C’est une première qui était très attendue. La Food and Drug Administration (FDA), qui n’avait pas homologué de médicament contre la maladie d’Alzheimer depuis 2003, vient d’autoriser un traitement d’un genre nouveau : l’aducanumab-avwa, ou Aduhelm, de Biogen. Alors que les quelques médicaments disponibles jusqu’à présent (comme le donézépil, la mémantine, la rivastigmine ou la galantamine), mal tolérés et d’efficacité très modérée, étaient seulement symptomatiques, cet anticorps monoclonal qui cible les plaques cérébrales de peptide β-amyloïde associées à la maladie est le premier traitement étiologique d’Alzheimer.
Un bénéfice clinique mal évalué
Cette autorisation apparaît cependant controversée. Si trois essais cliniques ont bien mis en évidence une réduction importante de 59 à 71 % des lésions amyloïdes après 18 mois de traitement, les effets cliniques du médicament font encore débat. De fait, une première analyse conduite précocement par le laboratoire avait semé la confusion en trouvant des résultats négatifs et mené à l’arrêt des investigations en 2019, rapporte le neurologue Bruno Dubois (Paris), qui a participé aux évaluations de la molécule. Une analyse secondaire avait toutefois trouvé par la suite des signaux plus positifs évoquant une diminution de la pente d’aggravation de l’état clinique des patients traités par aducanumab. Devant ces résultats mitigés, un comité d’experts indépendants de la FDA s’était alors prononcé il y a quelques mois contre une autorisation de l’Aduhelm. Un avis que la FDA a finalement outrepassé mais en restant prudente : l’autorisation accordée est en fait conditionnelle, soumise à de nouvelles études. « Si (celles-ci) ne (parviennent) pas à vérifier le bénéfice clinique, la FDA peut engager une procédure pour retirer l’approbation du médicament », prévient l’autorité sanitaire.
Malgré ces incertitudes et ce « oui, mais » du régulateur américain, le Pr Dubois apparaît confiant. « Au regard de l’effet très significatif de l’aducanumab sur la réduction des lésions, on peut s’attendre à observer un ralentissement de la maladie chez les patients traités », estime-t-il.
Car, même si son rôle n’est pas totalement élucidé et a pu être discuté, le peptide β-amyloïde semble bien impliqué dans la destruction des neurones et le développement de la maladie. « On sait que dans les formes génétiques d’Alzheimer, les mutations en cause impactent le métabolisme amyloïde et que, plus généralement, l’apparition de plaques amyloïdes dans le cerveau entraîne une activation de la pathologie », argumente le neurologue.
Un traitement plus efficace au stade prodromal ?
Cependant, le traitement reste à optimiser, reconnaît-il. D’abord, les patients à qui pourrait bénéficier l’aducanumab doivent être mieux identifiés. Si ses effets cliniques apparaissent encore peu significatifs, c’est peut-être parce que l’aducanumab est surtout efficace au stade prodromal de la maladie, et que les patients inclus dans les essais présentaient déjà une démence trop avancée, suggère le Pr Dubois. De plus, la posologie du traitement pourrait être réduite. « Les fortes doses utilisées dans les investigations cliniques ont conduit à des effets indésirables », estime le spécialiste. En particulier, des anomalies à l’imagerie liées à l’amyloïde (Aria), avec un œdème de certaines zones du cerveau lié à l’afflux des peptides amyloïdes dégradés, ont été notées chez 40 % des patients. Or, si la plupart du temps, ces réactions transitoires sont asymptomatiques, certains sujets pourraient présenter des céphalées, des nausées, une confusion, et surtout des vertiges et des troubles de la vision pouvant occasionner des chutes. « Ce médicament devra donc sans doute être manipulé avec attention, et des IRM de contrôle pourraient être demandées », prévoit le Pr Dubois.
De nouveaux candidats médicaments dans la course
Au total, si des ajustements sont encore nécessaires et que l’aducanumab n’est sans doute pas un médicament miracle, le neurologue salue l’ouverture d’une nouvelle ère thérapeutique contre la maladie d’Alzheimer. « Mon sentiment est qu’après 20 ans de résultats négatifs, cette première autorisation marque la sortie du tunnel dans lequel on se trouvait », juge-t-il, alors que de nouveaux candidats médicaments plus prometteurs développés par Eisai, Roche ou Lilly pourraient suivre prochainement. « En particulier, l’anticorps de Lilly, le donanemab, pourrait entraîner une régression quasi-totale des lésions amyloïdes », s’enthousiasme-t-il. En attendant, reste à savoir si l’Aduhelm obtiendra une AMM en Europe. « Le laboratoire a déposé un dossier auprès de l’Agence européenne du médicament, qui ne devrait pas se prononcer avant la fin de l’année », indique le neurologue, sans certitude quant à l’issue de la procédure.
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