Outre les effets indésirables à court terme connus, tels que le syndrome de relargage de cytokines ou encore le syndrome de neurotoxicité ou la cytopénie, l’agence américaine du médicament, la Food and Drug Administration (FDA), évalue actuellement le risque de second cancer associé à des thérapies par cellules CAR-T.
Les données américaines recensent à ce jour entre 20 et 25 cas signalés de lymphomes T qui pourraient être associés à une thérapie par cellules CAR-T administrée pour le traitement d’un cancer. Mais les connaissances à ce sujet sont aujourd’hui limitées et les données disponibles suggèrent que le risque de second cancer ne serait pas plus élevé que chez les patients ayant déjà été fortement exposés à la chimiothérapie.
Dans le traitement du cancer, l’arsenal thérapeutique peut compter depuis quelques années sur ces lymphocytes T autologues génétiquement modifiés pour leur faire exprimer un gène codant pour un récepteur antigénique chimérique (CAR). Ces thérapies par cellules CAR-T permettent aux lymphocytes T réintroduits de se tourner vers les cellules cancéreuses, porteuses de l’antigène cible et de les attaquer. L’introduction se fait généralement grâce à un vecteur viral.
Une équipe de l’université de Stanford (États-Unis) s’est ainsi replongée sur 724 cas de patients traités dans leur centre depuis 2016. Ils ont recherché la survenue de secondes tumeurs dans leur cohorte. Leurs résultats sont publiés dans The New England Journal of Medicine, accompagnés d’un cas clinique et d’un éditorial signé par des chercheurs de l’université de Cambridge (Royaume-Uni). L’étude est financée, entre autres, par le National Cancer Institute américain.
Une incidence de seconde tumeur hématologique à trois ans de 6,5 %
Au total, 96,6 % des perfusions de leur cohorte ont été réalisées avec des CAR-T cells, 0,8 % avec des cellules T tueuses induites par des cytokines, 1,5 % avec des lymphocytes T cytotoxiques et 1,1 % avec des cellules T à récepteurs d'affinité améliorés par des peptides spécifiques. L’équipe a identifié 25 tumeurs secondaires, hors carcinomes de la peau, dont 14 tumeurs hématologiques et 11 solides. Ils ont estimé à 6,5 % l’incidence cumulative d'une seconde tumeur hématologique à trois ans.
Parmi les tumeurs hématologiques, les auteurs ont retrouvé un cas identifié de lymphome T chez une patiente de 59 ans, positive au virus Epstein-Barr (EBV) qui avait été traitée par axicabtagène ciloleucel (Yescarta) pour un lymphome diffus à grandes cellules B de stade 4, et précédemment par différentes molécules pour un psoriasis et une fasciite à éosinophiles. Le lymphome T s’est développé 54 jours après la perfusion des cellules CAR-T ciblant le CD19. Après avoir profilé les deux lymphomes, ils ont retrouvé des immunophénotypes et des profils génomiques moléculaires distincts, mais positifs pour le virus d’Epstein-Barr. Dans les deux lymphomes, une hématopoïèse clonale mutante DNMT3A et TET2 étaient associées, pour les experts de Cambridge qui signent l’éditorial cela « suggère une dérivation indépendante à partir d'une hématopoïèse clonale préexistante » montrant « la possibilité que le cancer lymphoïde EBV-positif soit plus susceptible de survenir à partir de clones hématopoïétiques prémalins ou clonaux après une thérapie par cellules CAR-T ». Enfin, les auteurs n’ont retrouvé aucune preuve d'intégration rétrovirale oncogène, ce qui écarterait donc une association directe à la thérapie par cellules CAR-T.
L’incidence de 6,5 % et ce cas particulier montrent, selon eux, « la rareté des tumeurs secondaires et fournissent un cadre pour définir les relations clonales et la surveillance des vecteurs viraux ». Pour les deux chercheurs de Cambridge, l’incidence est en effet « relativement faible » et « conforme aux données précédentes ». D’autant plus que « le risque de base d'une deuxième tumeur maligne à cellules T est plus élevé chez les patients ayant déjà eu un lymphome à cellules B, même en l'absence de thérapies par CAR-T cells, cela peut refléter un effet plutôt concomitant que direct ».
Selon les auteurs d’un éditorial associé à l’étude, le lymphome T pourrait ainsi se développer, « soit à la suite de l'intégration d'un vecteur CAR dans un gène cancéreux, soit à la suite de changements génétiques ou épigénétiques survenant pendant l'expansion ex vivo des lymphocytes T, soit à la suite d'une prolifération excessive des lymphocytes T induite par l’antigène. Il est également possible que les cellules T récoltées puissent déjà héberger des variants somatiques associés au cancer qui rendent leur progression maligne plus probable ».
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