S’exprimant « à titre personnel », le Pr Alain Fischer a abordé, avec une certaine sévérité, la question de l’accessibilité des médicaments innovants. Car s’il existe de bonnes nouvelles liées aux avancées de la recherche médicale, notamment dans les champs des biothérapies et des thérapies cellulaires et géniques, « la moins bonne nouvelle est leur prix qui est déconnecté des coûts de recherche & développement, de production et de marketing. La trithérapie pour traiter la mucoviscidose s’élève par exemple à 200 000 euros par an et par patient », a-t-il notamment illustré.
Les justifications avancées par l’industrie – des médicaments sophistiqués donc coûteux ou encore leur valeur transformative qui permettraient de passer d’une maladie mortelle à la guérison – suscitent aussi des questions. « Nous avons un recul de 7 à 10 ans sur l’efficacité de la thérapie génique. Nul ne peut encore parler de guérison définitive. D’autre part, il n’existe aucune corrélation entre la taille d’un marché et le prix d’un médicament. Enfin, la question qui se pose est celle du partage du gain entre l’industrie et la société or aujourd’hui, il est loin d’être équilibré. »
Le Pr Alain Fisher a également cité, à l’appui de son propos, une étude menée par un institut de recherche économique américain indépendant selon laquelle le financement de thérapies géniques - évaluées au prix sous-estimé d’1 million de dollars – et destinées à traiter 1% des maladies génétiques – nécessiterait d’augmenter le budget consacré aux médicaments de deux-tiers, « ce qui est irréalisable ».
Propositions
Pour l’ancien président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale contre le Covid-19, deux objectifs doivent guider l’action future en la matière : rendre les médicaments innovants accessibles dans des pays comme les nôtres tout en maintenant le savoir-faire et le développement de l’industrie pharmaceutique. « Le curseur a été positionné trop loin en faveur des bénéfices de cette dernière. La quasi-absence de régulation des prix aux Etats-Unis est aussi il est vrai un inconvénient majeur. » Alain Fischer a également regretté une négociation « opaque » des prix. « En France, le Comité économique des produits de santé n’est pas dans une position favorable. Quels devraient être les critères de fixation des prix dans un monde idéal ? Nous devrions mettre autour de la table les industriels et les payeurs et prendre en compte les coûts de R&D, de marketing, le niveau de bénéfices et la valeur ajoutée de l’innovation sans que cette dernière puisse tout justifier. »
Le professeur honoraire du Collège de France a également mis en lumière un retour sur investissement insuffisant lorsque certaines innovations développées par le monde académique ou des organismes comme l’AFM-Téléthon sont ensuite commercialisées par des laboratoires privés, avant d’appeler de ses vœux des négociations de prix au niveau européen. « La démarche initiée pour les vaccins SARS-CoV-2 mériterait d’être reproduite pour les médicaments innovants et onéreux », a-t-il déclaré.
La recherche française en difficulté ?
Interrogé sur le crédit impôt recherche (CIR), le Pr Alain Fischer a enfin tenu à rappeler que les dépenses de recherche représentent en France 2,2% du produit intérieur brut, un pourcentage qui n’a pas évolué depuis 2008 alors que la Stratégie de Lisbonne, élaborée lors du Conseil européen des 23 et 24 mars 2000, visait à atteindre le taux de 3%. « L’Allemagne a par exemple dépassé cet objectif. Sans le CIR, serions-nous en décroissance ? » Il a enfin mentionné trois conditions qui selon lui devraient être imposées aux entreprises souhaitant bénéficier de ce dispositif : l’emploi de thésards, des clauses de prix raisonnables en cas de transfert entre les mondes académique et privé et une part de production française, voire européenne.
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