Les anticorps bispécifiques créent l'évènement en oncologie… enfin! À la dernière édition de l'ASCO, en séance plénière, Enhertu® (trastuzumab déruxtécan T-DXd) a été salué par une standing ovation. Les résultats de l'étude DESTINY-04 publiés simultanément dans The New England Journal of Medicine incitent, il est vrai, à l'adoption prochaine d'un nouveau standard thérapeutique dans le cancer du sein HER2 faible. Quel est le mode d'action des anticorps-bispécifiques? Ils sont édifiés autour de quatre éléments moteurs. En premier lieu, un anticorps monoclonal est conçu pour cibler un antigène lié au cancer. Est associée une chimiothérapie comme charge utile. Un linkeur clive ensuite cette charge utile in situ à l'intérieur des cellules cancéreuses. Enfin, ces trois composants sont attachés par une technique de conjugaison.
Premier anticorps bispécifique en 2000
Le chemin a toutefois été long avant d'arriver à cette édition 2022 de l'Asco. Le premier anticorps bispécifique avait en effet été lancé par Pfizer en 2000. Après deux décennies de désillusions, c'est peut-être désormais la lutte finale. En témoigne la success story d' Enhertu®. Il avait déjà démontré son efficacité dans les cancers du sein métastatiques HER2+. Désormais, l'anticorps bispécifique ouvre de nouvelles perspectives dans une entité histologique récemment identifiée qui exprime donc faiblement HER2. Dans l'étude de phase III présentée à Chicago, randomisée, 557 patientes traitées pour un cancer du sein métastatique HER 2 faible ont été incluses dans le protocole après avoir reçu une ou deux lignes de traitement. Le trastuzumab déruxtécan a été comparé à une chimiothérapie standard.
La SSP a doublé
Principal enseignement, la survie sans progression a presque doublé avec Enhertu® (9,9 mois versus 5,1 mois). Cette nouvelle option thérapeutique soulève de vifs espoirs dans une grande population de patientes qui ne bénéficiaient pas encore de thérapie ciblée. En effet, près de la moitié des cancers du sein sont décrits comme HER2 faible. Pour autant, le profil de tolérance doit également être pris en compte. Outre les effets secondaires déjà décrits comme les nausées, les vomissements, l'alopécie, trois décès liés à des pneumopathies interstitielles ont été comptabilisés. Le succès d'Enhertu® nécessitera une surveillance clinique rapprochée.
Patritumab déruxtécan
Découvert par Daiichi-Sankyo et codéveloppé avec AstraZeneca, l'anticorps bi-spécifique n'est pas le seul produit de cette classe thérapeutique actuellement évaluée par le laboratoire japonais. Selon Gilles Gallant, responsable du développement en oncologie du laboratoire japonais dans un entretien accordé à Evaluate Vantage, outre le datopatamab déruxtécan également en co-développement avec AstraZeneca, des résultats prometteurs ont été observés avec patritumab déruxtécan qui cible HER 3. Au-delà du cancer du sein, il soulève de grands espoirs dans le cancer du poumon non à petites cellules. Un essai de phase II est d'ailleurs en cours dans une population de patients qui n'a pas répondu aux thérapies ciblées et à la chimiothérapie. Un autre produit toujours dans le pipeline de Daiichi, DS-6000 vise le CDH6. Il est évalué dans le cancer de l'ovaire et du rein. Faut-il alors parler de percée pour les anticorps bispécifiques dans les tumeurs solides ?
Glofitomab
L'hématologie demeure en effet le terrain d'élection pour cette classe thérapeutique. En témoignent par exemple les données concernant le glofitomab (CD20XCD3, laboratoire Roche) dans l'indication de lymphomes diffus à grandes cellules B lourdement prétraités, y compris par CAR T-cell présentées à l'Asco et à l'EHA du 9 au 12 juin. Après un suivi de 12,6 mois, 39,4 % ont présenté une rémission complète. La rémission était maintenue après un an chez 78 % d'entre eux. Le produit est en concurrence frontale avec l'epcoritamab developpé par Abbvie. La décennie 2020 sera-t-elle celle des anticorps bispécifiques ?
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