeunes n’ont donc pas été épargnés cette année par la grippe. « Et ce, du fait que le virus A(H1N1) qui touche plutôt les personnes jeunes, a beaucoup circulé », poursuit le président. Sachant que le virus A(H3N2), lui, s’attaque plutôt aux personnes âgées.

Une efficacité modérée

Mais cette saison grippale n’a pas été seulement exceptionnelle sur sa durée. Elle s’est également montrée assez désastreuse quant à l’efficacité de la vaccination. En effet, selon les premiers résultats de l’étude I-Move de l’European Center for Disease Prevention and Control (ECDC), l’efficacité de la vaccination contre la grippe A et B a été en 2012-2013 de 50,4 % pour les populations cibles.

À cette diminution, plusieurs explications. Tout d’abord, on sait que l’efficacité de la vaccination antigrippale varie chaque saison, en fonction de l’adéquation du vaccin fabriqué avec les souches qui circulent réellement. Cela est inhérent au fait que le virus de la grippe a une grande capacité à muter rapidement. Entre l’instant ou la souche vaccinale est décidée et le moment de l’épidémie, il arrive que les virus aient déjà muté. « De ce fait, l’efficacité de la vaccination antigrippale varie selon les années de 75 % à 30 %. Une méta-analyse publiée en 2012 par Osterholm dans le Lancet montre même que l’efficacité du vaccin trivalent inactivé n’a pu être démontrée que dans huit saisons grippales sur douze !», indique le Pr Floret.

Des paramètres inattendus

Toutefois, cette année d’autres éléments inattendus sont malencontreusement survenus. D’une part, il y a eu un incident tout à fait inhabituel lors de la première phase de l’élaboration du vaccin, qui comprenait cette année les trois souches A(H1N1), A(H3N2) et B.

« Lorsque l’OMS sélectionne les souches, elles sont récoltées par prélèvement puis mises en culture sur œufs embryonnés de poule. Ensuite, les souches ainsi produites sont distribuées aux fabricants qui les incluent dans les vaccins. Et, curieusement, cette année, lorsque la souche A H3N2 a été ensemencée sur œuf, le virus a muté, et donc la souche confiée aux laboratoires était un peu différente du virus qui a circulé, ce qui a diminué l’efficacité de la vaccination vis-à-vis de A (H3N2) », rapporte Daniel Floret.

D’autre part, un autre phénomène est venu se surajouter à cette mutation indésirable. Deux virus grippaux de type B ont circulé durant l’épidémie dans l’Hexagone alors qu’une seule souche était incluse dans le vaccin trivalent. D’où une diminution de l’efficacité vaccinale, cette fois-ci à l’encontre des virus du type B.

Calendrier vaccinal : pas de révolution pour la grippe

Vaccin muté, grippes sévères chez des personnes jeunes, deux souches de virus B en circulation… Les mauvaises expériences de cette saison vont-elles pour autant modifier les futures recommandations vaccinales ? Sans doute, mais de façon modérée. « En France, le nouveau calendrier intégrera probablement un vaccin antigrippal quadrivalent, incluant les deux souches de virus B qui ont circulé en 2012-2013 », dévoile Daniel Floret. Pour autant, aucun remaniement en profondeur n’est actuellement prévu en ce qui concerne la grippe, bien que la stratégie vaccinale puisse être rediscutée, à la lumière notamment de l’expérience des pays qui vaccinent les enfants contre cette pathologie. »

Charlotte Demarti, cdemarti@legeneraliste.fr

Source : lequotidiendumedecin.fr